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18/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15314

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 février 2003, 15314


Tribunal administratif Numéro 15314 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2002 Audience publique du 18 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15314 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2002 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement

à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une dé...

Tribunal administratif Numéro 15314 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2002 Audience publique du 18 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15314 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2002 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 juillet 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 novembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sarah TURK et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 février 2002.

Le 16 janvier 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 27 février 2002, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 31 juillet 2002, notifiée le 5 août 2002, le ministre de la Justice confirma suite au recours gracieux du 18 juillet 2002, sa décision de refus du 29 mai 2002 l’informant de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n'invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le 3 septembre 2002, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation, sinon en annulation contre la décision ministérielle du 31 juillet 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

Quant au fond, Monsieur …, de nationalité macédonienne, mais appartenant à la communauté des Albanais, fait valoir qu’il aurait fuit le service militaire macédonien pour des raisons de conscience valables et afin de rejoindre l’UCK. Il précise qu’il aurait été un membre très actif de l’UCK et qu’à ce titre il aurait participé à de nombreuses attaques et combats. Il se réfère à une inculpation du « tribunal fondamental » d’Ohrid du 11 décembre 2001 qui démontrerait qu’il ferait l’objet de poursuites pénales pour détention d’armes sans autorisation et de matériel explosif et pour la collaboration étroite avec l’armée de la libération nationale (ONA-UCK). Il fait valoir qu’un retour dans son pays serait impossible parce qu’il risquerait d’être mis en prison, l’amnistie gouvernementale laquelle devrait protéger les anciens rebelles albanais n’étant pas efficacement appliquée. Il expose que beaucoup d’entre eux n’oseraient pas revenir dans leurs villes et villages, qu’ils ne pourraient pas reprendre leur travail et qu’ils s’abriteraient dans des villages de montagne. En ce qui concerne la situation actuelle en Macédoine, il relève que chaque nuit on entendrait des coups de feu dans la région au nord de Tétovo et qu’à Skopje le chaos politique règnerait.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition du 27 février 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, concernant le motif invoqué de l’insoumission, il convient de rappeler que celle-ci n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié. Le tribunal constate que l’UCK a rendu les armes et que les dirigeants macédoniens et albanais du pays ont conclu, en août 2001, un premier accord pour tenter de ramener la paix dans le pays, de sorte qu’il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur … risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables.

Il convient par ailleurs de relever que Monsieur … n’établit pas à suffisance de droit qu’une condamnation serait encore susceptible d’être prononcée à son encontre du chef de sa collaboration avec l’UCK, ceci au vu de l’évolution de la situation actuelle en Macédoine et plus particulièrement de la loi d’amnistie votée le 7 mars 2002 par le parlement macédonien et visant les rebelles albanais.

Cette conclusion ne saurait en l’état actuel du dossier être énervée par les considérations avancées par le demandeur tenant au fait que des personnes ayant participé au conflit albano-macédonien seraient encore arrêtées malgré la loi d’amnistie, étant donné que le demandeur ne soumet au tribunal aucun élément concret permettant d’étayer cette affirmation, l’attestation testimoniale versée en cause étant insuffisante à cet égard.

En ce qui concerne l’instabilité politique et sociale invoquée par Monsieur …, il convient de tenir compte du fait que la situation a changé en Macédoine avec la proclamation le 15 novembre 2002 par le Parlement macédonien de la nouvelle Constitution, axe central de l’accord de paix d’Ohrid d’août 2001, qui élargit les droits de la minorité albanaise vivant dans le pays, et avec l’organisation d’élections libres en septembre 2002. En effet, Monsieur … fait état d’un sentiment général d’insécurité sans préciser en quoi sa situation particulière et personnelle risque de constituer un danger sérieux pour sa personne en cas de retour dans son pays.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 18 février 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15314
Date de la décision : 18/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-18;15314 ?

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