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12/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15359

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2003, 15359


Tribunal administratif N°s 15359 à 15368 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 18 septembre 2002 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formés par Monsieur …, … contre les bulletins de l’impôt sur le revenu et les bulletins de l’impôt sur la fortune relatifs aux années d’imposition 1991 à 1995 incluse émis par le bureau d’imposition Luxembourg 9 – section personnes physiques – en matières d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu le

s requêtes intitulées « conclusions » inscrites sous les numéros du rôle respectifs 15359 à 15368 inc...

Tribunal administratif N°s 15359 à 15368 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 18 septembre 2002 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formés par Monsieur …, … contre les bulletins de l’impôt sur le revenu et les bulletins de l’impôt sur la fortune relatifs aux années d’imposition 1991 à 1995 incluse émis par le bureau d’imposition Luxembourg 9 – section personnes physiques – en matières d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune

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JUGEMENT

Vu les requêtes intitulées « conclusions » inscrites sous les numéros du rôle respectifs 15359 à 15368 inclus, déposées en date du 18 septembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Alain STEICHEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, agissant en sa qualité de légataire universel de feu Monsieur … …, tendant à la réformation des bulletins de l’impôt sur le revenu relatifs aux années fiscales 1991 à 1995 incluse émis par le bureau d’imposition Luxembourg 9, section des personnes physiques de l’administration des Contributions directes (rôles 15364 à 15368), ainsi que des bulletins d’impôt sur la fortune relatifs aux mêmes exercices fiscaux émis par le même bureau d’imposition (rôles 15359 à 15363) ;

Vu les mémoires en réponse du délégué du Gouvernement déposés en date du 18 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées au dossier et plus particulièrement les bulletins d’impôt déférés ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Alain STEICHEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 février 2003.

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Considérant que suite au décès de Monsieur … …, le bureau d’imposition Luxembourg 9, section personnes physiques, de l’administration des Contributions directes, désigné ci-

après par « le bureau d’imposition », a réclamé auprès de son légataire universel, Monsieur …, préqualifié, la remise des déclarations fiscales du de cujus ayant trait aux exercices fiscaux 1991 à 1995 inclus, en visant à travers son courrier du 11 juin 2001 les déclarations de l’impôt sur le revenu desdites années 1991 à 1995 incluse, ainsi que par son courrier du 24 juillet 2001 celles ayant trait à l’impôt sur la fortune aux dates des 1er janvier 1991, 1992 et 1995 ;

Que Monsieur …, agissant qualitate qua, a réclamé contre les courriers respectifs du bureau d’imposition des 11 juin et 24 juillet 2001 par courriers recommandés avec accusé de réception adressés au directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur », en date respectivement des 20 juillet et 10 août 2001 ;

Que par une sommation du 11 juin 2001, le bureau d’imposition a invité avec insistance Monsieur …, pris en sa qualité de légataire universel de feu Monsieur … …, de déposer les déclarations d’impôt sur le revenu pour les exercices fiscaux 1991 à 1995 inclus sous peine d’une astreinte de 50.000.- francs en cas de non-respect du délai fixé au 13 juillet 2001 pour la remise afférente ;

Qu’en date du 20 septembre 2001, le bureau d’imposition a émis à la fois les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les exercices fiscaux 1991 à 1995 inclus, ainsi que les bulletins d’établissement de la fortune, à savoir des bulletins de l’assiette générale pour les années 1992 et suivantes, ainsi que 1995 et suivantes, de même que le bulletin d’assiette nouvelle de l’impôt sur la fortune pour l’année 1991 ;

Qu’en date du 16 octobre 2001, Monsieur …, toujours agissant qualitate qua, a fait déposer auprès du directeur de l’administration des Contributions directes des réclamations dirigées contre les bulletins d’imposition précités émis le 20 septembre 2001 ;

Qu’en l’absence de prise de position directoriale durant plus de six mois, Monsieur … a fait introduire en date du 18 septembre 2002 dix recours en réformation, intitulés « conclusions », inscrits sous les numéros 15359 à 15368 inclus du rôle, dirigés contre les cinq bulletins d’impôt sur le revenu du 20 septembre 2001 concernant les exercices fiscaux 1991 à 1995 inclus (n°s 15364 à 15368 du rôle), ainsi que contre les bulletins d’impôt sur la fortune relatifs aux exercices fiscaux 1991 à 1995 inclus, ainsi énoncés, inscrits dans l’ordre chronologique inverse sous les numéros 15359 à 15363 du rôle ;

Considérant que s’il appert des éléments des dossiers que suivant seconde réclamation du 10 août 2001, Monsieur … avait encore réclamé contre la sommation astreinte du bureau d’imposition datant également du 24 juillet 2001 en relation avec les déclarations concernant l’impôt sur le revenu des exercices 1991 à 1995 inclus, c’est la réclamation prévisée du 20 juillet 2001, entrée après du directeur le 23 juillet suivant qui a été vidée par décision sur recours hiérarchique formel du directeur du 17 janvier 2003 ayant déclaré fondé le recours en question inscrit sous le numéro C11065 du rôle, en raison de la prescription acquise dans le chef de la créance du trésor pour l’impôt sur le revenu des années concernées ;

Que de ce fait, le recours en réformation également déposé le 18 septembre 2002 et inscrit sous le numéro 15369 du rôle, dirigé contre la sommation-astreinte du bureau d’imposition en question, a pu être rayé à l’audience publique du 12 février 2003 ;

Considérant que le délégué du Gouvernement suggère la jonction de tous les recours soulevant les mêmes questions de prescription, au-delà des questions d’irrecevabilité propres à certains d’entre eux et celles subsistant au fond par ailleurs ;

Considérant que dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et en vue d’éviter des redites au regard des situations de fait parallèles pour les cinq années d’imposition concernées, le tribunal est amené à joindre les dix recours sous analyse afin de les toiser par un seul et même jugement, étant donné que la façon de procéder préconisée par le délégué du Gouvernement présuppose une analyse préalable des arguments de recevabilité et de fond présentés suivant leur bien-fondé, inadéquate à ce stade liminaire du jugement ;

Quant à la recevabilité Quant à la recevabilité des recours inscrits sous les numéros 15360 et 15361 du rôle Considérant qu’à travers les recours inscrits sous les numéros 15360 et 15361 du rôle, le demandeur conclut, dans le cadre des recours en réformation introduits, à l’annulation des bulletins d’impôt sur la fortune relatif aux années 1993 et 1994 ;

Considérant que c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement fait remarquer qu’il n’existe pas de bulletins de l’impôt sur la fortune ni pour l’année fiscale 1993, ni pour 1994 et que les copies respectivement jointes auxdits recours comme devant tenir lieu de bulletins afférents ne sont autres que celles du bulletin d’assiette générale de l’impôt sur la fortune pour les années 1992 et suivantes, appuyé sur l’établissement de la fortune au 1er janvier 1992 y émargé, déféré par le recours inscrit sous le numéro 15362 du rôle ;

Considérant que suivant le paragraphe 12 alinéa 1er de la loi modifiée du 16 octobre 1934 concernant l’impôt sur la fortune, dite « Vermögensteuergesetz » (VStG), l’assiette générale vaut pour trois années consécutives dénommées exercices, l’exercice coïncidant actuellement avec l’année du calendrier, tandis que l’impôt sur la fortune est fixé en principe pour l’ensemble de ces trois années suivant la situation à la date clef du 1er janvier du premier exercice concerné, sauf les assiettes nouvelle et spéciale à fixer le cas échéant conformément aux dispositions respectives des paragraphes 13 et 14 VStG ;

Considérant qu’il s’ensuit que les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 15360 et 15361 sont irrecevables faute d’objet ;

Quant à la recevabilité des huit autres recours Considérant qu’au titre de l’impôt sur la fortune, les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 15359, 15362 et 15363 sont recevables, en ce qu’ils sont dirigés contre des bulletins d’impôt sur la fortune existants et distincts à savoir le bulletin d’assiette nouvelle d’impôt sur la fortune pour l’année 1991 (n° 15363 du rôle) et les bulletins d’assiette générale de l’impôt sur la fortune pour les années 1992 et suivantes (n° 15362 du rôle), ainsi que pour les années 1995 et suivantes (n° 15359 du rôle) ;

Considérant que lesdits trois recours en réformation en matière d’impôt sur la fortune, de même que les cinq recours dirigés respectivement contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des exercices fiscaux 1991 à 1995 inclus (n°s 15364 à 15368 du rôle) sont tous recevables pour avoir été introduits suivant les formes et délai prévus par la loi, conformément aux dispositions combinées des articles 8 (3) 3 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et paragraphe 228 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung » (AO) ;

Considérant qu’il convient de relever à cet escient que l’intitulé conféré aux requêtes introductives d’instance par le terme « conclusions », autant qu’il soit impropre, n’est cependant pas susceptible d’en dénaturer le contenu, lequel correspond, y compris son agencement, à celui d’une requête introductive d’instance appelée à véhiculer un recours contentieux devant les juridictions administratives ;

Considérant qu’au-delà de la formule impropre employée in fine des requêtes introductives d’instance suivant laquelle « soient les conclusions qui précèdent signifiées à l’administration des Contributions directes » le fait vérifié de la non-signification des recours à l’Etat, confirmé par le mandataire du demandeur à l’audience, rend sans objet les observations afférentes du représentant étatique ;

Quant au fond Quant à la prescription de la créance du trésor Considérant que le demandeur invoque pour les cinq années d’imposition 1991 à 1995 incluse à la base des bulletins déférés qu’aucune déclaration n’était à remettre de sa part agissant qualitate qua, ni a fortiori aucun bulletin d’imposition ne pouvait être valablement émis au motif tiré de la prescription des créances du trésor pour les années en cause ;

Considérant que le délégué du Gouvernement partage en principe ce point de vue en invoquant le caractère d’ordre public de la prescription en matière d’impôts directs sauf pour l’année 1995 pour laquelle la prescription n’aurait pas encore été acquise compte tenu de la modification intervenue au niveau des textes de loi pertinents applicables ;

Considérant que les bulletins d’impôt déférés comportent in fine au titre de la rubrique « l’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants » la mention « prescription décennale (§144 LGI) » ;

Considérant que le paragraphe 144 AO invoqué par le bureau d’imposition in fine des bulletins déférés dispose que : „ die Verjährungsfrist beträgt .. bei der Grundsteuer drei Jahre, bei den Ansprüchen auf die übrigen Steuern fünf Jahre ; bei hinterzogenen Beträgen läuft sie zehn Jahre. Die übrigen Ansprüche verjähren in einem Jahr“:

Considérant que l’article 10 de la loi du 27 novembre 1933 concernant le recouvrement des contributions directes, tel qu’il a été modifié et remis en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946, pris en vertu de la loi du 27 février 1946 concernant l’abrogation des lois de compétence de 1938 et 1939 et l’octroi de nouveaux pouvoirs spéciaux, était libellé comme suit avant sa modification à travers l’article 3 de la loi du 24 décembre 1999 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2000 : « la créance du Trésor se prescrit par 5 ans, toutefois, en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans.

Ces prescriptions s’appliquent à tous impôts, actes, cotisations, droits d’accise, amendes, frais et autres perceptions généralement quelconques dont est chargée l’administration des contributions, sauf la prorogation conventionnelle des droits du Trésor.

La prescription prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance est née » ;

Que l’article 3 de la loi du 24 décembre 1999 précitée est venu modifier l’alinéa 1er de l’article 10 en question en ce sens qu’il porte depuis lors que « la créance du Trésor se prescrit par cinq ans. Toutefois, en cas de non-déclaration ou en cas d’imposition supplémentaire pour déclaration incomplète ou inexacte, avec ou sans intention frauduleuse, la prescription est de dix ans » ;

Considérant que l’article 3 de la loi modifiée du 22 décembre 1951 portant prorogation du délai de prescription de certains impôts directs et précision des conditions dans lesquelles les prescriptions fiscales peuvent être interrompues, précise les modalités d’interruption des délais de prescription pour l’établissement et le recouvrement des impôts, étant entendu que les dispositions de l’article 12.1° de la loi du 21 décembre 2001 portant réforme de certaines dispositions en matière des impôts directs et indirects, venu modifier l’alinéa 1er de l’article 3 en question, reste sans incidence en l’espèce, sa date d’entrée en vigueur étant postérieure à celle de la loi prévisée du 24 décembre 1999, à savoir le 1er janvier 2000, jour auquel se cristallise la question des prescriptions acquises en l’espèce ;

Considérant qu’il résulte de la juxtaposition des dispositions qui précèdent que la prescription en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune est régie par l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933, telle que remise en vigueur, sous certaines modifications et additions, par l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946 qui, compte tenu de son libellé amendé, étendu et modifié, est à considérer in globo comme postérieure en date, par rapport à la loi générale des impôts, même analysée sous le couvert de sa loi confirmative précitée du 27 février 1946, faisant que depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté grand-ducal du 29 octobre 1946 ces impôts ne sont plus à considérer parmi les « übrige Steuern » visées par le paragraphe 144 AO précité (cf. trib. adm. 27 mai 1998, n° 10208 du rôle, Muller, Pas. adm.

2002, V° Impôts, n° 196, p. 342 et autres décisions y citées) ;

Considérant qu’à partir du rapport du directeur des contributions du 19 octobre 1951 au ministre des Finances relativement à l’article 1er du projet de loi n° 7 (391) ayant abouti à la loi prévisée du 22 décembre 1951 (compte rendu des séances de la Chambre des Députés, session ordinaire 1951-1952, annexes p. 11, commentaire des articles, ad. Article 1er), le tribunal est amené à retenir encore que si le délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 telle que remise en vigueur, est le délai de droit commun, le délai de dix ans initialement restreint aux impositions supplémentaires intervenant en cas de déclaration inexacte ou incomplète et étendu à travers l’article 3 de la loi du 24 décembre 1999 précitée à la situation du cas de non-déclaration visant l’absence totale de déclaration pour les impôts et années fiscales concernés, est un délai spécial (cf. trib. adm.

27 mai 1998, précité) ;

Considérant qu’en vertu de l’article 3 de la loi du 24 décembre 1999, entrée en vigueur le 1er janvier 2000, le délai de prescription a été porté de cinq à dix ans en cas de non déclaration ;

Considérant qu’aucun dossier fiscal ne se trouvant versé en l’espèce, fût-ce de la part du directeur ou de celle du bureau d’imposition concerné, ce fait ayant pu être constaté par les mandataires des parties, de même qu’il fut dûment rappelé à l’audience, force est au tribunal de statuer par rapport aux données de fait présentes au dossier, tant le mandataire du demandeur que le délégué du Gouvernement affirmant n’avoir aucune connaissance d’un quelconque acte interruptif de prescription posé en l’espèce, ni d’une cause de suspension afférente ayant notamment pu avoir une influence sur la prescription en cours à la date d’entrée en vigueur de l’article 3 de la loi du 24 décembre 1999 précitée ;

Considérant qu’en matière d’impôt, une loi portant élargissement d’un délai de prescription reste sans incidence sur les prescriptions acquises au moment de son entrée en vigueur, en raison de la matière traitée et des objectifs de justice sociale d’égalité devant l’impôt découlant notamment des dispositions des articles 99 et suivants de la Constitution, compte tenu des exigences portées par l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales fait à Paris le 20 mars 1952, approuvé par la loi du 29 août 1953 ;

Considérant qu’en application des alinéas 1er et 3ième de l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 précitée, telle qu’elle a été remise en vigueur, la prescription, tant en matière d’impôt sur le revenu qu’en matière d’impôt sur la fortune, prend cours à partir du 1er janvier qui suit l’année pendant laquelle la créance fiscale est née (trib. adm. 16 mars 1999, n° 10942 du rôle, Clees-Weiler, Pas. adm. 2002, n° 198, p. 342 et autres décisions y citées) ;

Considérant qu’il s’ensuit qu’à la date d’entrée en vigueur de l’article 3 de la loi du 24 décembre 1999 précitée, la prescription quinquennale était acquise sur base des dispositions de l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933 précitée, telle qu’en vigueur jusque lors concernant les exercices fiscaux 1991 à 1994 inclus ;

Considérant qu’abstraction faite des incidences de l’inclusion dudit article 3 dans la loi budgétaire pour l’année 2000, question non autrement soulevée en l’espèce, ladite novelle, en amendant l’article 10 de la loi modifiée du 27 novembre 1933, a eu pour conséquence d’allonger le délai de prescription en cours pour les créances du trésor relatives à l’exercice fiscal 1995, de sorte à le porter à dix ans dans l’hypothèse de non-déclaration vérifiée en l’espèce ;

Considérant que décider le contraire et limiter le nouveau délai de prescription de dix ans de façon stricte ex nunc aux seules situations de non-déclaration comptées à partir du 1er janvier 2000 reviendrait à la fois à ne pas donner au nouveau texte légal les effets lui conférés dans l’intention du législateur et à toiser des situations de prescription non acquises en cas de non-déclaration se prolongeant au-delà du 1er janvier 2000, de façon incomplète, compte tenu de la novelle du 24 décembre 1999 ;

Que le moyen de prescription extinctif invoqué n’est dès lors point fondé concernant les bulletins d’impôt sur le revenu et de l’assiette générale de l’impôt sur la fortune pour l’année 1995 ;

Considérant qu’il suit des développements qui précèdent que le moyen tiré de la prescription de la créance du trésor se trouve être fondé concernant les bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années 1991 à 1994 incluse, de même que pour les bulletins d’assiette nouvelle de l’impôt sur la fortune pour l’année 1991 et d’assiette générale de l’impôt sur la fortune pour les années 1992 à 1994 incluse, entraînant l’annulation desdits bulletins ;

Que dès lors pour les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 15362 à 15367 inclus, le tribunal est amené à retenir leur bien-fondé, de sorte que l’analyse des autres moyens proposés à leur appui devient surabondante ;

Quant aux bulletins de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune pour l’année 1995 Considérant qu’au titre du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1995 et du bulletin d’assiette générale de l’impôt sur la fortune pour l’année 1995, le demandeur conclut encore à l’annulation dans le cadre du recours en réformation formulé, dans la mesure où lesdits bulletins ont été émis, à l’instar de ceux pour les quatre années d’imposition antérieures, à un moment où les réclamations introduites par le demandeur en dates respectivement des 11 juin et 24 juillet 2001, précitées, n’avaient pas encore été toisées par le directeur, celles-ci ayant eu pour effet de dessaisir le bureau d’imposition de la totalité du dossier au profit dudit directeur ;

Que la conséquence logique du dessaisissement du bureau d’imposition en faveur du directeur serait l’incompétence absolue du bureau initialement compétent à compter de la date d’introduction de la réclamation dont s’agit, entraînant l’annulation des bulletins par lui émis ;

Considérant que les réclamations formulées auprès du directeur en dates respectivement des 20 juillet et 10 août 2001 s’analysent en recours hiérarchiques formels introduits sur base du paragraphe 237 AO, exercés contre les sommations de déclarer les revenus et la fortune sous peine d’astreinte, la même analyse s’imposant pour la deuxième réclamation ainsi désignée et portant la date du 10 août 2001 dirigée contre la décision du bureau d’imposition d’infliger une astreinte de 50.000.- LUF au regard de la non-remise des déclarations d’impôt sur le revenu pour lesdites années 1991 à 1995 incluse, ce dernier recours ayant été vidé par la décision directoriale prévisée du 17 janvier 2003 ;

Considérant que le bureau d’imposition se trouve être complètement dessaisi en ce sens qu’il ne peut plus modifier l’imposition, lorsque le contribuable interjette réclamation par saisine directe du directeur, ce même dessaisissement valant durant la saisine des juridictions de l’ordre administratif (cf. Olinger, La procédure contentieuse en matière d’impôts directs, Etudes fiscales 81 à 85, n° 68, p. 55 ; trib. adm. 16 mars 1999, n° 10942 du rôle, Clees-

Weiler, précité) ;

Considérant que les effets du principe dévolutif de la réclamation sont justifiés par des raisons de procédure impérieuses tenant à la délimitation stricte des compétences des autorités hiérarchiques administratives et juridictions compétentes tendant à éviter toute contrariété de décisions voire interférences entre organes institutionnels susceptibles d’avoir des effets contraires ;

Considérant que les mêmes raisons engendrant les mêmes effets en l’absence de textes légaux et réglementaires contraires, l’effet dévolutif du recours hiérarchique formé sur base du paragraphe 237 AO doit également être retenu dans la mesure du risque de contrariété entre les éléments de décision formant l’assiette dudit recours et une éventuelle imposition, sinon modification de celle-ci intervenue en période de pareil recours pendant ;

Considérant que si sous cet aspect la décision portant liquidation d’une astreinte est susceptible d’être analysée comme élément détachable n’interférant pas directement avec l’imposition relative aux mêmes faits non déclarés, tel ne saurait être le cas en l’espèce concernant les invitations du bureau d’imposition tendant à déposer des déclarations d’impôt sur le revenu et la fortune relatives à l’exercice fiscal 1995, étant donné que de façon non détachable l’analyse du recours hiérarchique formel emporte celle même de l’obligation de déclaration compte tenu du caractère prescrit ou non de la créance du trésor par rapport aux faits générateurs des impôts respectifs ayant trait à l’exercice fiscal 1995 ;

Considérant que force est dès lors au tribunal de retenir qu’en application du principe du dessaisissement du bureau d’imposition en raison des recours hiérarchiques formels formulés, le bureau d’imposition n’avait plus compétence en date du 20 septembre 2001 pour émettre les bulletins d’impôt sur le revenu pour l’année 1995 et bulletins d’assiette générale de l’impôt sur la fortune pour l’année 1995, tel qu’il l’a fait, de sorte que ces bulletins encourent l’annulation dans le cadre des dix recours en réformation introduits à leur encontre ;

Quant aux frais Considérant que la partie demanderesse ne conclut pas de façon expresse à travers ses requêtes introductives d’instance que l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg soit condamné aux frais ;

Considérant que dans la mesure où d’après l’article 32 de la loi modifiée du 21 juin 1999 précitée « toute partie qui succombera sera condamnée aux dépens, sauf au tribunal à laisser la totalité, ou une fraction des dépens à la charge d’une autre partie par décision spéciale et motivée », le tribunal est amené à condamner la partie défenderesse, ayant succombé dans tous les recours toisés au fond, aux frais, sans fractionnement, en l’absence par ailleurs de conclusions afférentes du délégué du Gouvernement ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevables faute d’objet les recours inscrits sous les numéros du rôle respectifs 15360 et 15361 ;

déclare recevables les recours inscrits sous les numéros 15359, ainsi que 15362 à 15368 inclus du rôle ;

les dit également fondés ;

partant annule, dans le cadre des recours en réformation respectifs, les bulletins d’impôt sur le revenu relatifs aux exercices fiscaux 1991 à 1994 inclus, ainsi que les bulletins d’assiette nouvelle de l’impôt sur la fortune pour l’année 1991 et d’assiette générale pour l’impôt sur la fortune pour les années 1992 à 1994 incluse, en raison de la prescription des créances du trésor à leur base ;

annule, dans le cadre des recours en réformation respectifs, les bulletins de l’impôt sur le revenu de l’année 1995 et d’assiette générale de l’impôt sur la fortune pour l’année 1995 en raison du dessaisissement du bureau ayant statué ;

renvoie les affaires inscrites sous les numéros du rôle respectifs 15359 et 15368 au directeur aux fins de continuation au bureau d’imposition compétent pour exécution ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit . Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15359
Date de la décision : 12/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-12;15359 ?

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