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26/02/2003 | LUXEMBOURG | N°13936

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 février 2003, 13936


Tribunal administratif N° 13936 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2001 Audience publique du 26 février 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13936 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2001 par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembou

rg, au nom de Monsieur …, …, et de son épouse, Madame …, fonctionnaire européen, demeurant ensem...

Tribunal administratif N° 13936 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2001 Audience publique du 26 février 2003 Recours formé par Monsieur … et Madame … contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de classe d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 13936 et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2001 par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, et de son épouse, Madame …, fonctionnaire européen, demeurant ensemble à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 31 mai 2001 rangeant Monsieur … dans la classe d’impôt I pour l’année d’imposition 1991 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 décembre 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom des demandeurs en date du 16 janvier 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Emmanuelle ADAM, en remplacement de Maître Bernard FELTEN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.

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Suivant bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1991, émis par la section des personnes physiques du bureau d’imposition Luxembourg IX de l’administration des Contributions directes, en date du 17 décembre 1992, Monsieur et Madame …-… se sont vus attribuer pour l’année fiscale 1991 la classe d’impôt 1 A 1, au motif que Madame … « est entrée au Grand-Duché comme fonctionnaire des Communautés européennes », de sorte qu’« elle est à considérer comme non-résident au sens de la loi fiscale ».

Par courrier daté du 3 janvier 1993, réceptionné par l’administration des Contributions directes en date du 7 janvier 1993, Monsieur … introduisit une réclamation contre le bulletin de l’impôt sur le revenu précité relatif à l’année 1991, dans la mesure où le bureau d’imposition précité l’a classé dans la classe d’impôt 1 A 1, en faisant valoir que ce serait à tort qu’il avait été rangé dans la classe d’impôt 1, alors qu’il serait marié et qu’il résiderait ensemble avec son épouse au Luxembourg, de sorte qu’il s’estime pénalisé par la classe d’impôt qui lui a été attribuée.

A la suite de deux lettres de rappel datées des 12 août 1993 et 23 mai 1994, par lesquelles Monsieur … a rappelé son désaccord quant à l’attribution de la classe d’impôt 1, le directeur de l’administration des Contributions directes le pria, par courrier du 15 janvier 2001, de le renseigner « sur l’époque et les circonstances, notamment en relation avec son entrée en service auprès de la Commission des Communautés européennes, dans lesquelles son épouse s’est installée au Luxembourg ».

Il ressort encore d’une lettre du directeur de l’administration des Contributions directes datée au 11 mai 2001, adressée à Monsieur …, que suite à la réponse fournie par ce dernier en date du 2 février 2001, que l’épouse de celui-ci se serait installée au Luxembourg « dans l’optique de trouver un emploi dans une entreprise fiduciaire luxembourgeoise ». Dans le prédit courrier, le directeur releva encore que selon les indications fournies par Monsieur …, le dernier jour de travail en Grèce de son épouse aurait été le 21 mai 1982 et que son premier jour de travail au sein des services de la Commission européenne établie à Luxembourg aurait été le 1er juillet de la même année. Sur base de cette constatation, le directeur pria Monsieur … d’indiquer l’époque à laquelle son épouse a présenté sa candidature pour un poste auprès des Communautés Européennes, ainsi que l’époque à laquelle elle a eu connaissance de l’offre d’emploi de la Commission.

Monsieur … répondit au courrier précité du directeur de l’administration des Contributions directes par une lettre du 18 mai 2001, suivant laquelle il ne pourrait pas leur soumettre des dates précises quant aux réunions et pourparlers ayant eu lieu au cours de l’année 1982 dans le cadre de l’engagement de son épouse par la Commission européenne, dans la mesure où son épouse, « à l’époque jeune fille sans expérience », n’aurait pas gardé de notes avec les dates précises, telles que sollicitées par l’administration des Contributions directes.

Suivant décision n° C8094 du 31 mai 2001, le directeur de l’administration des Contributions directes rejeta la réclamation de Monsieur … comme non fondée au motif notamment que l’article 14 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, annexé au Traité du 8 avril 1965 instituant un Conseil et une Commission unique, désigné ci-après « PPI », doit être interprété en ce sens « que la détermination du domicile fiscale du fonctionnaire communautaire ne saurait dépendre de la volonté de l’intéressé ; » et en faisant valoir « (…) qu’il résulte du dossier et des explications du réclamant que son épouse a travaillé comme secrétaire auprès de Touche & Ross à Athènes du 24 juin 1980 au 21 mai 1982 ; que, suivant le conseil de son employeur, elle aurait démissionné avec effet au 21 mai 1982, dans l’optique d’aller travailler à l’étranger, dans une fiduciaire et notamment dans une société du groupe ; mais, qu’arrivée au Luxembourg, elle n’a cependant pas su se faire engager par la société luxembourgeoise du groupe ; qu’elle a commencé à travailler comme dactylographe (grade C) en tant qu’agent auxiliaire de la Commission des Communautés européennes le 1er juillet 1982 et qu’en dépit des explications données par le réclamant dans ses deux courriers de réponse, l’inexpérience et la jeunesse n’expliquent pas pourquoi l’épouse du réclamant a démissionné de son emploi à Athènes pour partir à l’étranger sans avoir de sérieuses perspectives d’y trouver un emploi, alors qu’il aurait été judicieux qu’elle prenne ses dispositions dans son pays d’origine, d’autant plus que, voulant chercher un emploi auprès d’une société appartenant au même groupe que son précédant employeur, elle aurait trouvé avantage à organiser sa recherche d’emploi à partir de son pays d’origine ; qu’il n’est d’ailleurs même pas allégué qu’elle aurait entrepris d’autres démarches en vue de trouver un emploi dans une fiduciaire ou autre qu’auprès de la société luxembourgeoise du groupe Touche & Ross ; qu’il n’apparaît donc ni pourquoi elle aurait dû quitter son emploi à Athènes pour savoir si elle succédait à se faire embaucher par la société luxembourgeoise appartenant au même groupe, ni pourquoi elle n’aurait présenté une demande d’emploi qu’à ce seul employeur potentiel ; qu’il convient également de noter qu’elle a commencé à travailler à la Commission moins de 6 semaines après qu’elle avait démissionné de son emploi à Athènes ; qu’en raison du rapprochement dans le temps entre la fin de sa relation de travail en Grèce et son entrée au service des Communautés à Luxembourg, ainsi que des explications fournies sur les circonstances dans lesquelles elle est arrivée au Luxembourg, il n’est pas établi que l’épouse du réclamant a pris des mesures concrètes pour s’établir au Luxembourg indépendamment de son entrée au service des Communautés, alors qu’un vague projet non suivi de démarches concrètes ne saurait suffire pour écarter les règles que le protocole a établies dans l’intérêt exclusif des Communautés ; (…) que l’épouse du réclamant doit par conséquent être regardée comme ayant gardé son domicile fiscal dans l’Etat membre où elle avait son domicile fiscal au moment de son entrée au service des Communautés, en l’espèce en Grèce, et partant comme n’ayant pas la qualité de contribuable résident pour les besoins de l’impôt luxembourgeois sur le revenu ; (…) que (…) le réclamant ne saurait être imposé collectivement avec son épouse étant donné que celle-ci est à considérer en vertu du protocole, disposition de rang supérieur à la loi interne, comme ayant gardé son domicile dans son pays d’origine ; ».

A l’encontre de cette décision directoriale, Monsieur … et son épouse, Madame … ont fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation par requête déposée en date du 30 août 2001.

Quant à la compétence et à la recevabilité Le tribunal est compétent, en vertu des dispositions de l’article 8 (3) 1, de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, pour statuer en tant que juge du fond à l’encontre d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes intervenue sur base du paragraphe 235 (5) de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », ci-après appelée « AO ». Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

Le délégué du gouvernement conclut tout d’abord à l’irrecevabilité du recours en réformation dans la mesure où il a été introduit par Madame …, en ce que celle-ci n’aurait été partie ni au bulletin d’imposition ni à la décision attaquée.

Il échet tout d’abord de relever que le bulletin d’impôt litigieux relatif à l’année d’imposition 1991 a été adressé tant à Monsieur … qu’à son épouse, Madame …, tel que cela ressort du bulletin lui-même.

Il échet encore de constater que la réclamation datée au 3 janvier 1993 dirigée contre ledit bulletin n’a été signée que par Monsieur ….

Une réclamation introduite par un époux en son seul nom ne rend pas automatiquement l’autre époux partie à cette voie de recours. Il s’ensuit qu’en l’absence de réclamation séparée par le conjoint, le recours contentieux introduit par les deux époux encourt l’irrecevabilité omisso medio dans la mesure où il est introduit au nom du conjoint n’ayant pas réclamé (trib. adm. 25 août 1999, n° 10456 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Impôts, XI. Procédure contentieuse, n° 307, p. 365 et autres références y citées).

En l’espèce, il ressort des pièces et éléments du dossier comme il vient d’être relevé ci-avant, que malgré le fait que le bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 1991 a été adressé à Monsieur …, ainsi qu’à son épouse, Madame …, seul Monsieur … a introduit une réclamation contre ledit bulletin de l’impôt sur le revenu, par son courrier du 3 janvier 1993, précité.

Il s’ensuit qu’à défaut pour Madame … d’avoir réclamé contre le bulletin d’impôt sur le revenu pour l’année 1991, son recours contentieux dirigé contre la décision directoriale précitée du 31 mai 2001 est irrecevable omisso medio, en ce qu’elle n’a pas saisi préalablement ledit directeur d’une réclamation dirigée contre le bulletin d’impôt précité.

C’est encore à bon droit que le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, dans la mesure où Monsieur … demande à être classé dans la classe d’impôt II, voire II-1 ou II-2 pour les années 1992 à 2001, étant donné qu’il n’a introduit un recours contentieux ni contre des bulletins de l’impôt sur le revenu pour les années en question ni contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, rendue sur réclamation dirigée le cas échéant contre de tels bulletin.

Enfin, c’est encore à juste titre que le représentant étatique conclut à l’irrecevabilité du recours introduit par Monsieur …, dans la mesure où il tend à voir enjoindre à l’administration des Contributions directes de « recalculer le montant dû au titre de l’impôt sur le revenu au titre des années précitées 1992 à 2001 », en considération du reclassement à décider le cas échéant par le tribunal au sujet de l’année d’imposition 1991, à défaut de base légale autorisant les juridictions administratives à ordonner de telles injonctions à l’encontre de l’administration fiscale.

Pour le surplus, le recours en réformation, en ce qu’il a été introduit par Monsieur …, et qu’il tend à se voir classer dans la classe d’impôt II pour l’année d’imposition 1991, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond A l’appui de son recours, le demandeur estime que le directeur de l’administration des Contributions directes lui aurait à tort appliqué l’article 14 du PPI, au motif que Madame … n’aurait pas quitté son pays d’origine, à savoir la Grèce, afin de s’installer au Grand-Duché de Luxembourg et d’y travailler au sein de la Commission européenne, alors qu’elle se serait rendue au Luxembourg pour y trouver un emploi dans le secteur privé et que ce n’aurait été qu’après avoir eu des difficultés pour trouver un tel emploi, qu’elle aurait eu « l’opportunité » de travailler en tant qu’employée auxiliaire, sur base d’un contrat de travail à durée déterminée, pour la Commission européenne dans les bureaux de celle-ci installés au Luxembourg. Il signale dans ce contexte que ce n’est qu’en 1984, après avoir passé les concours afférents, que son épouse aurait été engagée en tant que fonctionnaire au sein de la Commission européenne.

Il se base sur les faits prérelatés pour affirmer qu’au moment où son épouse avait quitté la Grèce, elle n’aurait pas encore trouvé « de travail » au Luxembourg, ni dans le secteur privé, ni surtout au sein de la Commission européenne, de manière à ce qu’elle serait entrée au service de ladite commission à une date à laquelle elle n’aurait plus été une résidente de la Grèce, mais au contraire une résidente du Grand-Duché de Luxembourg, de sorte que l’article 14 du PPI ne saurait trouver application en l’espèce.

Le délégué du gouvernement relève dans son mémoire en réponse que l’épouse du demandeur n’est entrée au service des Communautés européennes qu’à peine six semaines après son arrivée au Luxembourg et avec un statut auquel l’article 14 du PPI était expressément applicable, de sorte qu’elle aurait à juste titre été considérée comme étant un contribuable non résident au Grand-Duché de Luxembourg. Il s’ensuivrait que le demandeur, en sa qualité de contribuable résidant au Luxembourg, ne pouvait être imposé collectivement avec son épouse, celle-ci n’étant pas à considérer comme un contribuable résidant au Luxembourg. Il fait encore préciser que la classe d’impôt II ne serait pas à considérer comme étant un « bénéfice », dans la mesure où elle aboutirait toujours, par l’imputation des revenus d’autrui, à une imposition disproportionnée aux facultés du contribuable, charge à peine tempérée par le quotient familial et l’obligation in solidum.

Comme le demandeur sollicite de la part de l’administration des Contributions directes à être rangé dans la classe d’impôt II, le tribunal est tout d’abord amené à analyser si les conditions fixées par la législation luxembourgeoise en vue d’être rangé dans la prédite classe d’impôt sont remplies.

En vertu de l’article 119, paragraphe 3 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après dénommée « LIR », « la classe II comprend a) les personnes imposées collectivement en vertu de l’article 3, b) les personnes veuves dont le mariage a été dissous par décès au cours des trois années précédant l’année d’imposition, c) les personnes divorcées, séparées de corps ou séparées de fait en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire au cours des trois années précédant l’année d’imposition, si avant cette époque et pendant cinq ans elles n’ont pas bénéficié de la présente disposition ou d’une disposition similaire antérieure ».

Il est constant en l’espèce que les époux …-… ne remplissent pas les conditions prévues par les alinéas b) et c) du paragraphe 3 de l’article précité et par conséquent, il y a lieu de vérifier s’ils remplissent les conditions déterminées par l’alinéa a) du paragraphe 3 précité, étant entendu qu’à partir du moment où ils ne sont pas visés par l’alinéa a) précité, ils devront être rangés soit dans la classe d’imposition I a, telle que définie au paragraphe 2 dudit article 119, soit dans la classe I telle que déterminée au paragraphe 1er du même article.

L’article 3 LIR, auquel il est fait référence à l’alinéa a) du paragraphe 3 précité dispose que « sont imposés collectivement a) les époux qui au début de l’année d’imposition sont contribuables résidents et ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou de l’autorité judiciaire;

b) les contribuables résidents qui se marient en cours de l’année d’imposition;

c) les époux qui deviennent contribuables résidents en cours de l’année d’imposition et qui ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une autorité judiciaire ».

En l’espèce, il est encore constant que les époux …-… ne remplissent pas les conditions déterminées par les alinéas b) et c) de l’article 3 précité et il échet partant de vérifier s’ils sont susceptibles de remplir les conditions telles que déterminées par l’alinéa a) du même article 3.

Etant donné qu’il n’est pas contesté que les époux …-… ne vivent pas en fait séparés en vertu d’une dispense de la loi ou d’une décision d’une autorité judiciaire, il appartient au tribunal de vérifier si les deux époux ont été, au début de l’année d’imposition 1991, contribuables résidents au Luxembourg.

L’article 2 LIR détermine, dans son paragraphe (1), les conditions à remplir par une personne physique afin de déterminer si elle a été contribuable résident au Luxembourg au titre d’une année d’imposition considérée. Au vœu de cet article « sont considérées comme contribuables résidents ou comme contribuables non-résidents, (les personnes physiques) suivant qu’elles ont ou qu’elles n’ont pas leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché ».

Les notions de domicile fiscal (« Wohnsitz ») et de séjour habituel (« gewöhnlicher Aufenthalt ») sont précisées respectivement par les paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, communément appelée « Steueranpassungsgesetz », ci-après dénommée « StAnpG ». Le paragraphe 13 précité définit le domicile fiscal comme étant la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure que le contribuable visé la conservera et en fera usage (« Einen Wohnsitz im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er eine Wohnung innehat unter Umständen, die darauf schliessen lassen, dass er die Wohnung beibehalten und benutzen wird »). Cette notion suppose ainsi la possession matérielle d’une habitation, ainsi que « des circonstances de fait (dont) résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays » (doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad. art. 3).

La notion de séjour habituel au sens du paragraphe 14 alinéa 1er StAnpG vise l’endroit où une personne séjourne dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou dans ce pays non seulement à titre passager. Le séjour habituel est admis de droit lorsque le séjour effectif au pays excède six mois consécutifs (« Den gewöhnlichen Aufenthalt im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er sich unter Umständen aufhält, die erkennen lassen, dass er an diesem Ort oder in diesem Land nicht nur vorübergehend verweilt.

Unbeschränkte Steuerpflicht tritt jedoch stets dann ein, wenn der Aufenthalt im Inland länger als sechs Monate dauert. In diesem Fall erstreckt sich die Steuerpflicht auch auf die ersten sechs Monate »).

En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame … avait au 1er janvier de l’année 1991 sa résidence effective au Luxembourg où elle travaillait pour le compte des institutions des Communautés Européennes.

Madame … était donc, en principe, en vertu du droit national, un contribuable résident au Luxembourg au cours de l’année 1991. Par ailleurs, il n’est pas contesté que le demandeur était également au courant de l’année précitée un contribuable résident au Luxembourg, de sorte qu’en vertu des dispositions nationales, les époux …-… seraient donc à considérer comme des contribuables résidents à ranger dans la classe d’impôt II.

Il est cependant dérogé à la détermination du domicile fiscal en droit national par le PPI qui dispose dans son article 14 que « pour l’application des impôts sur le revenu et sur la fortune, des droits de succession, ainsi que des conventions tendant à éviter les doubles impositions conclues entre les pays membres des Communautés, les fonctionnaires et autres agents des Communautés qui, en raison uniquement de l’exercice de leurs fonctions au service des Communautés, établissent leur résidence sur le territoire d’un pays membre autre que le pays du domicile fiscal qu’ils possèdent au moment de leur entrée au service des Communautés, sont considérés, tant dans le pays de leur résidence que dans le pays du domicile fiscal comme ayant conservé leur domicile dans ce dernier pays si celui-ci est membre des Communautés. Cette disposition s’applique également au conjoint dans la mesure où celui-ci n’exerce pas d’activité professionnelle propre, ainsi qu’aux enfants à charge et sous la garde des personnes visées au présent article ».

Il convient encore de préciser qu’en vertu de l’article 13 du PPI, les fonctionnaires et agents des Communautés Européennes sont soumis au profit de celles-ci à un impôt sur les traitements, salaires et émoluments versés par elles, qui sont exempts d’impôts nationaux. Il résulte par ailleurs de l’article 18 du PPI que les règles de celui-ci sont établies dans l’intérêt exclusif des Communautés Européennes.

Les articles 13 et 14 précités du PPI établissent ainsi une répartition des compétences fiscales entre les Communautés Européennes, l’Etat membre où le fonctionnaire avait son domicile fiscal avant son entrée au service des institutions des Communautés Européennes et l’Etat membre où il exerce ses fonctions au service des institutions des Communautés Européennes.

Par nécessité de maintenir l’application uniforme du PPI, en ce qui concerne le régime fiscal des fonctionnaires des Communautés Européennes, la répartition des compétences établie par l’article 14 ne peut pas être mise en cause par la prise en considération du domicile effectif. En effet, conformément aux dispositions de l’article 14, le fonctionnaire n’a pas le choix de déplacer son domicile fiscal dans un Etat autre que celui de son domicile fiscal d’origine.

Il ressort des pièces et éléments du dossier que l’épouse du demandeur a quitté son emploi auprès d’une firme établie à Athènes en date du 21 mai 1982 et qu’elle a été engagée en tant qu’agent auxiliaire par la Commission des Communautés européennes installée au Luxembourg avec effet à partir du 1er juillet 1982, sans que le demandeur n’ait fourni une quelconque indication concrète, documentée à suffisance de droit, quant à la date à partir de laquelle son épouse a établi sa résidence au Luxembourg. Le demandeur n’a pas non plus établi et documenté à suffisance de droit que son épouse aurait démissionné avec effet au 21 mai 1982 auprès de son employeur établi à Athènes dans « l’optique d’aller travailler à l’étranger » et plus particulièrement dans une filiale du groupe, établie au Luxembourg, mais il ressort au contraire des éléments du dossier, que dans un laps de temps de seulement 6 semaines à partir de la date à laquelle elle a quitté ses fonctions professionnelles à Athènes, elle est entrée en fonction auprès des services de la Commission européenne installés au Luxembourg.

A défaut d’avoir justifié que contrairement aux éléments qui se dégagent du dossier soumis au tribunal, l’épouse du demandeur s’est établie en tant que résidente au Grand-Duché de Luxembourg à une date antérieure à celle à laquelle elle a conclu son engagement en vue d’entrer au service des institutions communautaires – les simples allégations non autrement documentées quant au fait que Madame … se serait rendue au Luxembourg en vue d’y rechercher un emploi dans le secteur privé n’étant pas de nature à entraîner la conviction du tribunal -, l’épouse du demandeur est dès lors censée, conformément aux dispositions de l’article 14 du PPI, avoir gardé son domicile fiscal en Grèce, étant donné que suivant les conclusions dégagées à partir des éléments se trouvant à la disposition du tribunal, son départ de son pays d’origine était motivé exclusivement par l’exercice de ses fonctions au service des institutions des Communautés européennes établies au Luxembourg. Il en résulte que l’épouse du demandeur doit être regardée comme ayant gardé son domicile fiscal à l’étranger, et elle est donc à considérer comme non résidente.

Le demandeur ne peut partant pas être rangé dans la classe d’impôt II d’après le paragraphe 3 a.) de l’article 119 LIR, étant donné que Madame … ne remplit pas les conditions déterminées par le prédit article. Il ne pourrait donc être rangé que soit dans la classe I a) soit dans la classe I telles que visées par les paragraphes 2 et 1er dudit article 119.

Le demandeur soutient encore que la décision déférée aurait un caractère discriminatoire dans la mesure où lui et son épouse seraient traités d’une manière plus défavorable que les époux résidant de manière séparée sur le territoire luxembourgeois, ainsi que par rapport aux époux, contribuables non résidents, ne vivant pas en fait séparés, qui sont susceptibles d’être imposés, sur leur demande, dans la classe d’impôt II, à condition qu’ils soient imposables au Grand-Duché du chef de plus de 50% des revenus professionnels du ménage. Il estime que cette discrimination qui résulterait de l’article 3 LIR violerait l’article 11, paragraphe 2 (sic) de la Constitution, dans la mesure où il ne pourrait pas bénéficier d’un traitement identique à celui réservé à un autre ressortissant luxembourgeois marié. Dans ce contexte, il propose au tribunal de poser à la Cour constitutionnelle la question préjudicielle suivante : « L’article 3 LIR qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice de l’imposition collective des conjoints non séparés ni de fait ni en vertu d’une décision de justice à la condition que ces derniers aient tous deux leur résidence fiscale sur le territoire national et refuse l’octroi de cet avantage fiscal à un travailleur résidant dans cet Etat dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint est considéré comme résidente fiscale grecque alors qu’elle réside à Luxembourg depuis presque 20 ans n’est-il pas contraire à l’article 11(sic !) de la constitution ? ».

Quant à ce moyen d’inconstitutionnalité de l’article 3 LIR, il échet de relever que si le principe de l’égalité des citoyens devant l’impôt exige certes que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de droit et de fait doivent être traités de façon identique, il ne prohibe cependant pas les distinctions – objectivement justifiées – entre différentes catégories de personnes (trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10868 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Impôts, I.

Législation concernant les impôts – principes d’imposition, n° 6, p. 293).

Il échet encore de relever, pour répondre à l’argumentation développée par le demandeur, que la situation d’un contribuable fiscal résidant au Luxembourg, marié à un fonctionnaire des Communautés européennes tombant sous le champ d’application du PPI, ne saurait être comparée ni à deux contribuables fiscaux résidant au Luxembourg, mariés et vivant en des endroits séparés au pays ni à des contribuables non résidents percevant plus de 50% des revenus professionnels de leur ménage au Luxembourg, étant donné, d’une part, qu’il s’agit de situations juridiques différentes, qui ne sont pas comparables au regard de la loi sur l’impôt sur le revenu et, d’autre part, que la situation du demandeur, dans la mesure où il est marié à un fonctionnaire des Communautés européennes, est expressément réglée par un texte de droit international dérogeant, en tant que norme d’essence supérieure, à la législation nationale. Or, d’après la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (arrêts 2/98 du 13 novembre 1998, 8/99 du 9 juillet 1999 et 9/00 du 5 mai 2000), il est admis que la règle constitutionnelle de l’égalité ne s’applique qu’à des catégories de personnes se trouvant dans une situation comparable au regard de la mesure critiquée et il est admis au contraire que des catégories de personnes soient soumises à des régimes légaux différents, à condition que la différence instituée procède de disparités objectives, qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.

Etant donné que la Cour constitutionnelle a déjà statué à plusieurs reprises sur des questions ayant le même objet, le tribunal administratif, auquel le demandeur a soumis une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution, est dispensé de saisir à nouveau la Cour constitutionnelle, en application de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle. En effet, le tribunal est en mesure, à partir des principes retenus dans les arrêts précités de la Cour constitutionnelle, de juger lui-même de la conformité de la disposition critiquée de la LIR par rapport à la Constitution, sans qu’il ne soit obligé de saisir la Cour constitutionnelle d’une question préjudicielle.

En l’espèce, comme il a été relevé ci-avant, le demandeur appartient à une catégorie de personnes, qui, sur base de critères objectifs, rationnellement justifiés, se trouvent dans une situation différente de celle des autres contribuables résidant au Luxembourg, en ce qu’il est marié à un conjoint tombant sous les effets directs d’un instrument juridique de droit international d’essence supérieure au droit luxembourgeois.

Il suit des considérations qui précèdent que l’article 3 LIR, en ce qu’il dispose que seuls bénéficient de l’imposition collective les conjoints non séparés ni de fait ni en vertu d’une décision de justice à la condition qu’ils possèdent tous les deux leur résidence fiscale au Luxembourg, ne contrevient pas à l’article 10bis, paragraphe (1) de la Constitution suivant lequel « les luxembourgeois sont égaux devant la loi ».

Enfin, le demandeur soutient que l’article 3 LIR serait « contestable » au regard de l’article 48, paragraphe 2 du Traité CE, devenu dans la suite l’article 39, paragraphe 2 CE, et par rapport au règlement CEE n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté, dans la mesure où il contreviendrait aux principes de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne, impliquant notamment l’abolition de toute forme de discrimination, le libre accès, en tant que ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne, à une activité salariée et à l’exercice de celle-ci sur le territoire d’un autre Etat membre et enfin le bénéfice des mêmes avantages sociaux et fiscaux à accorder aux travailleurs des autres Etats membres que ceux dont profitent les travailleurs nationaux au sein de l’Etat membre d’accueil.

A ce titre, il se réfère à un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes dans une affaire ZURSTRASSEN contre l’administration des Contributions directes du 16 mai 2000 qui prohiberait l’imposition collective de conjoints non séparés, ni de fait, ni en vertu d’une décision de justice, soit soumise à la condition qu’ils soient tous les deux résidents sur le territoire national, dans le cas où un travailleur réside dans l’Etat dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre.

Il estime plus particulièrement que cette décision jurisprudentielle devrait trouver application en l’espèce, dans la mesure où, en sa qualité de contribuable résidant au Luxembourg, il est marié à une ressortissante grecque résidant au Luxembourg, mais étant considérée en tant que résidente fiscale grecque. Il soutient en outre que « l’injustice » qui frapperait leur ménage serait d’autant plus frappante qu’ils auraient résidé ensemble au Luxembourg depuis leur mariage en 1988.

A titre subsidiaire, au cas où le tribunal arriverait à la conclusion que les données de l’espèce ne seraient pas similaires à celles retenues dans l’affaire ZURSTRASSEN, le demandeur entend voir soumettre à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle suivante : « L’article 3 LIR qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice de l’imposition collective des conjoints non séparés ni de fait ni en vertu d’une décision de justice à la condition que ces derniers aient tous deux leur résidence fiscale sur le territoire national et refuse l’octroi de cet avantage fiscal à un travailleur résidant dans cet Etat dans lequel il perçoit la quasi totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint est considéré comme résidente fiscale grecque alors qu’elle réside à Luxembourg depuis presque 20 ans n’est-il pas contraire à l’article 48, paragraphe 2, du Traité CE (devenu, après modification, article 39, paragraphe 2, CE), à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE), n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la communauté ainsi qu’à l’article 7, paragraphe 2 du même règlement ? ».

Le délégué du gouvernement rétorque que la différence de traitement dénoncée par le demandeur ne serait pas le fait de la loi luxembourgeoise, qui a vocation à s’appliquer uniformément à tous les époux vivant au Grand-Duché de Luxembourg, mais résulterait de l’article 14 du PPI qui obligerait le Grand-Duché en tant qu’Etat de résidence à traiter différemment les fonctionnaires européens et leurs conjoints selon que les premiers avaient leur domicile fiscal au Luxembourg ou ailleurs avant l’entrée au service des institutions des Communautés européennes. Il soutient dans ce contexte que l’arrêt ZURSTRASSEN serait inapplicable aux faits de la présente espèce.

Il soutient enfin que l’imposition collective ne constituerait pas un « bénéfice».

Dans son mémoire en réplique, et en s’appuyant sur des pièces versées à l’appui de celui-ci, le demandeur fait état d’un préjudice financier qu’il subirait du fait de son classement dans la classe d’impôt I par rapport à la situation fiscale dont il pourrait profiter au cas où il serait rangé dans la classe d’impôt II.

S’il est certes vrai qu’à travers son arrêt ZURSTRASSEN précité, la Cour de Justice des Communautés européennes, ayant statué sur une question préjudicielle lui adressée par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg, a retenu que la condition énoncée à l’article 3 LIR que deux conjoints non séparés de fait en vertu d’une décision de justice ou d’une dispense légale doivent être deux résidents sur le territoire national pour avoir droit au bénéfice, ainsi qualifié, de l’imposition collective, se heurte au principe de la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, cette conclusion ne saurait toutefois être transposée automatiquement et nécessairement en l’espèce à partir du constat que Madame … n’avait pas son domicile fiscal au Luxembourg pour l’année en cause, sans vérification préalable des conditions de base pour l’application des règles d’égalité de traitement tant du Traité CE que de l’article 7 du règlement CEE 1612/68 dans le chef de Monsieur … par rapport à sa situation concrète.

Une discrimination ne peut consister que dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l’application de la même règle à des situations différentes (cf. CJCE, affaire c-279/93, arrêt du 14 février 1995, SCHUMACHER).

Force est de constater en l’espèce que la situation de Monsieur … n’est pas comparable à celle de Monsieur ZURSTRASSEN, en ce que la « mixité » de leur couple, -un conjoint contribuable résident et un conjoint contribuable non résident-, n’a pas une même cause.

En effet, contrairement à la situation de Monsieur ZURSTRASSEN, la mixité du couple …-… est due non pas aux conséquences en droit interne de l’exercice de leur droit à la libre circulation à l’intérieur de l’Union Européenne, mais à une fiction inhérente au statut fiscal de Madame … relative à son domicile fiscal, lequel lui reste acquis en vertu d’une règle de droit communautaire indépendamment de toute circulation ultérieure à sa détermination initiale.

Il s’ensuit qu’en raison du statut fiscal d’exception de son épouse, Monsieur … ne se trouve pas dans une situation objective comparable à celle d’un contribuable résident conjoint d’un non-résident qui n’est pas fonctionnaire communautaire, étant donné que l’absence de prise en compte du domicile effectif de son épouse n’est pas l’effet de la législation interne, mais résulte de l’application des dispositions du PPI qui soustraient à l’Etat du domicile effectif la compétence fiscale concernant les fonctionnaires communautaires. En effet, l’attribution de la classe d’imposition II est une conséquence de l’imposition collective, tributaire du critère de résidence dont le PPI interdit de tenir compte. Dans la mesure où le droit communautaire prescrit ainsi lui-même, à travers une loi spéciale que constitue le PPI, la non prise en compte du domicile effectif de l’épouse du demandeur, le moyen tiré d’une violation de la règle générale énoncée par l’article 48 du Traité instituant la C.E.E. laisse d’être fondé.

Il y a encore lieu de relever que les dispositions nationales applicables relatives à l’attribution de la classe d’imposition II soumettent l’octroi de cette classe d’imposition à la condition objective que les époux soient imposables collectivement, de manière à viser les conjoints contribuables résidents imposables à raison du cumul de leurs revenus respectifs.

S’il est certes vrai que cette condition ne saurait en tout état de cause être remplie dans le chef de conjoints dont l’un ou l’autre est fonctionnaire communautaire pour les raisons plus amplement exposées ci-avant et que partant le demandeur, conjoint d’un fonctionnaire communautaire, est amené en l’espèce à subir les conséquences fiscales du statut de son conjoint, il y a toutefois lieu de relever encore que si l’attribution de la classe II, à laquelle aspire le demandeur, peut certes être perçue dans son cas précis comme étant un « avantage », il n’en demeure cependant pas moins que la volonté du législateur de lier cet « avantage » à l’imposition collective trouve une justification objective dans le fait que la prise en compte de la charge familiale par application d’une certaine classe d’impôt est censée tenir compte de la capacité contributive des contribuables imposés collectivement.

Les raisons justifiant qu’un contribuable range en classe II sont en effet essentiellement d’ordre socio-politique et de capacité contributive, étant entendu que cette dernière, pour se trouver réduite par la charge d’une famille, suppose la satisfaction des besoins de plusieurs personnes au lieu d’une seule à partir d’un revenu imposable déterminé.

Or, dans la mesure où les revenus de l’épouse du demandeur, exempts d’impôts nationaux sans réserve de progressivité, ne sont pas, par l’effet même de son statut fiscal spécial, reflétés au niveau du revenu imposable du couple dont le montant global constitue pourtant l’élément déterminant pour l’appréciation de la capacité contributive par la prise en compte de la charge familiale, cette appréciation, opérée essentiellement à travers l’application d’une certaine classe d’impôt, se trouverait faussée considérablement dans le chef du demandeur en cas d’application de la classe II à son revenu imposable, étant donné que pareil traitement fiscal reviendrait à considérer sa charge familiale comme si son épouse ne réalisait pas de revenus professionnels propres, ce qui ne correspond pourtant pas à la réalité économique de la capacité contributive effective du couple concerné.

Il s’ensuit que la non-attribution de la classe II au demandeur est justifiée objectivement en l’espèce pour des considérations tenant à la réalité économique de sa capacité contributive, étant entendu que la solution contraire reviendrait à lui accorder un privilège fiscal au sens de l’article 101 de la Constitution, non justifié par rapport aux contribuables imposables collectivement et rangés en classe II.

Il y a lieu de conclure, au vu des développements qui précèdent, qu’indépendamment de la question de savoir si Monsieur …, seule partie au litige, peut, sur base des dispositions du droit communautaire, être considéré comme se trouvant en circulation pour déterminer si l’article 48 du Traité précité trouve application au cas d’espèce, force est de constater que contrairement aux allégations du demandeur, l’absence de prise en compte du domicile effectif de son épouse n’est pas l’effet de la législation interne, mais résulte de l’application des dispositions du PPI qui soustraient à l’Etat du domicile effectif la compétence fiscale concernant les fonctionnaires européens. En effet, l’attribution de la classe II est une conséquence de l’imposition collective, tributaire du critère de résidence, dont le PPI interdit de tenir compte. Il convient ainsi de constater que le droit communautaire prévoit expressément la situation incriminée, en ce que le PPI, en tant que loi spéciale, déroge à la règle générale du droit communautaire, telle que prévue par l’article 48 du Traité instituant la CEE, de sorte que le moyen tiré d’une violation de l’article 48 du prédit Traité n’est pas fondé.

En ce qui concerne encore l’application de l’arrêt ZURSTRASSEN, qui a retenu pour droit que « l’article 48, paragraphe 2 du traité CE (devenu, après modification l'article 39, paragraphe 2, CE) et l’article 7, paragraphe 2 du règlement CEE n°1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’opposent à l'application d'une réglementation nationale qui, en matière d’impôt sur le revenu, soumet le bénéfice de l’imposition collective des conjoints non séparés, ni de fait, ni en vertu d’une décision de justice à la condition qu'ils soient tous deux résidents sur le territoire national et refuse l’octroi de cet avantage fiscal à un travailleur résidant dans cet Etat, dans lequel il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, et dont le conjoint réside dans un autre Etat membre », force est de relever qu’il n’a pas vocation à s’appliquer par analogie, étant donné que la situation de droit et la situation de fait diffèrent de la présente affaire. En effet, d’une part, comme il a été souligné ci-avant, l’article 14 du PPI déroge à la détermination du domicile fiscal en droit national et fait partie d’un régime fiscal d’exception, traduisant plus particulièrement une restriction partielle à la souveraineté des Etats membres en matière fiscale, consentie au vœu de l’article 18 alinéa 1er PPI « exclusivement dans l’intérêt [des Communautés] », de sorte que la non prise en compte du domicile fiscal effectif n’est pas l’effet de la législation interne. D’autre part, l’arrêt ZURSTRASSEN a été rendu sur base d’une hypothèse très particulière, à savoir le cas du travailleur résidant dans un Etat membre où il perçoit la quasi-totalité des revenus du foyer, son épouse résidant dans un autre Etat membre et n’y bénéficiant d’aucun revenu. En l’espèce, l’épouse du demandeur réside dans le même Etat que lui-même, en l’espèce le Luxembourg, et ce n’est qu’en vertu d’une fiction juridique résultant de l’application du PPI qu’elle est censée habiter dans son pays d’origine, à savoir la Grèce. Par ailleurs, la demanderesse bénéficie de revenus se dégageant de son activité salariale auprès des institutions des Communautés Européennes, ces revenus ne pouvant cependant pas être pris en considération, ni pour déterminer l’assiette de l’impôt, ni pour déterminer, en vertu de l’article 134 LIR, le taux d’impôt luxembourgeois, ceci justement en raison de la répartition des compétences fiscales établie par le PPI.

Il résulte des considérations qui précèdent, qu’en raison de la situation particulière des fonctionnaires européens résultant du régime fiscal particulier qui leur est applicable sur base du PPI, aucune discrimination ni aucune entrave à la liberté de circulation ne saurait résulter du fait que la situation familiale de Monsieur … n’est pas prise en compte au Grand-Duché de Luxembourg.

Le tribunal disposant de tous les éléments pour résoudre lui-même le litige, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de poser une question préjudicielle afférente à la Cour de Justice des Communautés Européennes, le recours est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en réformation irrecevable dans la mesure où il a été introduit par Madame … ;

le déclare également irrecevable dans la mesure où il a été introduit par Monsieur … et qu’il tend, d’une part, à voir changer la classe d’impôt qui lui a été attribuée au titre des années 1992 à 2001, et, d’autre part, à voir ordonner des injonctions à l’encontre de l’administration des Contributions directes ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond, le déclare non justifié et partant en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 26 février 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 14


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13936
Date de la décision : 26/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-26;13936 ?

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