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05/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15644

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mars 2003, 15644


Tribunal administratif N° 15644 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2002 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Madame …, Schifflange contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15644 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité yougoslave, dem...

Tribunal administratif N° 15644 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 novembre 2002 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Madame …, Schifflange contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15644 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 novembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 3 juin 2002, lui notifiée le 24 juin 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention du statut de réfugié ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 février 2003.

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En date du 18 mars 2002, Madame … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Elle fut entendue en outre en date du 29 avril 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 3 juin 2002, notifiée le 24 juin 2002, le ministre de la Justice informa Madame … que sa demande avait été rejetée aux motifs que ses assertions traduiraient davantage un sentiment général d’insécurité qu’une réelle crainte de persécution au sens de la Convention de Genève et qu’il ne serait pas non plus exclu que sa demande soit basée aussi, sinon essentiellement sur des considérations d’ordre économique. Le ministre a relevé en outre que le régime politique en ancienne Yougoslavie aurait changé au mois d’octobre 2000 avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement, ainsi qu’avec la mise en place d’un nouveau gouvernement sans la participation des partisans de l’ancien régime.

Le recours gracieux introduit par Madame …, par courrier de son mandataire datant du 24 juillet 2002, à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 3 juin 2002 n’ayant pas fait l’objet d’une réponse de la part du ministre, elle a fait introduire, par requête déposée le 25 novembre 2002, un recours contentieux tendant à la réformation de la décision du ministre de la Justice du 3 juin 2002.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise.

Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, la demanderesse reproche au ministre de la Justice de ne pas avoir apprécié à ses justes proportions sa situation individuelle, ainsi que d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève en omettant d’examiner tant la situation générale dans son pays d’origine que sa situation personnelle.

Elle expose plus particulièrement avoir quitté son pays d’origine par crainte pour sa vie, qu’elle estimait sérieusement menacée par les policiers d’un poste de frontière du fait que son compagnon, ex-membre de la police yougoslave ayant déserté l’armée pendant l’état de proclamation de l’état de guerre au Kosovo, ferait depuis lors l’objet d’un mandat d’arrêt et que tous les deux appartiendraient par ailleurs à la minorité ethnique des Bosniaques du Kosovo dont la situation serait toujours très incertaine, ceci d’autant plus qu’elle aurait reçu à plusieurs reprises des menaces réelles en raison des activités professionnelles de son compagnon au sein de la police.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Madame … et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9, p. 519).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame … lors de son audition en date du 29 avril 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les craintes invoquées par la demanderesse se rapportent essentiellement à l’état de guerre ayant sévi par le passé dans son pays d’origine, ainsi qu’à la mauvaise situation au Monténégro, sans qu’elle n’ait fait état d’éléments suffisamment concrets permettant de dégager un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son chef. En effet, les menaces proférées à son encontre par des agents du poste de contrôle (« ils disent qu’ils ont calmé ceux de Bosnie et ceux du Kosovo et que maintenant c’est à notre tour d’y passer »), sont trop vagues pour les situer dans un contexte de persécution personnelle en rapport notamment avec les activités professionnelles alléguées du compagnon de la demanderesse, lesquelles ne sont par ailleurs pas présentées d’une manière cohérente et concluante en cause, tout comme l’affirmation que la demanderesse et son compagnon font partie de la minorité ethnique des Bosniaques du Kosovo ne permet pas d’éclairer sa situation par rapport aux craintes par elle exprimées.

Il suit de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mars 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15644
Date de la décision : 05/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-05;15644 ?

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