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12/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15891

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2003, 15891


Tribunal administratif N° 15891 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2003 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15891 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’O

rdre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Nishevc (Kosovo/Yougoslavie), demeurant...

Tribunal administratif N° 15891 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 janvier 2003 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15891 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 janvier 2003 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Nishevc (Kosovo/Yougoslavie), demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 4 novembre 2002, notifiée le 18 novembre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du 19 décembre 2002, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 février 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … introduisit en date du 23 septembre 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur … fut en outre entendu le 23 octobre 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre recommandée du 4 novembre 2002, notifiée le 18 novembre 2002, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre domicile le 16 septembre 2002 pour aller successivement au Monténégro, en Albanie, en Italie, en Autriche, en Allemagne et finalement au Luxembourg où vous êtes arrivé le 23 septembre 2002.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 23 septembre 2002.

Vous expliquez que vous auriez été appelé au service militaire en 1995, mais que vous n’y seriez pas allé. Vous auriez par la suite été recherché, mais vous ne pensez pas qu’actuellement encore des sanctions pour insoumission vous attendent.

Vous n’auriez été membre d’aucun parti politique.

Vous vous dites traumatisé par la guerre du Kosovo, à laquelle vous n’avez cependant pas participé, mais vous ajoutez qu’actuellement vous ne craignez plus rien dans votre pays.

Vous insistez sur le fait que vous n’aviez pas trouvé de travail au Kosovo et que vous viviez de l’aide humanitaire.

Je vous informe d’abord que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je vous rends attentif au fait que, pour invoquer l’article 1er A,2 de la Convention de Genève, il faut une crainte justifiée de persécutions en raison de vos opinions politiques, de votre race, de votre religion, de votre nationalité ou de votre appartenance à un groupe social et qui soit susceptible de vous rendre la vie intolérable dans votre pays.

Par contre, selon l’article 9, alinéa 1 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. » Je constate que vous reconnaissez vous-même que votre demande d’asile est basée sur des motifs économiques.

Votre demande ne répond donc à aucun des critères de fonds définis dans le cadre de l’article 1er A,2 de la Convention précitée, mais constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est donc refusée comme manifestement infondée au sens de l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève ».

Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 16 décembre 2002 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 19 décembre 2002.

Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 4 novembre et 19 décembre 2002 par requête déposée le 20 janvier 2003.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir fait une appréciation erronée des faits d’espèce, en ce sens que c’est à tort qu’il serait arrivé à la conclusion que les faits relatés ne justifieraient pas une crainte justifiée de persécution en raison de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou d’une croyance religieuse, au motif que tel ne serait pas le cas, dans la mesure où il se serait retrouvé profondément perturbé par les exactions commises au courant des années 1998 et 1999 par les Serbes dans la province du Kosovo, perturbations qui seraient confirmées par un certificat médical du Dr.

A. M. du 2 décembre 2002, d’après lequel il présenterait une névrose traumatique en relation avec les évènements de guerre vécus au Kosovo.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 93, p. 199 et autres références y citées).

Il convient de relever en premier lieu que la demande d’asile du demandeur a été refusée au motif que sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié politique ne répondait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Force est de constater que les faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’asile ont trait, pour l’essentiel, tel que cela ressort plus particulièrement du procès-

verbal d’audition du 23 octobre 2002, à des motifs économiques notamment en raison du fait qu’il n’aurait pas trouvé de travail, qu’il devrait vivre de l’aide humanitaire distribuée par les ONG et qu’il voudrait « pouvoir travailler au Luxembourg pour avoir de quoi construire une maison chez moi et y retourner vivre ».

Il se dégage des déclarations effectuées par le demandeur auxquelles il est fait référence ci-dessus, que, comme l’a retenu à bon droit le ministre de la Justice, sa demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que ladite demande a été rejetée comme étant manifestement infondée.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le contenu du certificat du Dr. A. M. du 2 décembre 2002, étant donné que, même s’il est compréhensible que le demandeur soit traumatisé à la suite des évènements de guerre vécus au Kosovo, il n’a pas fait état ni de faits personnels concrets excluant un retour dans son pays d’origine ni encore d’une quelconque crainte de persécution actuelle dans son pays d’origine permettant d’établir qu’il aurait valablement pu se fonder sur l’un des critères prévus par la Convention de Genève en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 février 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15891
Date de la décision : 12/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-12;15891 ?

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