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13/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15348

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 février 2003, 15348


Tribunal administratif N° 15348 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 septembre 2002 Audience publique du 13 février 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15348 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2002 par Maître Véronique ACHENNE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

, au nom de Madame …, née le … à Vlore (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…,...

Tribunal administratif N° 15348 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 septembre 2002 Audience publique du 13 février 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15348 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2002 par Maître Véronique ACHENNE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Vlore (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision prise par le ministre de la Justice le 15 mars 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, ainsi que d’une décision confirmative du 18 juin 2002, suite à un recours gracieux de la demanderesse ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Véronique ACHENNE et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 19 avril 1999, Madame … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Madame … fut entendue en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité. Elle fut en outre entendue le 24 mars 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 1er décembre 2000, le ministre de la Justice l’informa que sa demande avait été rejetée.

Un recours gracieux introduit par Madame … par lettre du 16 mars 2001 fut déclaré irrecevable par le ministre de la Justice le 11 mai 2001.

Par requête déposée le 8 juin 2001, Madame … fit introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 1er décembre 2000 et 11 mai 2001.

Par jugement du 9 janvier 2002, le tribunal administratif débouta Madame … de ce recours contentieux au motif qu’elle n’avait pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié.

Le susdit jugement, entrepris par Madame … par un acte d’appel du 4 février 2002, fut confirmé par arrêt de la Cour administrative du 30 avril 2002.

Le 29 janvier 2002, Madame … sollicita auprès du ministre de la Justice une autorisation de séjour « pour raisons humanitaires ».

Par lettre du 15 mars 2002, le ministre de la Justice rejeta cette demande au motif que Madame … ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et qu’elle n’aurait pas justifié l’existence de raisons humanitaires justifiant l’octroi d’un permis de séjour.

A la suite d’un recours gracieux daté du 11 juin 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision du 15 mars 2002 par une décision du 18 juin 2002, au motif que des éléments pertinents nouveaux ne lui auraient pas été soumis.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2002, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles des 15 mars et 18 juin 2002.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

La demanderesse expose qu’elle aurait quitté son pays d’origine, au motif que la vie lui y serait devenue insupportable en raison de risques de persécutions émanant des autorités démocrates au pouvoir à cette époque, étant donné que son père aurait été officier de police pendant le régime communiste et surtout parce qu’après son divorce, des bandes mafieuses l’auraient menacée d’enlever son enfant si elle refuserait de se prostituer pour eux en Italie et que les autorités étatiques ne seraient pas disposées voire se trouveraient dans l’impossibilité de lui assurer une protection efficace.

Concernant son risque actuel, elle soutient qu’en cas de retour en Albanie, elle devrait toujours vivre sous la menace des proxénètes, c’est-à-dire qu’elle serait contrainte de vivre dans la peur « d’être retrouvée par ses bourreaux qui ne manqueraient pas de lui faire subir des traitements cruels et inhumains pour s’être soustraite à leur emprise », de sorte qu’elle devrait bénéficier d’une autorisation de séjour au Luxembourg en application des articles 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le délégué du gouvernement estime que la décision litigieuse serait légalement motivée en ce que la demanderesse n’établirait pas l’existence d’un risque effectif que sa vie serait menacée à l’heure actuelle dans son pays d’origine.

L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, étant entendu qu’il faut considérer la notion de traitement inhumain comme le risque - réel - de subir des souffrances mentales ou physiques d’une certaine intensité.

Au titre de l’article 13 alinéa 1er de la loi précitée du 3 avril 1996, lorsque le statut de réfugié a été refusé, le demandeur d’asile sera éloigné du territoire en conformité avec les dispositions de la loi précitée du 28 mars 1972 et l’alinéa 3 du prédit article prévoit une exception à ce principe « si l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre de la Justice peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu’au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».

S’il est dès lors vrai qu’un risque pour la vie ou l’intégrité physique - dûment justifié -

en cas de retour dans son pays d’origine dans le chef d’un demandeur d’asile débouté est susceptible de constituer une circonstance de fait rendant l’exécution matérielle d’un éloignement immédiat impossible et, par conséquent, de nature à justifier que l’intéressé soit admis à demeurer sur le territoire luxembourgeois jusqu’au moment où la circonstance de fait aura cessé, force est de constater qu’en l’espèce, le ministre de la Justice n’a pas méconnu ni l’article 13 (3) de la loi précitée du 3 avril 1996, ni l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, étant donné qu’il ne ressort d’aucun élément de preuve tangible qu’à l’heure actuelle, la vie de l’intéressée soit menacée en cas de retour en Albanie et que les nouvelles autorités qui y sont au pouvoir ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de l’Albanie ou tolèrent voire encouragent des agressions notamment de la part de bandes mafieuses. – Dans ce contexte, le représentant étatique relève encore à bon droit que même en admettant la véridicité des allégations de la demanderesse, l’on voit mal en quoi les problèmes avec des proxénètes qu’elle expose avoir connus en 1997 puissent encore être d’actualité et il convient d’ajouter qu’il est également difficilement concevable que lesdits problèmes aient une dimension géographique dépassant le cadre local pour s’étendre sur l’entièreté de l’Albanie.

Il suit des considérations qui précèdent que la décision ministérielle est légalement fondée et que la demanderesse est à débouter de son recours.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 13 février 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15348
Date de la décision : 13/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-13;15348 ?

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