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12/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15009

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2003, 15009


Numéro 15009 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juin 2002 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formé par les époux … et …, …, contre un bulletin de décompte émis par le bureau de recette Luxembourg en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15009 du rôle, déposée le 11 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … et …, demeu...

Numéro 15009 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 juin 2002 Audience publique du 12 mars 2003 Recours formé par les époux … et …, …, contre un bulletin de décompte émis par le bureau de recette Luxembourg en matière d’impôt sur le revenu

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15009 du rôle, déposée le 11 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Dean SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … et …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin de décompte concernant les années d’imposition 1993 et 1994, émis le 5 mars 2001 par le bureau de recette Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 novembre 2002;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2002 par Maître Dean SPIELMANN pour compte des époux …-…;

Vu les pièces versées en cause et notamment le bulletin critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Henri DUPONG, en remplacement de Maître Dean SPIELMANN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 janvier 2003.

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La société en commandite simple … … & Cie KG, appelée ci-après « la société … », a été fondée par acte notarié du 5 novembre 1980 et Monsieur …, préqualifié, en était depuis cette époque l’associé commandité.

Par convention du 30 novembre 1990 passée entre Monsieur … et la société … Ltd, ayant son siège à Nicosia en Chypre, cette dernière a transféré sur le chef du premier un crédit de 16.000.000 LUF accordé à l’origine à la société … S.A. dont Monsieur … est administrateur. La même société … Ltd a octroyé directement à Monsieur … un autre crédit de 5.900.000 LUF par convention du 21 décembre 1990. Ces deux crédits servaient à apurer le passif envers les tiers de la société … qui se chiffrait à 20.444.569 LUF au 31 décembre 1989. Dans la suite, Monsieur … a assuré le paiement des mensualités relatives à ces deux prêts jusqu’à leur apurement en 1996.

La société … fut dissoute par acte notarié du 7 décembre 1992, toutes ses parts ayant été réunies entre les mains de Monsieur …. Le même acte notarié retient que Monsieur … reprend à son compte tous les actifs et passifs de la société ….

Ayant continué à assurer le service des dettes antérieurement contractées encore après cette dissolution, Monsieur … a réglé au cours de l’année 1993 un total de 2.122.179 LUF au titre d’intérêts débiteurs.

Dans leur déclaration de l'impôt sur le revenu pour l’année 1993, les époux … et …-… ont déduit ledit montant de 2.122.179 LUF sous la rubrique des bénéfices commerciaux comme dépenses d’exploitation en rapport avec une entreprise collective. Par bulletin de l'impôt sur le revenu du 10 octobre 1996, le bureau d’imposition … a rectifié cette déclaration en requalifiant ces intérêts débiteurs en dépenses spéciales, le bulletin comportant pour ce redressement la motivation que « les intérêts débiteurs en relation avec … AG … sont à déduire sub dépenses spéciales ».

Par courrier du 9 janvier 1997, le mandataire des époux …-… a introduit en leur nom une réclamation contre ce bulletin d’impôt devant le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné « le directeur ».

Le directeur rejeta cette réclamation comme étant non fondée par décision du 7 novembre 1997 et confirma pour les intérêts débiteurs versés durant l’année 1993 au titre des deux prêts précités la qualification fiscale de dépenses spéciales déductibles du total des revenus nets dans les conditions et limites de l’article 109 alinéa 1 n° 1a de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, en abrégé « LIR ».

Par requête déposée le 6 février 1998, les époux …-… ont fait introduire « le recours qui leur est offert par la loi » à l’encontre de ladite décision directoriale.

Par jugement du 17 mars 1999, le tribunal a reçu le recours en la forme et, quant au fond, a retenu en substance qu’une dépense ne constitue une dépense d’exploitation née après l’abandon de l’activité, au sens de l’article 11, 3 LIR, que si elle trouve sa cause dans l’activité courante de l’entreprise antérieure à sa liquidation ou cession, si elle n’a pas été comptabilisée dans le bilan du dernier exercice d’exploitation, si elle n’a pas pu être amortie par imputation du bénéfice de cession ou de cessation, sinon par utilisation de l’actif restant et si, finalement, elle a été payée après la cessation de l’activité. Ne disposant néanmoins pas de tous les éléments requis quant à l’application en l’espèce des principes dégagés ci-avant, le tribunal a fixé l’affaire à une audience ultérieure pour continuation des débats afin de permettre aux demandeurs de fournir des précisions complémentaires afférentes et de permettre au délégué du Gouvernement d’y prendre position. L’appel interjeté contre ce jugement a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour administrative du 17 février 2000 (n° 11263C du rôle).

Suivant jugement du 26 juillet 2000, le tribunal, suite à la soumission par les demandeurs d’une description circonstanciée de l’évolution de l’activité de la société …, des dettes en cause et du sort du patrimoine de cette société, ainsi que des pièces afférentes, a déclaré le recours fondé et en conséquence réformé la décision directoriale déférée du 7 novembre 1997 en ce sens que les intérêts débiteurs à hauteur de 2.122.179 LUF payés à la société … Ltd constituent dans le chef des demandeurs des dépenses d’exploitation postérieures à la liquidation de la société …, déductibles dans la catégorie des bénéfices commerciaux au titre de l’année d’imposition 1993.

A la suite de ce dernier jugement non appelé, le bureau d’imposition … a émis le 3 novembre 2000 un bulletin de l’impôt sur le revenu rectificatif pour l’année 1993 retenant notamment comme base d’imposition une perte commerciale à hauteur de 2.688.485 LUF.

En date du même jour, le bureau de recette Luxembourg établit un décompte reconnaissant notamment dans le chef des époux …-… un trop-payé d’impôt sur le revenu pour l’année 1993 à hauteur de 1.032.064 LUF et d’intérêts à concurrence de 2.746 LUF. La somme totale de 1.034.810 LUF fut créditée sur le compte bancaire de Monsieur … le 10 novembre 2000.

Par courrier recommandé du 27 novembre 2000, Monsieur … s’adressa au bureau d’imposition … pour solliciter formellement l’allocation d’intérêts sur le trop-payé d’impôt sur le revenu soit sur décision de ce bureau d’imposition, soit sur décision d’une autre autorité compétente à laquelle sa demande devrait être transmise le cas échéant. Le bureau d’imposition … informa Monsieur … à travers une lettre du 30 novembre 2000 de la transmission de sa demande du 27 novembre 2000 à la direction des Contributions.

Par décision du 15 janvier 2001, le directeur de l’administration des Contributions fit droit à la réclamation introduite par Monsieur … à l’encontre du bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 1994, à travers laquelle il avait contesté, dans le même cadre de la liquidation de la société …, le refus de déduction d’intérêts débiteurs à hauteur de 2.176.397 LUF du chef des dettes de cette société en tant que dépenses d’exploitation en rapport avec une entreprise collective.

Un décompte du bureau de recette Luxembourg du 30 janvier 2001 renseigne, pour l’année d’imposition 1994, un trop-payé d’impôt sur le revenu de 1.115.568 LUF, composé d’un excédent de retenues à la source de 848.768 LUF et d’un excédent d’impôt payé suite à l’imposition par voie d’assiette de 266.800 LUF, montant total qui fut crédité sur le compte bancaire de Monsieur … le 5 février suivant.

Suivant lettre du 9 février 2001 à l’adresse de la direction de l’administration des Contributions directes, Monsieur … réitéra sa demande en allocation d’intérêts dans le cadre de son droit à restitution du trop-payé d’impôt du chef de l’année 1993 et l’étendit à l’année 1994, pour solliciter un paiement global d’intérêts de 439.837 LUF, se composant d’un montant de 237.528 LUF pour l’année 1993 et de 202.309 LUF pour l’année 1994.

Suite à la transmission de cette demande au préposé du bureau de recette Luxembourg, fait dont Monsieur … fut informé par courrier recommandé du 14 février 2001, ce même bureau émit le 15 février 2001 un nouveau décompte pour l’année 1994 renseignant un excédent de retenues à la source porté de 848.768 à 850.574 LUF, de manière à reconnaître à Monsieur …, après déduction du prédit montant de 848.768 LUF déjà compris dans le remboursement opéré le 5 février 2001, un droit à la restitution supplémentaire de 1.806 LUF du chef de l’année d’imposition 1994 et à annoncer le virement de cette somme sur le compte bancaire de Monsieur ….

Par télécopie du 16 février 2001 adressée à la direction des Contributions directes, Monsieur … s’exprima dans les termes suivants :

„Ihr Einschreiben vom 14. Februar 2001 habe ich erhalten. Heute erhalte ich ein DECOMPTE der Steuerkasse (Fort Wedell), gegen die ich vorsorglich EINSPRUCH erhebe.

Herrn M. … konnte ich nicht erreichen, da er erkrankt ist.

Statt eine Abrechnung zu meinen Gunsten zu erhalten, wie es aufgrund des vorangegangen Anfechtungsbescheides des Steuerdirektors, Herrn Blaeser, des Schriftwechsels und des Gerichturteils zu erwarten gewesen wäre, wird für 1994 eine NEUE Steuer festgelegt, die de facto eine Korrektur – ohne entsprechende Hinweise – des Anfechtungsbescheides des Directeur des Contributions darstellt. Da ich mir nicht vorstellen kann, dass die Steuerkasse zu einer solchen Massnahme berechtigt ist, gehe ich davon aus, dass hier ein Irrtum vorliegt. Man setzt eine für 1994 zu zahlende Einkommensteuer von LUF 850.574 fest, von der man den Betrag LUF 848.768 abzieht. Daraus ergibt sich eine Differenz zugunsten der Administration. Warum? Gegen 16.00 Uhr werde ich versuchen Sie telefonisch zu erreichen, um die Angelegenheit schnell zu bereinigen. Für den Fall, dass dies nicht möglich sein wird, darf ich Sie höflich bitten dementsprechend zu intervenieren, und mir das Ergebnis umgehend mitzuteilen, da man von mir die Zahlung eines kleinen Beitrags erwartet wird“.

Le préposé du bureau de recette Luxembourg émit le 5 mars 2001 un bulletin de décompte sur base du § 125 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, communément appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », au contenu suivant :

« Abrechnungsbescheid laut § 125 AO Steuernummer 1941 0108 197 STEUERART JAHR BETRAG BEZAHLT ERSTATTET Einkommensteuer 1993 -757384,00 F 274680,00 F 1032064,00 F Zinsen 1993 0,00 F 2746,00 F 2746,00 F Einkommensteuer 1994 -850574,00 F 266800,00 F 1115568,00 F 1806,00 F TOTAL -1607958,00 F 544226,00 F 2152184,00 F Par courrier recommandé du 15 avril 2001 à l’adresse du directeur de l’administration des Contributions directes, Monsieur … introduisit à l’encontre de ce bulletin de décompte du 5 mars 2001 une réclamation formulée comme suit :

„ Den o.e. Abrechnungsbescheid (Anlage 3 +4) fechte ich hiermit an. Begründung:

1.

Interpretiere ich Ihn hilfsweise als – unbegründete – Ablehnung meines Begehrens auf Zahlung der Zinsen auf die unrechtmässig einbehaltenen bzw. nachgeforderten Steuern für die Jahre 1993 und 1994 zum gesetzlichen Zinssatz, bzw. noch ausstehenden Kapitals. Die in Anlage 2 erwähnten ausstehenden Beträge wären natürlich den sich veränderten Daten entsprechend der Verzögerung anzupassen, d.h. zusätzlich zu verzinsen.

2.

Dieser Bescheid gibt weder ein Motiv an, noch nimmt er Bezug auf die vorausgegangene Korrespondenz (Anlagen 1-2, 2a+b) bzw. meine geäusserten Begehren.

3.

Bezweifle ich, dass die Steuerverwaltung zur Verweigerung der Verzinsung der Steuerschuld berechtigt ist, schliesslich verlangt sie sehr wohl vom Bürger erhebliche Zinsen auf geschuldete Beträge (enrichissement injuste).

Gäbe es eine klare rechtliche Norm, hätte man meinem Schreiben vom 27.

November 2000 entsprechend widersprochen, bzw. eine begründete Ablehnung ausgesprochen. Dies ist nicht der Fall, womit die rechtliche Unbegründetheit (sozusagen) amtlich bestätigt wurde.

Dass ich mich durch die in allen EU-Mitgliedsstaaten geübte Praxis, in vergleichbaren Situationen Zinsen zu zahlen, in meiner Auffassung bestätigt sehe und daher mein Verlangen als nur „gerecht“ ansehe, werden Sie sicher verstehen.

Der beigefügten Synopse, die ich aufgrund einer Untersuchung einer internationalen Wirtschaftsprüfergesellschaft erstellt habe, können Sie entnehmen, dass die hiesige Praxis in allen EU-Ländern, wie auch in der Schweiz und Norwegen, unüblich ist.

Die schärfsten Bestimmungen gelten in Dänemark (ebenfalls eine Konstitutionellen Monarchie), wo dem Steuerzahler nicht nur 0,6% pro Monat, sondern darüber hinaus noch eine „Kompensation“ in Höhe von 2% vom geschuldeten Betrag zustehen. Beide Beträge wären sogar noch einkommenssteuerfrei! Was ich nun wieder als nicht systemgerecht empfinde.

Diesem Schreiben füge ich ein Memorandum zur fragwürdigen Praxis, keine Zinsen zu zahlen, bei.

Ich bitte Sie um Verständnis, dass, weil ich in der bisherigen Handhabung einen Verstoss gegen rechtsstaatliche und/oder menschenrechtliche Prinzipien sehe, ich beabsichtige, die Angelegenheit zu einem klärenden Ende zu bringen. Gegebenen Falls und in letzter Instanz würde ich zur Klärung des Prinzips den Europäischen Gerichtshof für Menschenrechte in Strassburg anrufen. Dass dessen Urteil angesichts der Rechtslage und der sonst allgemeinen Praxis in Europa in meinem Sinne ausfallen würde, halte ich für mehr als wahrscheinlich.

Sollten Sie meine Begehren ablehnen, bitte ich Sie um eine rechtlich überprüfbare Begründung, sowie eine entsprechende Rechtsmittelbelehrung.

In der Hoffnung auf Ihre positive Entscheidung und mit freundlichem Gruss“.

Cette réclamation étant restée sans réponse de la part du directeur, les époux …-… ont fait introduire, par requête déposée le 11 juin 2002, un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre du prédit bulletin de décompte du 5 mars 2001 en ce qui concerne les années d’imposition 1993 et 1994.

Quant à la recevabilité Au vœu des dispositions combinées du paragraphe 235 n° 6 AO et de l’article 8 (3) 3.

de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé contre un bulletin de décompte (« Abrechnungsbescheid ») émis sur base du paragraphe 125 AO. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours subsidiaire en annulation est dès lors en toute occurrence irrecevable.

Le délégué du Gouvernement conteste la recevabilité du recours dans le chef de Madame … en relevant que la réclamation du 15 avril 2001 n’a été introduite que par Monsieur … en son nom propre.

Les demandeurs rétorquent que les articles 1200 et 1203 du Code civil créeraient une solidarité parfaite entre les époux impliquant la représentation réciproque des codébiteurs, de sorte que la réclamation du 15 avril 2001 aurait été introduite par Monsieur … pour lui-même et en représentation de son épouse et que le recours serait en conséquence recevable dans le chef de cette dernière. A titre subsidiaire, pour le cas où Madame … ne serait pas considérée comme ayant dûment réclamé, les demandeurs arguent que cette dernière devrait être qualifiée de tiers intéressé auquel le paragraphe 247 AO reconnaîtrait le droit de se joindre au recours introduit par son mari contre le bulletin de décompte litigieux. Ils font valoir que Madame … pourrait dès lors intervenir devant le tribunal administratif dans le cadre du recours introduit par son conjoint par voie de requête communiquée aux parties, exigence qui se trouverait vérifiée en l’espèce.

Le paragraphe 7 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, communément appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », dispose dans son alinéa (2) que « Personen, die zusammen zu veranlagen oder gemeinsam zu einer Steuer heranzuziehen sind, sind Gesamtschuldner » et prévoit dans ses alinéas (3) à (5) limitativement les effets de cette solidarité découlant notamment de l’imposition collective des époux. Ces dispositions n’instaurent pas de représentation automatique d’un co-obligé par l’autre, mais consacrent l’indépendance de l’obligation de chaque débiteur hormis celle du paiement (Alain STEICHEN: Manuel de Droit Fiscal: Le Droit Fiscal Général, 2e édition, Editions Saint-

Paul, p. 662). Une représentation de droit d’un époux par l’autre ne saurait en conséquence être fondée sur ces dispositions qui régissent de manière exclusive la solidarité des époux en matière d’impôts directs sans opérer un renvoi au Code civil à cet égard.

Il reste néanmoins que, même si l'impôt sur le revenu frappe les personnes et non le foyer, le ménage soumis à l’imposition collective est à considérer comme « une unité économique, comme une communauté fiscale de revenus et de biens quel que soit le régime matrimonial des époux » (doc. parl. 5714, ad art. 5, p. 4) et que les époux le composant se voient fixer une cote d’impôt sur le revenu unique, opposable en principe aux deux époux.

Les deux époux constituent ainsi des contribuables (« Steuerpflichtige ») au sens du paragraphe 97 (1) AO et se voient conférer individuellement par les paragraphes 228, 232 et 238 AO une voie de recours contre cette cote d’impôt commune.

Si une réclamation introduite par un époux ne rend pas l’autre époux partie à cette voie de recours, celui-ci constitue néanmoins y relativement un tiers intéressé auquel le paragraphe 247 AO reconnaît le droit de se joindre au recours introduit par son conjoint.

L’article 20 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives n’exigeant pour une intervention que la seule formalité d’une requête communiquée aux parties conforme aux dispositions des articles 1er et 2 de la même loi, exigence qui se trouve vérifiée en l’espèce, il y a lieu de qualifier la requête introductive, en tant que déposée au nom de Madame …, d’intervention formée concomitamment avec le recours introduit par Monsieur ….

Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité du délégué du Gouvernement laisse d’être fondé et que le recours en réformation est recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi, sous la précision que Monsieur … est à considérer comme y figurant en tant que demandeur et Madame … en tant que tierce intéressée.

Quant au fond Les époux …-… critiquent le bulletin de décompte déféré du 5 mars 2001 en ce qu’il aurait fixé leurs droits au remboursement d’impôts pour les années 1993 et 1994 sans tenir compte de leur revendication de prise en compte d’intérêts de retard dont ils estiment bénéficier dans le cadre de ce remboursement. Ils ajoutent que, leurs réclamations contre les décomptes des 3 novembre 2000, 30 janvier 2001 et 15 février 2001 étant restées sans réponse jusqu’à l’émission du bulletin de décompte déféré, celui-ci devrait nécessairement être qualifié de décision de rejet de leur demande en allocation d’intérêts de retard sur les montants à rembourser. Ils font valoir que le refus de payer des intérêts de retard constituerait une violation de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme, étant donné qu’une créance d’indemnité s’analyserait en une valeur patrimoniale ayant le caractère d’un bien bénéficiant de la protection de cette dernière disposition.

Le paragraphe 125 AO dispose :

« Bestehen zwischen dem Steuerpflichtigen und dem Steuereinnehmer Meinungsverschiedenheiten darüber, ob eine Zahlungsverpflichtung erloschen ist, so hat der Steuereinnehmer dem Steuerpflichtigen auf Antrag einen schriftlichen Bescheid (Abrechnungsbescheid) zu erteilen ».

Il ressort de cette disposition que le bulletin de décompte a seulement pour objet de décider si une dette d’impôt déterminée à charge du contribuable est éteinte, question se résumant au point de savoir si ce dernier est encore, à la date d’émission d’un tel bulletin, débiteur à l’égard du trésor ou non. Par contre, un bulletin de décompte n’a pas pour objet la reconnaissance ou le refus de reconnaissance d’un droit du contribuable à obtenir la restitution de certaines sommes déjà par lui payées ou à voir ajoutés des accessoires aux sommes à restituer. Ces questions doivent en effet faire l’objet d’un bulletin spécifique distinct régi par les paragraphes 150 à 156 AO à émettre par le bureau d’imposition, de manière à échapper à la compétence du bureau de recette.

Il y a lieu d’ajouter qu’un décompte émis par un bureau de recette ne fixe aucune cote d’impôt et ne comporte aucune autre décision sur une obligation du contribuable concerné à l’égard de l’administration fiscale, mais se confine par essence à relater les cotes d’impôt fixées moyennant bulletin d’impôt par le bureau d'imposition et les échéances de paiement résultant de la loi ou, le cas échéant, de décisions du bureau d'imposition. Il ne constitue par voie de conséquence ni un bulletin au sens du paragraphe 228 AO, ni une autre décision au sens du paragraphe 237 AO (trib. adm. 12 janvier 2000, n° 11513, Streng, Pas. adm. 2002, v° Impôts, n° 286).

Or, en l’espèce, il se dégage des éléments énoncés supra que le décompte du 15 février 2001 renseigne un droit à restitution complémentaire au bénéfice des époux …-… en énonçant que « le solde de LUF 1.806 / EUR 44,77 vous est viré au compte … », alors même que les termes « impôt fixé » et « montant payé » utilisés dans le tableau de calcul pourraient prêter à confusion malgré le fait que les chiffres inscrits sous ces rubriques soient marqués par un signe « - ».

La lettre précitée de Monsieur … du 16 février 2001 traduit dès lors la compréhension erronée de ce dernier que la somme de 1.806 LUF représenterait un solde d’impôt dont il serait encore redevable au bureau de recette et non pas une rectification du décompte antérieur du 30 janvier 2001 concernant le remboursement auquel il a droit à la suite du bulletin d’impôt du 3 novembre 2000 et de la décision directoriale du 15 janvier 2001.

Le bulletin de décompte déféré du 5 mars 2001, en comprenant la somme de 1.806 LUF parmi les sommes remboursées aux époux …-… et en s’abstenant de faire état d’un quelconque solde restant à leur charge du chef des années d’imposition 1993 et 1994, a partant pris position par rapport aux seules contestations soulevées par Monsieur … dans son prédit courrier du 16 février 2001 et délimité, en conformité avec le paragraphe 125 AO, son objet au constat que leur dette d’impôt pour les dites années d’imposition 1993 et 1994 est entièrement éteinte suite aux remboursements effectués par le bureau de recette, sans statuer explicitement, voire même implicitement sur la question des intérêts de retard en relation avec les restitutions de trop-payés d’impôts, question qui au vu des éléments du dossier soumis au tribunal semble toujours être pendante devant le bureau d’imposition compétent.

Or, force étant de constater que l’ensemble des moyens formulés à l’appui du recours sous analyse ont trait à la question de savoir si les restitutions d’impôts doivent être assorties d’intérêts de retard, sans qu’un moyen concret n’a été soumis au tribunal relativement à l’extinction des dettes d’impôt constatée dans le dit bulletin de décompte, qui constitue pourtant son seul objet, le recours dirigé contre le bulletin de décompte déféré du 5 mars 2001 doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

La demande des époux …-… en allocation d’une indemnité de procédure est pareillement à rejeter, vu l’issue du litige.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation introduit par Monsieur … en la forme, y compris l’intervention volontaire de Madame …, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne les époux … et … aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2003 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. DELAPORTE 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15009
Date de la décision : 12/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-12;15009 ?

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