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05/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15457

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mars 2003, 15457


Tribunal administratif N° 15457 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2002 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15457 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à...

Tribunal administratif N° 15457 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 octobre 2002 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15457 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 mars 2002, lui notifiée le 13 mai 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, ainsi que d’une décision confirmative implicite se dégageant du silence observé par le prédit ministre suite au recours gracieux par lui introduit en date du 13 juin 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 février 2003.

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En date du 10 août 2001, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur … fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut ensuite entendu le 17 août 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 29 mars 2002, notifiée le 13 mai 2002, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée aux motifs qu’il serait peu probable que la crainte par lui alléguée de la vengeance de la part des Serbes serait encore constitutive à l’heure actuelle d’une réelle menace à son égard et que, compte tenu du fait qu’il est sans travail régulier depuis 1992, tout porterait plutôt à croire que les problèmes réels par lui rencontrés relèveraient essentiellement du domaine économique. Le ministre a également relevé que Monsieur … resterait en défaut de prouver pourquoi il lui serait impossible de rejoindre son épouse et ses enfants à Tuzla (Bosnie-Herzégovine) et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Par lettre du 13 juin 2002, Monsieur … introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 29 mars 2002. Celui-ci étant resté sans suite pendant plus de trois mois, il a fait introduire, par requête déposée le 14 octobre 2002, un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles prévisées, en l’occurrence, celle du 29 mars 2002 et celle confirmative implicite se dégageant du silence du ministre observé par rapport à son recours gracieux.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2) d’un régime de protection temporaire instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, le demandeur conclut à la réformation des décisions querellées au motif que le ministre aurait fait une mauvaise appréciation de sa situation de fait, alors qu’il s’en dégagerait qu’il remplit les conditions légales pour être admis au statut de réfugié prévu par la Convention de Genève.

A l’appui de son recours, il fait exposer être originaire de Bosnie-Herzégovine, de nationalité bosniaque et de religion musulmane, ainsi que d’avoir quitté sa région natale au courant du mois de février 2001 au motif qu’il aurait notamment été confronté à de graves problèmes de coexistence avec les Serbes et ce plus particulièrement après avoir intégré le groupe paramilitaire des « moudjahidins », lequel a largement combattu dans le cadre de la guerre de Bosnie ayant eu lieu en 1992/1993. Il relève que dans la mesure où il serait originaire d’une commune située dans une zone limitrophe à celle occupée majoritairement par des Serbes, il resterait exposé à l’heure actuelle à la menace réelle et sérieuse d’un acte de vengeance de la part de Serbes, de sorte qu’il lui serait impossible de demeurer dans son pays d’origine. Dans la mesure où les autorités en place seraient à l’heure actuelle dans l’impossibilité de lui assurer une protection suffisante, de nature à faire échec à cette menace, il estime rentrer sous les prévisions de la Convention de Genève.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Selon l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition du 17 août 2001, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que même abstraction faite de ce que les allégations du demandeur relativement à sa crainte en raison de ses activités au sein du mouvement des « moudjahidins » et des risques de représailles émanant de Serbes s’en dégageant se révèlent en substance vagues et non autrement circonstanciées et qu’elles ne sont pas confortées par un quelconque élément de preuve tangible, lesdites allégations – même à les supposer vraies – sont insuffisantes pour établir un état de persécution personnel vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, respectivement sont insuffisantes pour établir que les autorités qui sont au pouvoir en Bosnie-Herzégovine ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant à leurs habitants ou tolèrent, voire encouragent des agressions du type de celles alléguées.

Dans ce contexte, le tribunal doit encore relever qu’aucun fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place dans le pays d’origine du demandeur ne se dégage des éléments d’appréciation produits en cause, le demandeur n’alléguant même pas s’être adressé aux autorités chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité publics.

Il s’ensuit que les craintes invoquées par le demandeur traduisent essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans sa ville d’origine.

Pour le surplus, force est de constater que les risques allégués par le demandeur se limitent essentiellement à la commune dont il ressort et qu’il reste en défaut d’établir qu’il ne peut trouver refuge, à l’heure actuelle, à l’instar notamment de son épouse et de ses enfants, dans une autre partie de la Bosnie-Herzégovine, étant entendu que la Convention de Genève vise le pays d’origine ou de nationalité des demandeurs d’asile sans restriction territoriale et que le défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles un demandeur d’asile ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne doit être pris en compte pour refuser la reconnaissance du statut de réfugié (cf. trib. adm. 10 janvier 2001, n° 12240 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 40 et autres références y citées).

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mars 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15457
Date de la décision : 05/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-05;15457 ?

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