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12/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15262

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2003, 15262


Tribunal administratif N° 15262 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 août 2002 Audience publique du 12 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre deux décisions du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et un avis de la commission de contrôle en matière de changement d’administration

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15262 du rôle et déposée au greffe du tribunal administra

tif le 19 août 2002 par Maître Jean-Paul KILL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des...

Tribunal administratif N° 15262 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 août 2002 Audience publique du 12 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, Luxembourg contre deux décisions du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et un avis de la commission de contrôle en matière de changement d’administration

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15262 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 août 2002 par Maître Jean-Paul KILL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de l’avis du 7 mars 2002 de la commission de contrôle prévue à l’article 8 de la loi modifiée du 27 mars 1986 fixant les conditions et modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut se faire changer d’administration, de la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 8 mars 2002 portant refus dans son chef d’un changement d’administration du ministère de la … au ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, et de la décision confirmative du même ministre du 31 mai 2002 sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 janvier 2003 au nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions et avis attaqués ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en ses plaidoiries.

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Suivant courrier du 9 janvier 2002 adressé au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Monsieur …, conseiller de direction 1ère classe à l’administration gouvernementale, affecté au ministère de la … et détaché à l’… …, sollicita un changement d’administration auprès du ministère des Affaires étrangères conformément aux dispositions de la loi modifiée du 27 mars 1986 fixant les conditions et modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut se faire changer d’administration, ci-après dénommée « la loi de 1986 ».

En date du 7 mars 2002, la commission de contrôle prévue à l’article 9 de la loi de 1986 émit un avis négatif libellé comme suit :

« Le 9 janvier 2002 le Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative avait été saisi d’une demande de Monsieur …, conseiller de direction 1ère classe au ministère de la … en vue d’un transfert vers le Ministère des Affaires Etrangères et du Commerce Extérieur.

En date du 10 janvier 2002, le Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative avait transmis la demande en question à la commission de contrôle prévue à l’article 8 de la loi modifiée du 27 mars 1986 fixant les conditions et modalités selon lesquelles le fonctionnaire de l’Etat peut se faire changer d’administration.

Conformément à l’article 10 de la loi modifiée du 27 mars 1986 la commission de contrôle avait invité Monsieur … à présenter des observations écrites ou à venir s’expliquer oralement.

Toutefois, Monsieur … n’a pas introduit d’observations écrites et ne s’est pas présenté à la commission pour fournir des explications complémentaires à sa demande de changement d’administration.

Au cours de sa réunion du 1er février 2002 la commission a examiné le dossier en question et est arrivée aux conclusions suivantes :

La demande de changement d’administration de Monsieur … est recevable aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 27 mars 1986 en ce qu’elle présente des raisons personnelles motivées et justifiées.

Par ailleurs, la demande répond à l’article 4 de la loi modifiée du 27 mars 1986 qui stipule que le changement d’administration ne peut avoir lieu que s’il existe une vacance de poste dans le cadre de l’administration dont l’intéressé(e) désire faire partie. En effet, le ministère des Affaires Etrangères et du Commerce Extérieur dispose d’une vacance de poste dans la carrière supérieure.

Monsieur le délégué du Ministère de la … ne s’oppose pas au transfert sollicité par Monsieur ….

Monsieur le délégué du ministère des Affaires Etrangères et du Commerce Extérieur s’oppose au transfert sollicité par Monsieur … car son profil ne correspond pas à celui exigé pour le poste vacant.

La commission émet donc un avis défavorable quant à la requête introduite par Monsieur … et propose à Madame le Ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative de refuser le changement d’administration sollicité ».

Le 8 mars 2002, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative se rallia à l’avis précité de la commission et refusa au demandeur le transfert vers le ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur.

Par lettre du 5 avril 2002, Monsieur …, par le biais de son mandataire, s’adressa au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative pour solliciter l’annulation et subsidiairement la réformation de la décision de refus.

Par lettre du 31 mai 2002, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative confirma sa décision du 8 mars 2002.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 août 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de l’avis de la commission de contrôle du 7 mars 2002 et des deux décisions ministérielles précitées des 8 mars et 31 mai 2002.

Aucun recours spécifique n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il échet de relever qu’échappent au recours contentieux les actes préparatoires qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci (cf. Cour adm. 22 janvier 1998, n° 9647C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Actes administratifs, n° 6 et autres références y citées). Tel est notamment le cas des avis émis par des organes consultatifs préalablement à une décision administrative, lesquels ne constituent pas des actes finaux dans la procédure, mais ne sont que des simples mesures d’instruction destinées à recueillir des éléments d’information, afin de mettre l’auteur de la décision en mesure de prendre celle-ci. Ces avis ne peuvent donc, en eux-mêmes, faire l’objet d’un recours. Toutefois, leur irrégularité propre et les vices dont ils peuvent être affectés, peuvent être analysés dans le cadre du recours dirigé contre la décision administrative. Ces avis sont censés faire partie intégrante de la décision administrative, dès que celle-ci y fait expressément référence et un recours intenté contre la décision s’étend nécessairement à l’avis qui en constitue le complément indispensable (cf. trib. adm. 27 février 1997, n° 9601 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Actes administratifs, n° 7 et autres références y citées).

En l’espèce, sur base des considérations qui précèdent, l’avis querellé de la commission de contrôle, qui, au vœu de l’article 9 de la loi de 1986, constitue un acte obligatoire et préalable à la décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, étant donné qu’il ne constitue pas un acte final de la procédure et qu’il n’est pas de nature à faire grief séparément de la décision ministérielle dont il constitue le préalable. Il s’ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable sous ce rapport.

Le demandeur soutient en premier lieu que les décisions attaquées violeraient la loi et les formes destinées à protéger les intérêts privés, respectivement seraient illégales pour absence de motifs, en raison du fait qu’elles se seraient bornées à reprendre comme motif de refus que son profil ne correspondrait pas à celui recherché par le ministère des Affaires étrangères. Cette affirmation serait cependant contredite par ses études, respectivement sa carrière professionnelle, démontrant qu’il remplirait toutes les conditions pour une fonction au sein du ministère des Affaires étrangères. Pour le surplus, le demandeur estime qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir présenté des observations complémentaires et de ne pas avoir comparu devant la commission de contrôle, étant donné que ce droit ne saurait être interprété comme une « condition obligatoire à remplir pour le postulant à peine de forclusion de la demande de changement d’administration ».

Le délégué du gouvernement rétorque que la loi de 1986 offrirait au fonctionnaire une possibilité de changer d’administration, mais ne lui conférerait pas de droit absolu et que le ministre de l’administration de laquelle le requérant désire faire partie, disposerait d’un pouvoir discrétionnaire pour choisir la personne à recruter parmi les candidats au poste vacant. Concernant les motifs à la base de la décision de refus, le représentant étatique fait valoir que le demandeur n’aurait déjà en 1995 pas été retenu parmi huit candidats pour être admis au corps diplomatique, qu’il ne disposerait pas de l’expérience diplomatique et de représentation nécessaire pour aspirer à une carrière diplomatique et que le ministre n’aurait pas pu se faire une opinion plus favorable sur le profil du demandeur, étant donné qu’il n’aurait pas présenté des observations écrites et ne serait pas venu s’expliquer oralement devant la commission de contrôle, conformément à l’article 11 dernier alinéa de la loi de 1986. Pour le surplus, le demandeur relèverait d’une tranche d’âge non souhaitée à l’heure actuelle au ministère des Affaires étrangères et il n’apporterait pas non plus de valeur ajoutée à l’organisation interne des services dudit ministère, étant donné que la tranche d’âge dont il relèverait compterait déjà huit juristes et trois diplômés en sciences politiques.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient que les motifs à la base du refus de changement d’administration seraient « dénaturés » et ne constitueraient guère une base légale pour justifier les décisions attaquées. Pour le surplus, des problèmes d’organisation interne au ministère des Affaires étrangères lui seraient difficilement opposables et eu égard à sa formation de juriste et de diplômé en relations internationales, son profil apporterait certainement une valeur ajoutée audit ministère.

Concernant tout d’abord le reproche tiré d’une absence de motivation, il échet de retenir que la décision initiale du 8 mars 2002, de même que la décision confirmative du 31 mai 2002, ne comportent effectivement que la motivation succincte que le profil de l’intéressé ne correspondrait pas à celui recherché par le ministère des Affaires étrangères, et que la motivation détaillée n’a été fournie qu’au moment du dépôt du mémoire en réponse par le délégué du gouvernement en date du 16 décembre 2002.

Cependant, la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours. La décision reste valable et l’administration peut produire les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif (cf. Cour adm. 8 juillet 1997, Pas. adm. 2002, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 38 et autres références y citées). Il s’ensuit que le reproche tiré du prétendu défaut de motivation des décisions attaquées n’est pas de nature à entraîner leur annulation.

Il est constant que l’autorité compétente pour procéder à un changement d’administration est en principe juge de l’intérêt du service. Ainsi, si le droit de l’administration d’apprécier l’existence et l’étendue des besoins de service, ainsi que de choisir le personnel qui, à ses yeux, remplit le mieux ses besoins, est discrétionnaire, ce droit n’est pas pour autant soustrait à tout contrôle juridictionnel dans ce sens que sous peine de consacrer un pouvoir arbitraire, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, doit se livrer à l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, et vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée.

Même dans le cadre d’un recours en annulation, il est vrai que lors de l’examen de l’exactitude des faits invoqués à l’appui d’une décision, de la pertinence des motifs dûment établis et du contrôle de cette décision sous l’aspect de la compétence, de l’excès ou du détournement de pouvoir, cette vérification peut s’étendre le cas échéant au caractère proportionnel de la mesure prise par rapport aux faits établis, mais elle est cependant limitée aux cas exceptionnels où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par cette autorité. – Elle ne saurait avoir pour but de priver le ministre, ni l’autorité, qui doit assumer la responsabilité politique de la décision, de son pouvoir d’appréciation sur la nature et la gravité de la mesure qu’il lui incombe de prendre, si celle-ci est par ailleurs légale et n’est pas sujette à un recours en réformation (cf. Cour adm. 8 octobre 2002, n° 14845C du rôle, non encore publié).

Or, en l’espèce, le demandeur se borne à critiquer la décision de refus et la motivation à sa base, sans pour autant mettre en doute l’existence et l’exactitude des faits avancés à l’appui du refus, et il ne démontre nullement que le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative ait commis un excès de pouvoir en affirmant que le profil du demandeur ne correspond pas à celui exigé pour le poste à pourvoir. En effet, les raisons avancées tenant aux compétences de Monsieur …, à son âge et aux études effectuées, le tout en relation avec le profil du personnel occupé actuellement au sein du ministère des Affaires étrangères, sont légitimes et de nature à justifier la décision prise.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme le demandeur a pris position par écrit par le fait de déposer sa requête introductive d’instance et son mémoire en réplique, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours en annulation irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’avis de la commission de contrôle du 7 mars 2002 ;

reçoit le recours en annulation pour le surplus en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 mars 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15262
Date de la décision : 12/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-12;15262 ?

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