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12/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15900

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2003, 15900


Tribunal administratif N° 15900 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2003 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15900 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2003 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Pristina (Kosovo/Yougosl...

Tribunal administratif N° 15900 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 janvier 2003 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15900 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 janvier 2003 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Pristina (Kosovo/Yougoslavie), et de son épouse, Madame …, née le ::: à Pristina, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 23 octobre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du 19 décembre 2002, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Edmond DAUPHIN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Les époux … et …, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, introduisirent en date du 16 septembre 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».Ils furent entendus en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Les époux …-… furent en outre entendus séparément en date du 10 octobre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice les informa, par lettre du 23 octobre 2002, notifiée en date du 5 novembre 2002, par voie de lettre recommandée, que leur demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre domicile le 6 ou le 7 septembre 2002 pour aller d’abord en Albanie. De là, vous avez pris un bateau jusqu’en Italie et vous avez ensuite poursuivi votre chemin jusqu’au Luxembourg, via la France, en camionnette.

Vous avez déposé vos demandes en obtention du statut de réfugié le 16 septembre 2002.

Monsieur, vous exposez que vous n’auriez pas été appelé au service militaire.

Vous ne seriez pas non plus membre d’un parti politique.

Vous dites que vous avez quitté le Kosovo pour des raisons économiques. En effet, vous auriez travaillé comme apprenti mécanicien, mais, il y a environ sept ou huit mois, vous avez quitté votre travail car votre employeur ne pouvait plus vous payer. Vous auriez alors vécu d’expédients, mais vous dites que vous n’aviez même pas de quoi nourrir vos enfants.

Vous, Madame, vous confirmez les dires de votre mari. Vous ajoutez que vous seriez en mauvaise santé suite à une opération du nez pratiquée à Pristine et qui vous laisserait des séquelles désagréables.

Ni l’un ni l’autre, vous n’avez fait l’objet de persécution, de mauvais traitement ni de discrimination.

Je vous informe d’abord que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Je constate que vous reconnaissez vous-même que vos demandes d’asile sont basées sur des motifs purement économiques et que vous subissez aucune persécution dans votre pays.

Vos demandes ne répondent donc à aucun des critères de fond définis dans le cadre de l’article 1er A,2 de la Convention précitée, mais constituent un recours abusif aux procédures en matière d’asile.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont donc refusées comme manifestement infondées au sens de l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

A la suite d’un recours gracieux daté du 5 décembre 2002, dirigé contre la décision précitée du 23 octobre 2002, adressé au ministre de la Justice, ce dernier confirma la décision initiale par une décision du 19 décembre 2002.

Par requête déposée en date du 21 janvier 2003, les époux …-…, agissant tant en leur nom personnel qu’en celui de leurs enfants mineurs …, ont introduit un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 23 octobre et 19 décembre 2002.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs reprochent au ministre de la Justice de ne pas avoir correctement appliqué l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève au motif que la vie dans leur pays d’origine leur serait intolérable en raison de leur appartenance au groupe social des Albanais du Kosovo qui feraient l’objet d’une exclusion sociale pure et simple et qui se trouveraient « devant un néant ». A cela s’ajoute que Madame … souffrirait, suite à une intervention chirurgicale, de céphalées posttraumatiques qui nécessiteraient un suivi médical qui ne pourrait avoir lieu que dans un pays médicalement et technologiquement équipé comme le Luxembourg.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 93, p. 199 et autres références y citées).

Il convient de relever en premier lieu que la demande d’asile des demandeurs a été refusée au motif que leur demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié politique ne répondait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Force est de constater que les faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande d’asile ont trait, tel que cela ressort plus particulièrement des deux procès-

verbaux d’audition du 10 octobre 2002, à des problèmes économiques dans leur pays d’origine, notamment en raison du fait que Monsieur … a quitté son travail, étant donné qu’il n’était plus payé, que par la suite, il n’arrivait plus à retrouver du travail et à nourrir ses enfants. De son côté, Madame … a confirmé que le départ de son pays d’origine serait motivé par le fait qu’elle n’aurait pas les moyens d’élever ses enfants et que la famille n’aurait même pas de quoi manger.

Il se dégage des déclarations effectuées par les demandeurs auxquelles il est fait référence ci-dessus, que, comme l’a retenu à bon droit le ministre de la Justice, la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que ladite demande a été rejetée comme étant manifestement infondée.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que Madame … souffrirait, consécutivement à une intervention chirurgicale, de céphalées posttraumatiques nécessitant un suivi médical, étant donné que ce fait, à le supposer établi, ne rencontre pas non plus un des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande d’asile des demandeurs comme étant manifestement infondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 février 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15900
Date de la décision : 12/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-12;15900 ?

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