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18/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15416

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 février 2003, 15416


Tribunal administratif Numéro 15416 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2002 Audience publique du 18 février 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15416 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de son épouse, Madame …,

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Tribunal administratif Numéro 15416 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2002 Audience publique du 18 février 2003 Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15416 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de son épouse, Madame …, née le …, et de ses 4 enfants …, née le …, …, née le …, …, né le …, et …, né le …, tous les quatre nés à …, toute la famille étant de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 26 juin 2002 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du même ministre du 27 août 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 janvier 2003.

Le 14 janvier 2001, Monsieur … et son épouse Madame … ainsi que leurs quatre enfants …, …, … … et … désignés ci-après par la « famille …-… » introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour toute la famille fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 31 janvier 2002, les époux …-…, ainsi que leurs quatre enfants furent entendus, chacun séparément, par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 26 juin 2002, notifiée le 24 juillet 2002, le ministre de la Justice informa la famille …-… de ce que leur demande avait été refusée comme non fondée au motif qu’ils n'invoqueraient aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Par courrier de son mandataire du 26 août 2002, la famille …-… fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision de refus.

Par décision du 27 août 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision du 26 août 2002.

Le 30 septembre 2002, la famille …-… a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre les deux décisions ministérielles de refus datées des 26 juin et 27 août 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs font valoir qu’appartenant à la minorité ethnique des musulmans slaves en Macédoine, ils feraient l’objet de nombreux actes de persécution de la part des Albanais, majoritaires dans leur village, mais également de la part des Macédoniens et qu’en fait ils se trouveraient entre deux camps, dont aucun ne serait capable de leur offrir une protection adéquate. Ils estiment que leur vie serait en danger à cause de leur appartenance à la communauté bosniaque. Messieurs … et … … ajoutent que du fait de leur insoumission, ils risqueraient une condamnation particulièrement sévère, étant entendu que la loi d’amnistie votée le 8 mars 2002 ne serait qu’imparfaitement appliquée.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par la famille … lors de leurs auditions respectives du 31 janvier 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne l’appartenance des demandeurs à la minorité ethnique des Bosniaques en Macédoine, il y a lieu de constater que la simple appartenance à une minorité ethnique est insuffisante à établir une crainte légitime de persécution, étant donné qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que les membres de la famille …-…, considérés individuellement et concrètement, risquent de subir des traitements discriminatoires en raison de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

En ce qui concerne les persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, elles ne sauraient être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection adéquate contre ces actes. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par les demandeurs. Cependant, en l’espèce, ils ne démontrent point que les autorités administratives en place et chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Macédoine, étant entendu qu’ils n’ont pas fait état du moindre fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place. Dans ce contexte, il convient d’ajouter que la situation politique en Macédoine s’est considérablement modifiée, depuis leur départ (cessez-le-feu, pacification de l’UCK, accord d’Ohrid, loi d’amnistie) et que les demandeurs n’ont pas fait état d’une raison suffisante justifiant à l’heure actuelle qu’ils ne puissent pas utilement se réclamer de la protection des autorités en place Concernant le motif invoqué de l’insoumission de la part de Messieurs … et … …, il convient de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Le tribunal constate que la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que la paix s’est établie dans la région originaire des demandeurs, de sorte qu’il n’est pas établi qu’actuellement Messieurs … et … … risquent de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables. Il convient par ailleurs de relever qu’ils n’établissent pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à leur encontre du chef d’une éventuelle insoumission, voire qu’un jugement déjà prononcé serait encore effectivement exécuté, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Macédoine et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée par le parlement macédonien en mars 2002. Force est encore de constater que les pièces invoquées par les demandeurs pour soutenir leurs doutes au sujet de l’application effective de la loi d’amnistie ne sauraient être utilement retenues pour invalider la conclusion ci-avant dégagée, étant donné que les pièces en question ne permettent en tout état de cause pas d’établir en quoi les demandeurs y seraient tout particulièrement visés.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 février 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15416
Date de la décision : 18/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-18;15416 ?

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