La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15394

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 mars 2003, 15394


Tribunal administratif N° 15394 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2002 Audience publique du 10 mars 2003

============================

Requête des époux … et …, … en présence de la directrice de l’Administration de l’Emploi en matière de désignation d’un commissaire spécial (Exécution du jugement du 13 mai 2002, n° 14024 du rôle)

--------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15394 du rôle et déposée au greffe du tribunal administr

atif le 26 septembre 2002 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc...

Tribunal administratif N° 15394 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2002 Audience publique du 10 mars 2003

============================

Requête des époux … et …, … en présence de la directrice de l’Administration de l’Emploi en matière de désignation d’un commissaire spécial (Exécution du jugement du 13 mai 2002, n° 14024 du rôle)

--------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15394 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2002 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … et …, demeurant ensemble à L-…, tendant à la désignation d’un commissaire spécial en vue de l’exécution du jugement inscrit sous le numéro 14024 du rôle, rendu par le tribunal administratif en date du 13 mai 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2003 par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ayant repris l’instance au nom des époux …-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement dont l’exécution a fait l’objet de la requête introductive d’instance ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Emmanuel REVEILLAUD, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 février 2003.

Par décision du 24 juillet 2001, confirmée sur recours gracieux en date du 3 août 2001, la directrice de l’administration de l’Emploi refusa de faire droit à une demande présentée par les époux …-… en vue du placement au pair de Mademoiselle …, originaire de Russie, au double motif que depuis le 1er mars 1993, uniquement les personnes ressortissantes des pays membres de l’Union économique ainsi que des pays signataires de l’Accord européen sur le placement au pair seraient encore admises au Grand-Duché de Luxembourg comme filles au pair, et que Mademoiselle … se serait par ailleurs déjà trouvée au pays d’accueil au moment de la demande d’autorisation présentée en son nom.

Le recours contentieux introduit par les époux …-… à l’encontre desdites décisions par requête déposée en date du 25 septembre 2001 s’est soldé par un jugement non appelé du tribunal administratif inscrit sous le numéro 14024 du rôle datant du 13 mai 2002, aux termes duquel les décisions litigieuses de la directrice furent annulées au motif d’abord que l’article 2 de l’Accord européen ne spécifie pas que les jeunes étrangers y visés doivent nécessairement être originaires d’un pays membre du Conseil de l’Europe et signataire de l’accord en question et qu’ensuite, concernant le deuxième motif de refus invoqué à l’appui des décisions alors litigieuses, la preuve du séjour de Mademoiselle … au pays au moment de l’introduction de la demande de placement au pair n’était pas rapportée en cause.

Par courrier datant du 1er juillet 2002, l’administration de l’Emploi, sous la signature d’un inspecteur de direction premier en rang, s’adressa à Monsieur … dans les termes suivants :

« Monsieur, J’accuse bonne réception de votre demande en obtention d’une autorisation portant sur un placement AU PAIR en faveur de … , no mtr. … Comme il s’agit dans le cas d’espèce d’une personne non ressortissante d’un pays de l’Union Européenne ou d’un Etat partie à l’Accord sur l’Espace Economique Européen, ni d’un pays qui a signé l’accord portant sur un placement Au Pair, je vous prie de me faire tenir, avant tout progrès en cause, une autorisation de séjour délivrée par le Ministère de la Justice.

Copie de la présente a été transmise au Ministère de la Justice, service de la Police des Etrangers pour information et gouverne. (…) » Par courrier de son mandataire datant du 9 juillet 2002, Monsieur … s’adressa à l’administration de l’Emploi pour solliciter la délivrance de l’autorisation demandée en relevant qu’il n’appartiendrait pas à l’administration de l’Emploi de faire dépendre cette autorisation d’une autorisation de séjour délivrée par le ministère de la Justice et vice versa.

Après avoir adressé deux lettres de rappel datant respectivement des 23 juillet et 22 août 2002 à l’administration de l’Emploi, les époux …-… ont fait introduire, par requête déposée en date du 26 septembre 2002, une demande en application de l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, afin de voir désigner un commissaire spécial pour prendre en lieu et place de la directrice de l’administration de l’Emploi la décision de placement au pair par eux sollicitée.

A l’appui de cette requête ils font valoir que le tribunal, par l’effet de son jugement du 13 mai 2002, a annulé les décisions alors litigieuses des 24 juillet et 3 août 2001 et renvoyé l’entièreté du dossier devant la directrice de l’administration de l’Emploi afin qu’une décision positive soit rendue. Estimant que le courrier prérelaté du 1er juillet 2002 ne serait pas à considérer comme une décision du fait qu’il comporte la mention « avant tout autre progrès en cause », les demandeurs font valoir que la directrice serait restée en défaut d’exécuter le jugement du 13 mai 2002. A titre subsidiaire, ils font valoir que l’autorisation de séjour leur réclamée ne serait pas une condition préalable à la délivrance d’une autorisation de placement au pair.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le courrier prérelaté du 1er juillet 2002 priant Monsieur … de faire parvenir à l’administration de l’Emploi la preuve du séjour régulier de Mademoiselle … ne comporterait aucun élément décisionnel, de sorte que le recours serait à déclarer irrecevable. Il estime qu’il s’agirait en effet d’une lettre contenant une simple demande de la part de l’administration de l’Emploi et non pas d’une décision administrative susceptible de léser les intérêts d’une personne. A titre subsidiaire, quant à la motivation de l’acte attaqué du 1er juillet 2002, le représentant étatique fait valoir que selon l’Accord européen sur le placement au pair, les droits et devoirs de la personne placée au pair et de la famille d’accueil doivent faire l’objet d’un accord écrit conclu entre les parties en cause, sous forme d’un document unique ou d’un échange de lettres, avant que la personne au pair n’ait quitté son pays de résidence. Il soutient en outre que le dépôt d’une convention de placement au pair ne dispenserait pas de l’exécution des lois et règlements existants et notamment, dans le cas d’espèce, de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Il relève à cet égard qu’en date du 8 octobre 2001, le ministre de la Justice a émis un arrêté refusant l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg à Mademoiselle …, qu’aucun recours contre cet arrêté n’a été introduit dans le délai légal et que, dans ces conditions, l’acceptation du dépôt de la convention de placement au pair serait tout aussi inutile qu’impossible. Le délégué du Gouvernement signale à titre d’information que lors de sa séance du 26 juillet 2002, le conseil de Gouvernement a décidé de dénoncer l’Accord européen sur le placement au pair, dénonciation notifiée au secrétariat général du Conseil de l’Europe le 23 septembre 2002, de sorte à prendre effet le 24 mars 2003.

Dans leur mémoire en réplique les demandeurs précisent qu’ils n’ont pas entendu soumettre au tribunal « la décision attaquée du 1er juillet 2002 », mais bien la défaillance de l’Etat à prendre une décision au fond dans les trois mois suivant le jugement du 13 mai 2002.

Ils estiment dès lors que leur requête ne serait pas irrecevable, étant donné qu’au moment de l’introduction de leur demande en désignation d’un commissaire spécial, l’autorité administrative n’avait pas encore statué sur leur demande au fond.

Conformément aux dispositions de l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée « lorsqu’en cas d’annulation ou de réformation, coulée en force de chose jugée, d’une décision administrative qui n’est pas réservée par la constitution à un organe déterminé, la juridiction ayant annulé ou réformé la décision a renvoyé l’affaire devant l’autorité compétente et que celle-ci omet de prendre une décision en se conformant au jugement ou à l’arrêt, la partie intéressée peut, à l’expiration d’un délai de trois mois à partir du prononcé de l’arrêt ou du jugement, saisir la juridiction qui a renvoyé l’affaire en vue de charger un commissaire spécial de prendre la décision aux lieu et place de l’autorité compétente et aux frais de celle-ci ».

Il se dégage du libellé de la disposition prérelatée que l’intervention d’un commissaire spécial n’est prévue que dans l’hypothèse particulière où l’autorité compétente à laquelle l’affaire fut renvoyée à la suite d’une annulation ou d’une réformation coulée en force de chose jugée est appelée à émettre une nouvelle décision afin de se conformer au jugement ou à l’arrêt en question, cette hypothèse se confondant en pratique le plus souvent avec le cas d’une décision annulée ou réformée qui a toisé une demande adressée à l’administration.

Dans la mesure où la directrice a pris position à la suite du jugement intervenu dans le dossier relatif à la demande des époux …-… à travers son courrier prérelaté du 1er juillet 2002, il y a dès lors lieu d’examiner si celui-ci revêt un caractère décisionnel de manière à pouvoir être considéré comme une décision intervenue en exécution dudit jugement, cette question conditionnant de la sorte la recevabilité de la requête sous examen.

Force est de constater à cet égard que le courrier prérelaté du 1er juillet 2002, contrairement à ce qui est soutenu en cause, ne constitue pas un acte revêtant un caractère simplement informatif, étant donné que l’exigence y formulée de produire préalablement à la délivrance de l’autorisation sollicitée une autorisation de séjour délivrée par le ministre de la Justice s’analyse en une décision de refus de prendre une décision en l’état du dossier tel que soumis à l’autorité compétente, de sorte que l’acte ainsi posé revêt le caractère d’une décision susceptible de faire grief dans la mesure où il peut entraîner des conséquences préjudiciables pour son destinataire au cas où celui-ci entend contester la condition lui imposée, voire se trouve dans l’impossibilité de s’y conformer.

Le jugement précité du 13 mai 2001, en annulant les deux décisions directoriales déférées, n’a de ce fait accordé, ni explicitement, ni implicitement, l’autorisation sollicitée, mais renvoyé le dossier en prosécution de cause devant l’autorité compétente afin de voir statuer plus loin sur la demande initiale présentée.

Dans la mesure où, au moment de l’introduction de la demande en désignation d’un commissaire spécial, l’autorité administrative avait dès lors déjà statué en posant un acte décisionnel en exécution dudit jugement, la demande basée sur les dispositions de l’article 84 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée est irrecevable, sans qu’il y ait lieu d’examiner si cette décision est conforme en tous points audit jugement, ce contrôle étant appelé à être effectué uniquement dans le cadre d’un recours contentieux dirigé contre la décision prérelatée du 1er juillet 2002, non actuellement déférée au tribunal.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare la requête irrecevable ;

condamne les parties demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 mars 2003 par:

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15394
Date de la décision : 10/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-10;15394 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award