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12/03/2003 | LUXEMBOURG | N°11359a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 mars 2003, 11359a


Tribunal administratif N° 11359a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 1999 Audience publique du 12 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en présence de la commune de Mersch en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 11359C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 2 juillet 1999 par Maître J

os STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu...

Tribunal administratif N° 11359a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juillet 1999 Audience publique du 12 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur en présence de la commune de Mersch en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Revu la requête inscrite sous le numéro 11359C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 2 juillet 1999 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du projet d’aménagement général de la commune de Mersch, parties graphique et écrite, et refusant de faire droit à sa réclamation présentée au Gouvernement portant sur le classement de la parcelle cadastrale 423/1421 sise à Moesdorf au lieu-dit « Auf der Altesch » ;

Vu le jugement avant dire droit du 27 septembre 2000 ayant reçu le recours en annulation en la forme et, avant tout autre progrès en cause et tous droits des parties restant réservés, ordonné une visite des lieux ;

Vu la visite des lieux ayant eu lieu en date du 10 octobre 2000 ;

Ouï Maître Nicky STOFFEL, en remplacement de Maître Jos STOFFEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 février 2003.

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Monsieur …, demeurant à L-…, est propriétaire d’un terrain sis à Moesdorf, au lieu-dit « Auf der Altesch » d’une contenance de 22,50 ares, inscrit au cadastre de la commune de Mersch sous la section C de Moesdorf et y référencé sous le numéro 423/1421. Suivant l’ancien plan d’aménagement général de la commune de Mersch, approuvé par le ministre de l’Intérieur en date du 8 novembre 1979, la parcelle en question fut classée à l’intérieur du périmètre d’agglomération. Lors de l’adoption provisoire du nouveau plan d’aménagement général de la commune de Mersch, parties écrite et graphique, en date du 28 juillet 1995, le conseil communal avait procédé à l’exclusion dudit terrain du périmètre d’agglomération en le classant en zone protégée III.

Suite à une réclamation introduite par Monsieur … le 22 août 1995 la parcelle en question fut alors classée en zone d’aménagement différé lors de l’approbation définitive du plan d’aménagement général par le conseil communal en date du 29 janvier 1997.

Par courrier datant du 8 juin 1997, Monsieur … a fait introduire une réclamation auprès du ministre de l’Intérieur pour critiquer le reclassement de sa parcelle en zone d’aménagement différé en faisant valoir que « ce terrain a été considéré depuis mémoire d’homme comme terrain construisible et était d’ailleurs classé comme tel dans le périmètre de l’ancien PAG ».

Par son avis adopté en séance publique le 8 octobre 1997, le conseil communal de Mersch a estimé, avec six voix contre trois en présence d’une abstention, qu’il y aurait lieu de confirmer sa décision du 29 janvier 1997 prise lors du vote définitif du PAG.

La commission d’aménagement près du ministère de l’Intérieur instituée en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes s’est exprimée comme suit dans son avis relativement à la réclamation en question sous son point 18 : « le classement en zone différée se justifie par le fait que les fonds en question de par leur situation topographique et leur accessibilité difficile constituent un site sensible méritant de constituer des réserves à moyen terme ».

Par décision du 2 avril 1999, le ministre de l’Intérieur a approuvé sous son article 1er la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, et, dans son article second, a déclaré recevables en la forme mais quant au fond non motivées à suffisance de droit les réclamations y énumérées, dont celle introduite par Monsieur ….

Le rejet de cette réclamation est motivé comme suit par la décision ministérielle en question : « Considérant qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la réclamation présentée par Monsieur …-… portant sur des fonds sis à Moesdorf, au lieu-dit « Auf dem Dauwenberg », alors que le reclassement en zone d’aménagement différé desdits fonds se justifie par le fait que de par leur situation topographique spécifique et leur accessibilité difficile ils constituent un site sensible méritant de constituer des réserves à moyen terme ».

Par requête introduite auprès du greffe de la Cour administrative en date du 2 juillet 1999 et inscrite sous le numéro 11359C du rôle, Monsieur …-… a fait introduire un recours en annulation sur base de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dirigé contre la décision précitée du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999, approuvant la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du nouveau projet d’aménagement général dans la mesure des contestations y relatives présentées à travers sa réclamation introduite par courrier datant du 8 juin 1997.

L’affaire ayant été transmise en vertu de l’article 71 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro 11359 du rôle, le tribunal administratif, par jugement interlocutoire datant du 27 septembre 2000, s’est déclaré compétent pour en connaître et a reçu le recours en annulation en la forme. Quant au fond il ordonna une visite des lieux afin de lui permettre de vérifier utilement in situ la situation du terrain litigieux, étant donné que le rejet de la réclamation au Gouvernement et l’approbation ministérielle du classement litigieux sont motivés par la considération qu’en raison de sa situation topographique spécifique et de son accessibilité difficile, le terrain en question représenterait un site sensible méritant de constituer des réserves à moyen terme.

Encore que la possibilité de résoudre le désaccord entres parties semblait patente lors de la visite lieux ayant eu lieu en date du 12 octobre 2000 et que pendant les deux années qui s’en suivirent l’affaire fut mise d’un commun accord entre parties au rôle général dans l’attente de la finalisation d’un éventuel accord, aucun accord non contentieux entre parties n’a pu être trouvé, de sorte qu’il y a lieu d’examiner plus en avant le bien-fondé du recours.

Il est constant que le terrain ayant fait l’objet du classement litigieux et cadastré sous le numéro 423/1421 sis à Moesdorf au lieu-dit « Auf der Altesch » classé en zone d’aménagement différé par l’effet du nouveau plan d’aménagement général, présentait au préalable un caractère directement constructible.

Le demandeur sollicite l’annulation de la décision ministérielle déférée en critiquant le déclassement de la parcelle litigieuse en zone d’aménagement différé dans la mesure où le caractère directement constructible de son terrain s’en trouverait compromis. Il estime que la situation topographique de ce terrain serait parfaitement normale et que le ministre, par l’exclusion de cette parcelle du périmètre constructible, aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits .

Le délégué du Gouvernement relève que le classement litigieux en zone d’aménagement différé n’empêcherait nullement une affectation à la construction ultérieure du terrain qui est toujours inclus dans le périmètre d’agglomération et estime que le ministre, en épousant les arguments des autorités communales, aurait fait siennes des considérations d’urbanisme répondant à une saine gestion du territoire communal. Il fait valoir en outre que le classement des fonds en question en zone d’aménagement différé n’interdirait pas catégoriquement l’implantation de constructions sur ce site, mais tiendrait compte de leur situation topographique et de leur accessibilité difficile en imposant des conditions particulières. Le représentant étatique relève encore qu’il appartiendrait au conseil communal de juger de l’opportunité de postposer l’affectation à la construction de pareille réserve à moyen terme.

La commune de Mersch, régulièrement mise en intervention, n’a pas déposé de mémoire.

La zone d’aménagement différé prévue à l’article 11 de la partie écrite du nouveau plan d’aménagement général de la commune de Mersch est définie comme suit : « a) Les secteurs d’aménagement différé sont les parties du territoire situées à l’intérieur du périmètre d’agglomération et interdites temporairement à toute construction, et à tout aménagement.

b) Ces secteurs constituent des réserves de terrains dont l’affectation et les règles d’utilisation seront décidées, en cas de nécessité reconnue, par le conseil communal. Ils doivent être couverts, avant toute construction, par un plan d’aménagement particulier dûment approuvé (…) ».

Si c’est à juste titre que le représentant étatique relève que le terrain litigieux est toujours situé à l’intérieur du périmètre d’agglomération et que le classement en zone d’aménagement différé n’empêche pas son affectation ultérieure à la construction, il n’en demeure pas moins constant que le secteur en question est temporairement interdit à toute construction et à tout aménagement sans que cette interdiction ne soit délimitée dans le temps et que ce n’est qu’en cas de nécessité reconnue par le conseil communal qu'une affectation à la construction sera le cas échéant possible à l’avenir.

Les projets communaux d’aménagement général ont pour but et pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des agglomérations qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever (Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804 C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 6, p. 566 et autres décisions y citées).

D’après l’article 5 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, les projets d’aménagement peuvent être révisés et modifiés sous l’observation de la procédure prescrite pour le premier établissement des plans en question, étant entendu que la mutabilité des plans d’aménagement généraux relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné (cf. trib. adm. 25 juillet 2001, n° 12318a du rôle, confirmé par Cour adm.

18 janvier 2002, n° 13891C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 46, p. 574).

Il se dégage des considérations qui précèdent que les parties intéressées, dont les propriétaires de terrains, n’ont pas un droit acquis au maintien d’une réglementation communale d’urbanisme donnée, étant entendu toutefois que les changements à y apporter ne sauraient s’effectuer de manière arbitraire, mais doivent résulter de considérations d’ordre urbanistique et politique pertinentes répondant à une finalité d’intérêt général et sont à opérer sous le respect de la loi et des procédures y prévues comportant la participation de tous les intéressés.

En l’espèce, le rejet de la réclamation au Gouvernement et l’approbation ministérielle du classement litigieux sont motivés par la considération qu’en raison de sa situation topographique spécifique et de son accessibilité difficile le terrain en question représenterait un site sensible méritant de constituer des réserves à moyen terme.

La mission du juge de la légalité conférée au tribunal à travers l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 exclut le contrôle des considérations d’opportunité, notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué, mais inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

Dans cette démarche de vérification des faits et des motifs à la base de l’acte déféré, le tribunal est encore amené à analyser si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits dont l’existence est vérifiée (trib. adm. 25 juillet 2001, n° 12318a du rôle, confirmé par Cour adm. 8 janvier 2002, n° 13891C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Recours en annulation, n° 10, p. 512), une erreur d’appréciation étant susceptible d’être sanctionnée dans la mesure où elle est manifeste, au cas notamment où une flagrante disproportion des moyens laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité (Cour adm.

21 mars 2002, n° 14261C du rôle, ibidem).

En l’espèce, la motivation avancée pour justifier les décisions litigieuses tenant à la spécificité topographique du terrain concerné et à la sensibilité du site constituent des considérations d’ordre urbanistique susceptibles comme telles d’être prises en compte dans l’intérêt général par les autorités compétentes, de sorte qu’il reste à examiner, au-

delà de l’existence de ces considérations d’ordre urbanistique vérifiées en fait, si elles présentent un caractère légal de nature à fonder les actes déférés au regard des griefs soulevés par le demandeur, étant entendu que l’obligation de fournir des motifs précis et circonstanciés est d’autant plus caractérisée concernant un changement de classement opéré consistant à sortir un terrain d’une zone directement constructible pour l’inclure, tel le cas en l’espèce, dans une zone destinée seulement à constituer des réserves de terrains à terme.

Force est de relever à cet égard que si le tribunal a certes pu se convaincre sur place de la spécificité topographique du terrain concerné situé en pente et entrevoir le cas échéant la nécessité de prévoir, dans l’intérêt général, certaines restrictions et charges en cas de construction sur ledit terrain, susceptibles d’être imposées notamment moyennant soumission du terrain concerné à l’adoption d’un plan d’aménagement particulier, aucune raison tangible militant en faveur de la mise en réserve de ce terrain n’a pour autant été directement décelable à partir des éléments de motivation fournis en cause.

En effet, le simple renvoi à l’état topographique du terrain reclassé, sans indication précise quant à la manière dont l’intérêt général se trouverait affecté au point de justifier la mise en réserve du terrain concerné, amène à la conclusion que les éléments de motivation à la base du reclassement critiqué par le demandeur, ne suffisent point aux exigences légales posées en la matière.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation dans la mesure du reclassement litigieux approuvé et du rejet de la réclamation afférente.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement avant dire droit du 27 septembre 2000 ;

déclare le recours en annulation justifié au fond ;

partant annule l’arrêté ministériel déféré en ce qu’il concerne la parcelle 423/1421 sise à Moersdorf au lieu dit « Auf der Altesch » ;

renvoie le dossier devant le ministre de l’Intérieur en prosécution de cause ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 11359a
Date de la décision : 12/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-12;11359a ?

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