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05/03/2003 | LUXEMBOURG | N°16076

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mars 2003, 16076


Tribunal administratif Numéro 16076 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2003 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16076 du rôle, déposée le 3 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Skopj

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Tribunal administratif Numéro 16076 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 mars 2003 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 16076 du rôle, déposée le 3 mars 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Skopje (Macédoine), de nationalité macédonienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 24 février 2003 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître François MOYSE et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.

Le 24 février 2003, le ministre de la Justice ordonna à l’encontre de Monsieur … une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants:

« Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités macédoniennes ;

1 - qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 3 mars 2003 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision de placement du 24 février 2003.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste en premier lieu la réunion en l’espèce des conditions pour prendre une décision de placement, alors qu’il ressortirait des éléments du dossier que le ministre de la Justice n’aurait pris à son encontre ni une décision d’expulsion, ni une décision de refoulement au sens de la loi précitée du 28 mars 1972, respectivement que sa situation aurait évolué par le fait que suite à son placement, il a sollicité « le 25 février sinon le 26 février, sans préjudice quant à la date exacte, l’asile au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 », et qu’en tant que demandeur d’asile une mesure d’éloignement vers son pays d’origine ne serait plus possible, de sorte qu’il aurait dû être immédiatement mis fin à son placement.

Concernant d’abord le reproche tiré de ce que le ministre de la Justice n’aurait pris ni une décision d’expulsion, ni une décision de refoulement, il est constant en cause que la décision de placement n’est pas basée sur une décision d’expulsion.

Il convient partant d’examiner si la décision de placement est basée sur une mesure de refoulement qui, en vertu de l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972, peut être prise, « sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal », à l’égard d’étrangers non autorisés à résidence :

« 1) qui sont trouvés en état de vagabondage ou de mendicité ou en contravention à la loi sur le colportage ;

2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ;

3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de [la loi précitée du 28 mars 1972] ;

4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis ;

5) qui, dans les hypothèses prévues à l’article 2 paragraphe 2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, sont trouvés en contravention à la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ou sont susceptibles de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics ».

2Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre de la Justice à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi précitée du 28 mars 1972 sont remplies, et où, par la suite, une décision de placement a été prise à l’encontre de l’intéressé. En effet, une telle mesure de refoulement est nécessairement sous-jacente à la décision de placement à partir du moment où il n’existe pas d’arrêté d’expulsion.

En l’espèce, parmi les motifs invoqués à l’appui de la décision de placement, le ministre de la Justice fait état du fait que le demandeur se trouvait en séjour irrégulier au pays.

Dans la mesure où il est constant que le demandeur n’est en possession ni de papiers de légitimation prescrits, ni de visa, une mesure de refoulement telle que prévue par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 était en principe justifiée à son égard au moment de la prise de la décision litigieuse.

Ceci étant, il convient encore d’examiner l’incidence du dépôt d’une demande d’asile par Monsieur …, notamment au regard du principe de non-refoulement tel qu’il se dégage des articles 33 de la Convention de Genève et 14 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Dans ce contexte, il convient de relever qu’il se dégage des plaidoiries du délégué du gouvernement, ensemble les éléments du dossier administratif, que Monsieur … a effectivement introduit une demande d’asile au sens de la Convention de Genève et qu’en date du 28 février 2003, il a été entendu sur la durée de son séjour au Luxembourg, l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, les démarches y entreprises depuis son arrivée et sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Or, s’il est admis en l’espèce que Monsieur … a posé une demande d’asile, force est néanmoins également de relever qu’il n’est pas moins constant en cause que le demandeur n’a pas soumis sa demande d’asile spontanément en se présentant aux autorités luxembourgeoises dès son arrivée au Luxembourg, soit – selon les déclarations du demandeur - au mois de juin 2002, époque à laquelle il est venu au Luxembourg pour « jouer au football », mais seulement après avoir été intercepté à l’occasion d’une opération de contrôle par la police grand-ducale.

Dans la mesure où l’irrégularité du séjour du demandeur était dès lors patente préalablement à l’introduction de sa demande d’asile et que ce dernier n’avait manifestement pas l’intention de s’adresser directement à cette fin aux autorités luxembourgeoises, le ministre pouvait valablement maintenir la mesure de placement à l’encontre de Monsieur … afin de mettre ses services en mesure de vérifier l’identité de Monsieur … et de clarifier la question de la compétence de l’Etat luxembourgeois pour connaître de sa demande d’asile à la lumière notamment de la Convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l’Etat responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des Communautés européennes.

Ceci dit, lesdites mesures de vérification doivent être diligentées dans un délai nécessairement bref, afin d’assurer un éloignement de sa personne dans les meilleurs délais, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum la privation de liberté, même si le placement a lieu non pas dans un centre pénitentiaire, mais dans une partie spéciale aménagée en centre de séjour provisoire.

3Force est cependant de constater que depuis l’interception du demandeur en date du 24 février 2003, il s’est écoulé un délai de 10 jours et que le délégué du gouvernement n’a apporté aucun indice relativement à une compétence d’un autre Etat partie à la Convention de Dublin ni une autre nécessité de procéder à des mesures de vérifications supplémentaires, de sorte que la condition de la possibilité d’un éloignement n’est plus vérifiée au jour du présent jugement.

Comme le tribunal statuant dans le cadre d’un recours en réformation est appelé à apprécier la décision déférée au jour où il statue, il y a lieu de constater que la décision de placement du 24 février 2003 ne remplit plus les conditions imposées par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972.

Le tribunal est partant amené à réformer la décision querellée et à ordonner la libération immédiate du demandeur, sans qu’il y ait lieu de prendre position par rapport aux autres moyens et arguments invoqués.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation, ordonne la mise en liberté immédiate de Monsieur … ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mars 2003 par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 16076
Date de la décision : 05/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-05;16076 ?

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