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12/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15316

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2003, 15316


Tribunal administratif N° 15316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2002 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de chasse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15316 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2002 par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoca

ts à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L…, tendant à la réformation d’une décision prise par ...

Tribunal administratif N° 15316 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 septembre 2002 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de chasse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15316 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2002 par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L…, tendant à la réformation d’une décision prise par le ministre de l’Environnement en date du 8 août 2002, par laquelle il a approuvé la délibération du syndicat de chasse de … du 11 mai 2002 portant décision du principe et du mode de relaissement du lot de chasse n° 016 du syndicat de chasse de … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique du 22 novembre 2002 déposé au greffe du tribunal administratif au nom et pour compte de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-

Paul REITER en ses plaidoiries.

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A la suite d’une convocation du 22 avril 2002, le syndicat de chasse de …, en son assemblée générale du 11 mai 2002 approuva le principe du relaissement du lot de chasse n° 016 et se prononça pour une prorogation du bail de chasse en faveur des locataires sortants.

Ledit bail de chasse a été signé le même jour pour neuf années couvrant la période du 1er août 2003 au 31 juillet 2012.

Suite à l’avis d’approbation du 22 mai 2002 du commissaire de district de Diekirch et à l’avis d’approbation du 22 juillet 2002 du directeur des Eaux et Forêts, le ministre de l’Environnement, par décision du 8 août 2002, approuva la délibération de l’assemblée générale du syndicat de chasse de … du 11 mai 2002 portant décision du principe et du mode de relaissement du lot de chasse n° 016, ainsi que le bail de chasse conclu le même jour pour la période allant du 1er août 2003 au 31 juillet 2012.

Ladite décision d’approbation ministérielle du 8 août 2002 fût publiée par voie d’affiche en date du 19 août 2002 conformément à l’article 3 alinéa 7 de la loi du 20 juillet 1925 sur l’amodiation de la chasse et l’indemnisation des dégâts causés par le gibier, ci-après dénommée « la loi de 1925 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 septembre 2002, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 8 août 2002.

Aux termes de l’article 3 alinéa 8 de la loi de 1925 : « il est ouvert à tout propriétaire de la section intéressée un recours au Conseil d’Etat Comité du Contentieux contre la décision du ministre compétent sur le principe du relaissement ; le Conseil d’Etat statuera avec juridiction directe. Ce recours devra être introduit dans la quinzaine de la notification aux intéressés par voie d’affiche aux lieux usités dans la commune pour les publications officielles ».

Concernant la compétence d’attribution du tribunal saisi en relation avec cette terminologie de « juridiction directe », il convient de préciser que chaque fois que ce terme se rencontre dans la législation et jurisprudence ancienne, il signifie recours et juridiction au fond par opposition au recours en annulation (v. Alex BONN, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, éd. 1966, p. 112 ; contra C.E. 15 juillet 1994, n° 9042 du rôle, non publié).

Comme le recours contentieux a été déposé en date du 3 septembre 2002, soit dans le délai de 15 jours à partir de la notification de la décision entreprise par voie d’affiche en date du 19 août 2002, tel que cela ressort de l’avis de publication versé aux débats, et comme le recours en réformation a été introduit dans les formes prévues par la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse :

- conteste la régularité du procès-verbal de l’assemblée générale du 11 mai 2002 approuvé par le ministre de l’Environnement au motif qu’« il y a lieu à craindre que ledit procès-verbal ne renseigne pas de l’opposition émise par … au principe de relaissement », opposition qu’elle aurait fait parvenir en temps utile audit syndicat de chasse ;

- affirme, en se basant sur l’arrêt Chassagnou rendu par la Cour européenne des droits de l’homme en date du 29 avril 1999, que les dispositions de la loi de 1925 violent de manière flagrante et à divers titres la Convention européenne des droits de l’homme, ci-après dénommée « la Convention », et plus précisément, 1) l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention, pris isolément, par le fait de l’apport forcé de sa propriété au syndicat de chasse de … ;

2) l’article 1er du Protocole n° 1, combiné avec l’article 14 de la Convention, en ce que la loi de 1925 distinguerait entre certaines catégories de propriétaires, à savoir les propriétaires de terrains de moins de 250 hectares et les propriétaires de terrains de 250 hectares au moins et en ce que la loi exclurait du district de chasse les biens de la Couronne ;

3) l’article 11 de la Convention en ce que la loi de 1925 constituerait une ingérence intolérable dans la liberté d’association dite négative en imposant à tout propriétaire d’une certaine catégorie de terrains à être membre de droit d’un syndicat de chasse.

Elle estime que partant la décision ministérielle entreprise devrait être réformée en ce qu’elle a approuvé la délibération du syndicat de chasse de … du 11 mai 2002, sinon subsidiairement ne devrait être approuvée qu’avec la réserve que le terrain lui appartenant ne pouvait pas être inclus dans le lot de chasse au sujet duquel le principe du relaissement a été arrêté.

Le délégué du gouvernement, après avoir conclu à la régularité du déroulement de la procédure ayant conduit à la décision d’approbation ministérielle entreprise sollicite le rejet du recours. Ce faisant, le représentant étatique examine en détail l’argumentation de la demanderesse par rapport aux considérations de l’arrêt Chassagnou et estime que même si la Cour européenne des droits de l’homme dans son prédit arrêt a retenu une atteinte au droit de propriété en violation de l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention, de même qu’une atteinte à la liberté d’association contraire à l’article 11 de la Convention et l’existence d’une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention, les principes dégagés par cette jurisprudence ne seraient pas transposables pour le Luxembourg, étant donné que le régime de chasse luxembourgeois, tel que réglementé par la loi de 1925, différerait du régime de chasse existant dans les départements français où la loi française du 10 juillet 1964, dite « loi Verdeille » serait d’application et dont le régime a été déclaré contraire aux principes énoncés par la Convention.

Le représentant étatique insiste plus particulièrement sur le fait qu’au Luxembourg, les propriétaires d’un lot de chasse touchent une compensation financière, que contrairement aux affirmations de la demanderesse, il n’y a pas de différence faite entre les petits et grands propriétaires, y compris les terrains de l’Etat, des communes et des établissements publics, et qu’il n’y a pas non plus appartenance forcée à une association de chasse. De même, la loi de 1925 ne saurait être regardée comme une mesure disproportionnée eu égard à l’intérêt général poursuivi et qu’elle rencontrerait parfaitement un des objectifs affirmés par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Chassagnou en ce qu’ « il est assurément dans l’intérêt général d’éviter une pratique anarchique de la chasse et de favoriser une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique ». Partant, le recours de la demanderesse serait à rejeter.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse insiste encore une fois sur le non-

respect du formalisme tel que prescrit par la loi de 1925, sur l’inégalité devant la loi, contraire à l’article 10 bis de la Constitution, en ce que les terrains de la Couronne seraient exclus d’office des syndicats de chasse, sur son adhésion forcée au syndicat de chasse de …, contraire à l’article 11 de la Convention et sur l’absence de l’intérêt général susceptible de justifier le « démantèlement du droit de propriété », pour conclure au bien-fondé de son recours.

Concernant la matérialité des faits en relation avec les formalités telles que prescrites par la loi de 1925, il est exact que le procès-verbal de l’assemblée générale du 11 mai 2002 renseigne à tort que cette dernière se serait prononcée avec 11 voix contre 0 pour le relaissement de la chasse pour une période de 9 ans, la demanderesse s’étant en effet prononcée contre pareil relaissement par déclaration écrite. Dans ce contexte, c’est cependant à tort que la demanderesse soutient dans son mémoire en réplique que la prédite assemblée générale se serait prononcée avec 11 voix contre 6 pour le relaissement de la chasse, le tribunal arrivant à la conclusion au vu du procès-verbal litigieux, que le chiffre manuscrit y figurant, pouvant ressembler effectivement au chiffre 6, correspond en réalité au chiffre 0, interprétation d’ailleurs corroborée par la deuxième page dudit procès-verbal.

S’il est encore exact que le dossier administratif ne renseigne pas quant à la tenue d’un registre spécial dans lequel les déclarations de consentement ou d’opposition ont été inscrites, formalité prévue à l’article 3 alinéa 4 de la loi de 1925, il n’en reste pas moins le juge peut accepter de ne pas considérer comme une source d’illégalité l’inobservation de règles de procédure, lorsqu’il apparaît que le manquement à une règle procédurale a été insusceptible d’avoir une influence sur la décision prise ou d’avoir privé des intéressés de garanties auxquelles ils avaient droit (v. René Chapus, Droit administratif général, Tome I, Ed.

Monchrestien, 10ième éd., n° 1052-2, p. 942).

En l’espèce, force est de constater que, mise à part le fait relevé ci-avant que la demanderesse était la seule opposante au principe du relaissement, le dossier démontre à l’exclusion de tout doute que son opposition écrite a été prise en considération, contrairement à l’hypothèse d’une opposition orale pour laquelle aucune trace n’aurait existé, à défaut de tenue d’un registre spécial. Pour le surplus, le résultat du scrutin du syndicat de chasse de … du 11 mai 2002 fut rectifié par le commissaire de district de Diekirch dans son courrier du 22 mai 2002, dans lequel ce dernier faisait expressément référence à la déclaration écrite d’opposition de Madame … du 5 mars 2002. Partant, c’est à tort que la demanderesse soutient que son opposition ne ressortirait pas du dossier et n’aurait partant pas pu être prise en considération. Il s’ensuit que le moyen tiré du non-respect du formalisme inscrit à la loi de 1925 est à abjuger.

Quant à la légalité interne de la décision entreprise, la demanderesse soulève en premier lieu la violation de l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention pris isolément, en raison de l’apport forcé de sa propriété au syndicat de chasse de ….

L’article 1er du Protocole n° 1 dispose que : « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».

Aux termes du prédit arrêt Chassagnou, « une mesure d’ingérence doit ménager un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. La recherche de pareil équilibre se reflète dans la structure de l’article 1 tout entier, donc aussi dans le second alinéa; il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En contrôlant le respect de cette exigence, la Cour reconnaît à l’Etat une grande marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause » (v. arrêt Chassagnou, n° 75).

Il échet de rappeler que l’intérêt général poursuivi consiste « à éviter une pratique anarchique de la chasse et une gestion rationnelle du patrimoine cynégétique » (v. arrêt Chassagnou, n° 79). Dès lors, il s’agit plus précisément de déterminer si les dispositions inscrites à la loi de 1925 ne constituent pas une mesure disproportionnée eu égard à l’intérêt général, tel que décrit ci-avant.

Il convient tout d’abord de relever que la circonstance que des terres appartenant à la demanderesse ont été incluses dans le district de chasse n° 016 du syndicat de chasse de … n’a pas privé Madame … de sa propriété, mais a seulement apporté des limitations à son droit d’usage de celle-ci, conformément aux règles édictées par la loi de 1925. En effet, des trois attributs classiques du droit de propriété, seul l’« usus » est atteint, l’« abusus » ne l’est pas, et le « fructus » ne l’est pas non plus. A cela s’ajoute que la loi de 1925, afin de compenser la perte temporaire de l’ « usus », prévoit en son article 7 que le prix de location perçu par les soins du collège des syndics est réparti entre les propriétaires intéressés au prorata des terrains loués qu’ils possèdent dans le district. Finalement, et contrairement au système français tel que décrit dans l’arrêt Chassagnou, la loi de 1925 prévoit explicitement que le syndicat de chasse doit se prononcer tous les neuf ans pour ou contre le principe du relaissement du droit de chasse sur son territoire, de sorte que, conformément à l’article 1er alinéa 2 de la loi de 1925, une majorité de propriétaires représentant au moins les deux tiers de la superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie, pourront s’y opposer.

Il s’ensuit que le système tel qu’instauré par la loi de 1925, en ce qu’il prévoit que toutes les propriétés non bâties, rurales et forestières, comprises dans le territoire d’une section électorale d’une commune formeront un district de chasse et que les propriétaires sont constitués de par la loi en syndicat de chasse, ne rompt pas le juste équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention est à rejeter.

La demanderesse soutient ensuite que les dispositions de la loi de 1925 sont discriminatoires en raison de la distinction contenue dans la loi de 1925 entre certaines catégories de propriétaires, à savoir les propriétaires de moins de 250 hectares et ceux d’au moins 250 hectares, et en excluant d’autre part du district de chasse les biens de la Couronne.

A ce titre, elle invoque une violation de l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention combinée avec l’article 14 de la Convention, qui dispose que « la jouissance des droits et libertés reconnus dans la (…) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».

Il convient de rappeler en premier lieu que le principe de non-discrimination posé à l’article 14 de la Convention, tout comme à l’article 10 bis de la Constitution, ne s’oppose pas à ce que des personnes se trouvant dans des situations différentes soient régies par des règles différentes.

Pour le surplus, l’article 14 de la Convention n’a pas d’existence autonome, mais joue un rôle important de complément des autres dispositions de la Convention et des protocoles, puisqu’il protège les individus, placés dans des situations analogues, contre toute discrimination dans la jouissance des droits énoncés dans ses autres dispositions.

La discrimination alléguée par la demanderesse tient tout d’abord à la différence faite par la loi de 1925 entre le propriétaire de moins de 250 hectares et le propriétaire de terrains d’au moins 250 hectares, qui lui a le droit d’exiger que toute sa propriété rentre dans un seul lot de chasse. Or, concernant ce point précis, le souci du législateur a été, dans l’intérêt général, de constituer des territoires cynégétiques suffisamment grands afin d’assurer une gestion efficace des lots de chasse en définissant un seuil raisonnable quant à la superficie qu’un lot de chasse doit posséder, tout en respectant les propriétés d’un seul tenant suffisamment grandes pouvant à elles seules remplir les conditions ainsi fixées pour constituer un lot de chasse sans l’ajout d’autres terrains. Ceci ne veut cependant pas dire que le propriétaire d’un terrain d’au moins 250 hectares a la possibilité de décider à lui tout seul que sa propriété ne sera pas incluse dans un lot de chasse, étant donné que l’article 1er alinéa 10 de la loi de 1925 prévoit que même si ce propriétaire a le droit d’exiger que toute sa propriété rentre dans un seul lot de chasse, le lot en question pourra cependant comprendre aussi d’autres propriétés suivant décision des syndicats. Or, comme relevé ci-avant, le droit de chasse est par principe relaissé, à moins que le syndicat n’en décide autrement par une majorité représentant au moins les deux tiers de la superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie, disposition qui prescrit partant qu’un seul propriétaire puisse retirer sa propriété du lot de chasse en question.

Sur ce, le tribunal arrive à la conclusion que la distinction instaurée par la loi de 1925 entre « grands » et « petits » propriétaires ne heurte pas l’article 1er du Protocole n° 1 de la Convention combine avec l’article 14 de la Convention.

Il en est de même de la prétendue discrimination en raison de l’exclusion du district de chasse des biens de la Couronne, étant donné que ni l’article 14 de la Convention, ni l’article 10 bis de la Constitution, comme rappelé ci-avant, ne s’opposent à ce que des personnes se trouvant dans des situations différentes soient régies par des règles différentes. Or, le système monarchique luxembourgeois et les dispositions constitutionnelles afférentes placent le Grand-Duc, sous certains rapports, au-dessus ou plutôt en dehors du droit commun. Sa situation juridique est déterminée par le caractère représentatif de sa fonction, la constitutionnalité de ses pouvoirs, l’inviolabilité de sa personne, son irresponsabilité, ainsi que par les dispositions spéciales concernant ses droits patrimoniaux et la liste civile (v. Pierre Majerus, L’Etat luxembourgeois, 6ième édition, p. 147). Plus précisément, les biens mobiliers et immobiliers composant la fortune privée de la Maison grand-ducale ne sont pas soumis au droit commun. Ils sont régis par les statuts de la famille de la Maison de Nassau et par les dispositions prises ou à prendre en vertu de ces statuts. La possession, l’administration, le contrôle et les revenus de la fortune privée de la Maison grande-ducale appartiennent exclusivement au détenteur de la Couronne, l’Etat ne peut d’aucune façon s’ingérer dans la gestion de la fortune privée de la Maison grand-ducale (voir Pierre Majeurs, précité, p. 149).

En raison de cette situation objectivement différente, la violation alléguée de la demanderesse sous ce rapport est également à écarter.

Concernant finalement la violation alléguée de l’article 11 de la Convention consistant en une ingérence dans la liberté d’association dite négative, en ce que la demanderesse serait contrainte de par la loi de 1925 à être membre d’un syndicat de chasse, il convient tout d’abord de relever que cette contrainte n’est pas absolue, étant donné qu’une majorité des propriétaires représentant au moins les deux tiers de la superficie des terrains ou les deux tiers des intéressés représentant plus de la moitié de la superficie d’un lot de chasse ont la possibilité de s’opposer au relaissement du droit de chasse sur leur propriété et peuvent partant également s’opposer à être membre de droit du syndicat litigieux.

D’autre part, contrairement au système français, tel que sanctionné par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Chassagnou, la qualité de membre de droit dans un syndicat de chasse pèse au Luxembourg sur tous les propriétaires, y compris l’Etat, les communes et les établissements publics, le système étant en effet unifié pour tout le pays, et la loi de 1925 ne fait pas de distinction à ce niveau entre les petites et grandes propriétés. Le tribunal arrive dès lors à la conclusion sur ce point que la qualité de membre « forcé » du syndicat de chasse de … dans le chef de Madame … et la prétendue atteinte au droit négatif d’association en découlant est à considérer comme proportionnée eu égard à l’intérêt général poursuivi prérelaté.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 11 de la Convention est également à écarter.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter dans son intégralité comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 février 2003 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15316
Date de la décision : 12/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-12;15316 ?

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