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20/02/2003 | LUXEMBOURG | N°14178

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 février 2003, 14178


Tribunal administratif N° 14178 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2001 Audience publique du 20 février 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14178 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2001 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité philippine, demeurant actuell...

Tribunal administratif N° 14178 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 15 novembre 2001 Audience publique du 20 février 2003

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Recours formé par Madame … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14178 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2001 par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité philippine, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 octobre 2001, lui refusant l’octroi du permis de travail pour un emploi auprès de Monsieur et Madame …, demeurant à L-…, en qualité de garde d’enfants ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 février 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 mars 2002 par Maître Henri FRANK au nom de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Henri FRANK, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par arrêté du 26 octobre 2001, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après dénommé le « ministre », refusa le permis de travail à Madame … pour un emploi de garde d’enfants auprès de Monsieur et Madame … « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

-

recrutement à l’étranger non autorisé ».

Par requête déposée en date du 15 novembre 2001, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 26 octobre 2001.

Le recours est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche tout d’abord au ministre du Travail et de l’Emploi de ne pas avoir établi que des demandeurs d’emploi appropriés seraient effectivement disponibles sur place en vue d’assurer les fonctions de garde d’enfants auprès de la famille ….

Dans son mémoire en réplique, elle soutient encore, dans le cadre de sa contestation du motif tiré de l’absence de déclaration de poste vacant par l’employeur, que le texte réglementaire sur lequel le ministre se serait basé à l’appui de ce motif de refus, à savoir le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 portant modification du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, ne serait pas conforme à l’article 11 de la Constitution et elle demande en conséquence au tribunal de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle afin de voir examiner si le prédit règlement grand-ducal du 29 avril 1999 est « compatible » avec l’article 11, alinéas 4 et 6 de la Constitution.

Dans le même mémoire en réplique, elle fait encore exposer qu’en ce qui concerne le motif tiré du recrutement à l’étranger non autorisé, il n’y aurait pas lieu de faire une distinction entre les recrutements effectués à l’étranger et ceux effectués au pays, la seule considération pertinente dans ce contexte étant la déclaration de vacance de poste qui aurait « entre-temps » été effectuée, à savoir en date du 20 novembre 2001, tel que cela ressort du mémoire en duplique de l’Etat, à savoir après la prise de la décision déférée.

Quant au motif tiré de la priorité accordée aux ressortissants de l’Espace Economique Européen, elle fait valoir que toutes les personnes qui se seraient présentées auprès de son employeur auraient refusé le poste de garde d’enfants. A ce titre, elle argumente que l’administration ne devrait pas seulement affirmer d’une manière générale et hypothétique que des personnes seraient disponibles sur le marché du travail, mais il faudrait qu’en outre elle prouve leur disponibilité concrète pour accepter l’emploi tel qu’offert dans le cas d’espèce.

Pour le surplus, il appartiendrait à l’employeur de choisir la personne qui convient le mieux par rapport aux conditions de travail par lui fixées, et en l’espèce, aucune des personnes assignées n’aurait accepté de se faire loger et nourrir par l’employeur, de sorte à ce qu’elle serait la seule personne disponible sur le marché du travail apte à accepter le poste déclaré vacant.

En l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 26 octobre 2001 énonce 4 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, de sorte qu’il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision ministérielle déférée, étant relevé qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

En l’espèce, parmi les 4 motifs invoqués à la base du refus ministériel déféré figure celui du défaut d’autorisation du recrutement à l’étranger, telle qu’exigée par l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi.

Il est encore constant en cause que la demanderesse est de nationalité philippine et il n’est pas allégué, ni a fortiori établi par cette dernière qu’à la date de sa demande en obtention du permis de travail ou, plus particulièrement, au moment de la prise de la décision ministérielle attaquée, elle a disposé d’un titre de séjour valable pour le Grand-Duché de Luxembourg, légalement requis.

Or, un travailleur n’ayant pas d’autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg est à considérer comme ayant été recruté à l’étranger (cf. Cour adm. 7 novembre 2000, n°11962C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Travail, n°41, et autres références y citées).

L’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976 précise que le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’administration de l’Emploi, dénommée ci-après « l’ADEM », sauf le cas de figure spécial où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n°1682, commentaire des articles ad. art.16).

En l’espèce, au vœu des dispositions de l’article 16 (2) précité, l’employeur ayant eu l’intention d’engager Madame …, non ressortissante de l’Union Européenne, ni d’un pays faisant partie de l’Espace Economique Européen, aurait dû solliciter en premier lieu auprès de l’ADEM l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger.

Cette obligation est corroborée par les dispositions du même article 16 à travers son paragraphe (1) fixant le principe pour l’ADEM d’un monopole en vue de procéder au recrutement des travailleurs en dehors de l’Espace Economique Européen pour les raisons « inhérentes à la surveillance du marché d’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et la sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi et de la main-d’œuvre occupée dans le pays » (doc. parl. n°1682 loc.cit).

Par voie de conséquence, l’arrêté ministériel déféré est légalement justifié par le seul motif de refus tenant au recrutement non autorisé à l’étranger de la demanderesse par l’employeur intéressé, abstraction faite du caractère pertinent ou non des autres motifs invoqués à sa base, entraînant que l’analyse des moyens proposés y relativement devient surabondante.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la déclaration tardive de la vacance de poste à une date postérieure à la prise de la décision litigieuse, étant donné que non seulement la déclaration d’une vacance de poste ne saurait équivaloir à une autorisation de recruter un travailleur à l’étranger, telle que visée par l’article 16 (2) précité, mais encore la légalité de celle-ci doit être appréciée par le juge administratif, statuant dans le cadre d’un recours en annulation, au jour où elle a été prise.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 20 février 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14178
Date de la décision : 20/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-20;14178 ?

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