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05/03/2003 | LUXEMBOURG | N°15147

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 mars 2003, 15147


Tribunal administratif N° 15147 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2002 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15147 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2002 par Maître Marc PETIT, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, infirmière, née le … à Novi Pazar (Ser...

Tribunal administratif N° 15147 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2002 Audience publique du 5 mars 2003

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Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15147 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2002 par Maître Marc PETIT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, infirmière, née le … à Novi Pazar (Serbie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 18 avril 2002, confirmant, à défaut d’élément pertinent nouveau, sur recours gracieux, la décision initiale du même ministre du 25 mars 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Patricia FERRANTE, en remplacement de Maître Marc PETIT, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 12 juillet 1999, Madame … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 24 août 2000, confirmée sur recours gracieux le 1er décembre 2000, le ministre de la Justice l’informa que sa demande était rejetée, étant donné qu’elle n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie.

A la suite de l’introduction en date du 21 décembre 2000 d’un recours contentieux dirigé contre les prédites décisions ministérielles, le tribunal administratif a déclaré ledit recours non justifié et en a débouté Madame … par un jugement rendu en date du 15 novembre 2001, confirmé sur appel par la Cour administrative le 19 février 2002.

Par une lettre du 11 mars 2002, parvenue au secrétariat du ministère de la Justice le lendemain, le mandataire de l’époque de Madame … fit introduire auprès du ministre de la Justice une demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires « et à titre tout à fait exceptionnel », en estimant qu’un retour forcé de sa mandante dans son pays d’origine serait « extrêmement traumatisant ». Dans le prédit courrier, Madame … fit encore soutenir qu’elle aurait fait preuve d’une « exceptionnelle » faculté d’intégration au pays, dans la mesure où elle serait capable de subvenir à ses propres besoins au cas où un permis de travail lui serait délivré, en insistant sur son diplôme d’infirmière.

Sur ce, le ministre de la Justice prit une décision en date du 25 mars 2002 par laquelle il informa le mandataire de l’époque de Madame … qu’il n’était pas en mesure de lui délivrer une autorisation de séjour en ce que, d’une part, Madame … ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants tels que requis par l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et, d’autre part, elle ne ferait pas état de raisons humanitaires justifiant une autorisation de séjour au Luxembourg.

Un recours gracieux formulé par lettre du 2 avril 2002 à l’encontre de la décision précitée du 25 mars 2002 fut rejeté par une décision confirmative du ministre de la Justice du 18 avril 2002, au motif que Madame … n’aurait pas fait état d’éléments pertinents nouveaux.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2002, Madame … a fait introduire un recours en réformation contre les deux décisions ministérielles précitées des 25 mars et 18 avril 2002.

Le délégué du gouvernement conclut tout d’abord à l’irrecevabilité du recours en réformation, au motif que seul un recours en annulation était prévu en matière d’autorisations de séjour.

Aucune disposition légale ne prévoyant la possibilité d’introduire un recours en réformation contre des décisions rendues en matière d’autorisations de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les décisions incriminées.

S’il est vrai que la demanderesse s’est bornée à former un recours en réformation en l’espèce, il n’en reste pas moins que dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit.

Etant donné que le recours sous discussion a été introduit dans les formes et délai de la loi, il est partant recevable comme recours en annulation dans la mesure des moyens de légalité y contenus.

Au fond, la demanderesse reproche au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits qui lui ont été soumis, en soutenant qu’elle avait sollicité la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, au motif qu’elle n’aurait plus aucun lien ni familial ni amical dans son pays d’origine, à savoir la Serbie, qu’elle y serait persécutée eu égard à sa confession musulmane en raison de laquelle elle aurait déjà été licenciée par l’hôpital dans lequel elle aurait travaillé comme infirmière, avant son départ de son pays d’origine en 1999, qu’à cette époque, elle aurait à plusieurs reprises fait l’objet d’insultes et de menaces de mort de la part de certains supérieurs hiérarchiques, ainsi que de voisins serbes, ces comportements étant à qualifier de discriminations motivées par sa religion, ainsi que par son « appartenance ethnique » et qu’elle aurait dû quitter son pays d’origine en raison de cette situation d’insécurité et de persécution, qui serait devenue intenable pour elle.

Il échet tout d’abord de relever que dans la mesure où la demanderesse n’a pas critiqué le motif de refus de délivrance de l’autorisation de séjour sollicitée par elle et basé sur l’absence de moyens d’existence personnels suffisants dans son chef, il n’y a pas lieu d’analyser la légalité de ce motif de refus.

En ce qui concerne le refus de délivrance de l’autorisation de séjour sollicitée pour des raisons humanitaires, le représentant étatique estime que le risque de persécution en raison de l’appartenance de la demanderesse au groupe religieux des musulmans, de sa race, ainsi que de son appartenance ethnique aurait déjà été examiné dans le cadre de la demande d’asile de celle-ci.

En application de l’article 14 in fine de la loi précitée du 28 mars 1972 et de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il incombe aux autorités luxembourgeoises de prémunir un étranger résidant au Luxembourg contre une situation irrémédiable de danger objectif de mauvais traitements ou d’atteintes graves à sa vie ou à sa liberté en cas de retour dans son pays d’origine et cette obligation ne souffre pas de dérogations découlant du droit national, notamment de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 et tirées d’un prétendu risque qu’il compromette la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics ou du défaut de moyens d’existence personnels suffisants.

L’article 14 in fine en question, dans la mesure où il se réfère en outre de manière expresse à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue partant une base légale suffisante permettant à un étranger souhaitant s’établir au Luxembourg d’obtenir une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, à condition de remplir les conditions ci-avant énumérées. S’il est vrai que le ministre de la Justice, en tant qu’autorité compétente, peut refuser la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, au motif que l’étranger ne remplit pas les conditions ainsi énoncées, il n’en reste pas moins que les juridictions administratives, dans le cadre d’un recours en annulation dont elles peuvent être saisies à l’encontre d’une telle décision, sont amenées à contrôler la légalité d’une telle décision ministérielle, en examinant notamment si le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits.

En l’espèce, il se dégage sans aucune équivoque que la demanderesse invoque les mêmes craintes de persécution dans son pays d’origine que celles qui ont déjà été analysées par les jugement et arrêt précités du tribunal administratif et de la Cour administrative des 15 novembre 2001 et 19 février 2002, ayant rejeté le recours et l’appel de la demanderesse comme n’étant pas fondés.

Dans la mesure où, à l’appui de sa demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, la demanderesse n’invoque pas d’autres motifs de persécution ou de discrimination mettant en péril sa vie dans son pays d’origine, à l’exception de ceux ayant déjà fait l’objet des décisions juridictionnelles ayant force de chose jugée, il échet de rejeter le recours de la demanderesse comme n’étant pas fondé, d’autant plus que le simple fait de ne pas posséder des parents ou des amis en Serbie ne saurait justifier la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, en ce que cette situation, à elle seule, n’est pas de nature à mettre en danger ni la vie, ni la liberté de la demanderesse dans son pays d’origine.

A défaut par la demanderesse d’avoir exposé d’autres motifs qui justifieraient le cas échéant la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, il échet de déclarer le présent recours non fondé dans la limite des moyens d’annulation présentés et de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme dans la limite des moyens d’annulation invoqués ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 5 mars 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15147
Date de la décision : 05/03/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-03-05;15147 ?

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