La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2003, 15238


Tribunal administratif N° 15238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2002 Audience publique du 12 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et une décision du ministre des Finances en matière de changement d’affectation

---------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du

14 août 2002 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d...

Tribunal administratif N° 15238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 août 2002 Audience publique du 12 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et une décision du ministre des Finances en matière de changement d’affectation

---------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 août 2002 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, conseiller de direction adjoint auprès de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines du 6 février 2002 l’informant qu’il reste dans son bureau actuel et le déchargeant de ses fonctions de « contractual manager », ainsi que d’une décision implicite de refus du ministre des Finances se dégageant du silence de plus de trois mois par lui observé suite à la réclamation de Monsieur … du 19 février 2002 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2002 par Maître André LUTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Yves TAPPELA, en remplacement de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 30 octobre 2002 portant signification de ce mémoire à Monsieur … au domicile élu par lui en l’étude de Maître Jean-

Marie BAULER;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2002 par Maître Jean-Marie BAULER au nom de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2002 par Maître André LUTGEN pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre BIEL, demeurant à Luxembourg, du 27 décembre 2002 portant signification de ce mémoire à Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Marie BAULER en ses plaidoiries à l’audience publique du 8 janvier 2003.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Par décision du directeur de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, ci-

après désigné par « le directeur », matérialisée par deux courriers datant respectivement du 3 et du 15 décembre 2000, Monsieur … fut changé d’affectation à travers sa mutation à partir de la direction de l’Enregistrement « au service du contrôle extérieur de l’administration », le service ainsi désigné étant suivant son intitulé exact le « service d’imposition et de contrôle de l’impôt sur la valeur ajoutée et de l’impôt sur les assurances, section du contrôle des redevables des mêmes impôts ».

Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de ladite décision par requête déposée en date du 7 février 2001 s’est soldé par un jugement du tribunal administratif inscrit sous le numéro 12873a du rôle datant du 21 janvier 2002, aux termes duquel la décision litigieuse du directeur, concrétisée par ses courriers des 3 octobre et 15 décembre 2000, fut annulée pour violation de la loi. Ledit jugement n’ayant pas été frappé d’appel, Monsieur …, par l’intermédiaire de son mandataire, sollicita sa réintégration dans son ancien bureau et dans ses fonctions antérieurement exercées par courrier du 29 janvier 2002.

En date du 6 février 2002, le directeur refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« Etant donné que vous n’étiez pas d’accord avec ma décision de travailler au sein du Service Anti-Fraude, j’ai le regret de vous informer que vous ne déménagerez provisoirement pas dans le nouveau bâtiment « Omega » dans lequel seront regroupés une partie des services de l’administration. Vous resterez dans votre bureau actuel.

Mis à part les attributions de « contractual manager » qui resteront dans le Service Anti-Fraude c’est-à-dire aux mains de Monsieur …, vous êtes réhabilité dans toutes les attributions que j’ai dû déléguer à d’autres fonctionnaires en cours de votre maladie ».

Par courrier datant du 19 février 2002, Monsieur … s’adressa au ministre des Finances pour lui soumettre, conformément aux dispositions de l’article 33 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par « le statut général », une réclamation contre la décision précitée du directeur du 6 février 2002.

Faute de prise de position du ministre dans les trois mois par rapport à cette réclamation, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) de la décision du directeur précitée du 6 février 2002, ainsi que 2) de la décision implicite de refus du ministre se dégageant de son silence pendant plus de trois à partir de la réclamation prévisée du 19 février 2002.

Les questions de procédure étant à toiser avant celles touchant le fond du litige, il y a lieu d’examiner d’abord le moyen soulevé par l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg dans son mémoire en duplique tendant à voir écarter des débats le mémoire en réplique déposé par la partie demanderesse en date du 27 novembre 2002.

La partie défenderesse se prévaut à cet égard des dispositions des alinéas (5) et (6) de l’article 5 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives pour soutenir que le mémoire en réplique ne lui aurait pas été communiqué dans les formes prévues par la loi et dans le délai d’un mois à partir de la communication de son mémoire en réponse à la partie demanderesse.

Il relève plus particulièrement que dans l’hypothèse où l’Etat est représenté non pas par un délégué du Gouvernement, mais par un mandataire constitué, les mémoires de la partie adverse, conformément aux dispositions des articles 8 (1) et 10 de la prédite loi du 21 juin 1999, seraient à communiquer à celui-ci soit moyennant signification par ministère d’huissier, soit par notification par voie postale, soit encore par voie directe, mais qu’en l’espèce, le mandataire du demandeur a déposé son mémoire en réplique en date du 27 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif sans pour autant procéder à sa communication au mandataire de l’Etat suivant l’un des modes prévus par la loi.

Il est constant que l’article 10 de la loi du 21 juin 1999 précitée dispose d’une manière générale que les communications entre avocats constitués peuvent être faites moyennant signification par ministère d’huissier ou notification par voie postale ou par voie directe, dressant ainsi un éventail de possibilités de communication auxquelles les avocats constitués peuvent avoir recours en matière de procédure devant les juridictions administratives.

L’article 8 (1) de la même loi dispose de son côté que le dépôt et la signification des mémoires en réponse, en réplique et en duplique produits par les parties autres que le délégué du Gouvernement se font d’après les règles fixées aux articles 2 et 4 pour la requête introductive.

Dans la mesure où la question litigieuse a trait précisément à la production d’un mémoire en réplique par « une partie autre que le délégué du Gouvernement », ainsi définie par les dispositions prérelatées de l’article 8 (1) de la loi de procédure, il y a dès lieu de se référer aux dispositions notamment de l’article 4 de la même loi, auxquelles il est expressément renvoyé à ce sujet.

L’hypothèse spécifique, vérifiée en l’espèce, où la partie défenderesse est l’Etat, étant expressément prévue par l’article 4 (3) de la loi du 26 juin 1999 précitée qui dispose que « le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat. Il en est de même pour le dépôt des mémoires subséquents », il y a lieu de constater que la loi prévoit ainsi de manière expresse et non équivoque que par rapport à l’Etat pris en sa qualité de partie défenderesse, le simple dépôt tant de la requête que des mémoires subséquents vaut signification, sans opérer de distinction suivant que l’Etat est représenté par un avocat ou par un délégué du Gouvernement.

Dans la mesure où l’article 10 de la loi du 21 juin 1999 précitée, invoqué par l’Etat à l’appui de son moyen sous examen, traite d’une manière générale des communications entre avocats constitués, sans distinguer suivant la nature des parties représentées, tandis que l’article 4 (3) de la même loi, auquel il est expressément renvoyé par la loi au sujet de la signification des mémoires, énonce une règle de procédure précise en matière de signification ayant trait à l’hypothèse spécifique où l’Etat est partie défenderesse, il y a dès lors lieu d’admettre que ces dernières dispositions sont à considérer comme étant spéciales et partant dérogatoires par rapport à celles prévisées de l’article 10 de la même loi, ceci au-delà de toute question susceptible de se poser par ailleurs quant au principe de l’égalité des armes entrevu notamment à partir du privilège procédural ainsi accordé à l’Etat, cette question n’ayant pas été autrement évoquée en cause.

Le mémoire en réplique de la partie défenderesse ayant été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 novembre 2002, soit dans le mois de la signification du mémoire en réponse de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ledit mémoire n’est partant pas à écarter pour cause de dépôt tardif, voire de défaut de signification valable à l’Etat. Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que la partie défenderesse ne s’est vue communiquer ledit mémoire en réplique qu’en date du 6 décembre 2002 par la voie du greffe, l’incidence de cette date de communication étant limitée au seul point de départ du délai conféré à la partie défenderesse pour dupliquer à son tour.

1. Concernant le recours dirigé contre la décision directoriale du 6 février 2002 A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision de lui retirer les fonctions de « contractual manager » serait à considérer comme un changement de fonctions au sens du statut général en ce que cette décision emporterait la perte dans son chef de la direction de la maintenance du projet ESKORT et que, conformément aux dispositions de l’article 6 du statut général, un changement de fonctions ne pourrait être effectué que par l’autorité investie du pouvoir de nomination, de sorte que le directeur n’aurait eu aucune compétence pour prendre la décision litigieuse.

Le demandeur conclut ensuite à une violation du principe de l’autorité de la chose jugée en faisant valoir que même à supposer que le directeur ait eu compétence pour procéder à un tel changement de fonctions, quod non, cette décision ainsi que celle de son maintien au service de contrôle extérieur seraient constitutives d’une violation flagrante du jugement rendu par le tribunal administratif en date du 21 janvier 2002 (n° 12873a du rôle) en ce sens que la décision de le maintenir dans son bureau actuel, rue du Plébiscite, ne ferait que confirmer son affectation au service du contrôle extérieur, affectation qui aurait pourtant été annulée par le jugement prévisé. Il fait valoir en outre que seules deux de ses attributions auraient été déléguées à d’autres fonctionnaires au cours de son congé de maladie, à savoir la maintenance du projet ESKORT et celle de responsable Euro, étant entendu qu’en ce qui concerne le volet externe de la fonction de responsable Euro, à savoir les participations aux réunions du groupe de coordination et aux tables rondes, force serait de constater que la dernière réunion du groupe de coordination aurait eu lieu le 20 janvier 2001 et qu’aucune réunion aux tables rondes n’aurait eu lieu en 2001 et 2002. Quant au volet interne de cette fonction, le demandeur relève que sa mutation illégale au service du contrôle extérieur y aurait mis un terme en date du 1er janvier 2001 et que cette situation aurait été connue par le directeur au plus tard en date du 29 juin 2001. Il estime qu’au vu du fait que plusieurs attributions lui auraient été retirées, dont notamment la délégation de signature pour la correspondance journalière, et qu’il lui serait impossible d’en exercer d’autres, notamment la délégation de signature pour certains actes administratifs et la surveillance générale des deux services de direction, en raison de la localisation de son bureau, force serait de constater qu’il ne disposerait plus, depuis le 1er janvier 2001, d’aucune compétence, ni attribution professionnelle et que le directeur n’aurait pas pu valablement procéder de la sorte sans violer de manière flagrante le jugement du tribunal intervenu en date du 21 janvier 2002.

Le demandeur fait valoir ensuite que la décision litigieuse serait constitutive d’une sanction disciplinaire cachée et serait, en tant que telle, contraire aux dispositions des articles 51, 52 et 56 du statut général, étant donné que les arguments invoqués pour justifier sa non-

réintégration dans ses fonctions initiales seraient démunis de tout fondement objectif. Il relève à titre d’exemple non exhaustif que le service anti-fraude auquel se réfère le directeur n’existerait pas juridiquement et qu’il ressortirait clairement des circonstances de l’espèce et des pièces versées que le comportement du directeur à son égard remonterait au 18 février 2000, date à laquelle il aurait informé Monsieur BLESER par écrit de son refus de rédiger un rapport de complaisance à son profit dans l’affaire … c/ Enregistrement.

L’Etat du Grand-Duché de Luxembourg fait rétorquer que l’attribution de « contractual manager » du système ESKORT aurait été retirée à Monsieur … non pas par la décision litigieuse du 6 février 2002, mais par décision du 5 février 2001 à travers laquelle ladite attribution fut confiée à un autre fonctionnaire. Il signale que la décision ainsi visée du 5 février 2001 ne ferait pas l’objet du recours sous examen et que la décision entreprise du 6 février 2002 ne ferait dès lors que confirmer une situation existante sans comporter d’élément décisionnel nouveau à cet égard. Dans la mesure où la décision litigieuse ne porterait ainsi aucun changement aux attributions du demandeur, il estime que ce serait à tort que le demandeur argue qu’elle emporterait un changement de fonction dans son chef. A titre subsidiaire, à supposer qu’il y ait lieu d’analyser la décision déférée comme ayant emporté un changement dans les attributions du demandeur, l’Etat fait valoir que ledit changement ne serait pas pour autant à analyser en un changement de fonctions, étant donné que l’intéressé serait maintenu dans toutes ses attributions à l’exception de celles de « contractual manager » du projet ESKORT, de manière à n’avoir manifestement pas impliqué une modification globale des tâches à accomplir par le fonctionnaire concerné, mais tout au plus une légère restriction afférente.

Quant au moyen tiré d’une prétendue violation de l’autorité de la chose jugée, la partie défenderesse fait valoir que l’autorité de la chose jugée invoquée à l’appui du recours n’aurait aucunément trait aux attributions de Monsieur …, étant donné que les décisions ayant été annulées par jugement du 21 janvier 2002 auraient porté affectation du demandeur au service du contrôle extérieur sans porter aucun changement aux attributions de celui-ci, le retrait de l’attribution de « contractual manager » ayant été opéré déjà bien avant ledit jugement, par décision du 5 février 2001. Quant à la décision du maintien du demandeur dans le bureau sis rue du Plébiscite, la partie défenderesse fait valoir que la détermination du bureau qu’occupe un fonctionnaire constituerait une mesure de pure organisation matérielle et qu’en aucun cas, une réaffectation à un autre service ne saurait être déduite de la décision d’un chef d’administration de placer un fonctionnaire dans un autre bureau. Elle estime plus particulièrement à cet égard qu’en retenant que l’accomplissement des tâches confiées au demandeur ne se concevrait pas, en l’état de la législation, dans le cadre de l’activité de contrôle confiée à la section à laquelle l’intéressé avait été affecté par la décision annulée, le tribunal administratif ne se serait pas prononcé sur la question matérielle de la répartition du personnel de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines dans les locaux de celle-ci, de sorte que le jugement en question du 21 janvier 2002 n’impliquerait pas l’obligation dans le chef du directeur de retransférer Monsieur … dans son ancien bureau, lequel serait d’ailleurs désormais occupé.

Quant à l’allégation du demandeur suivant laquelle une délégation de signature pour la correspondance journalière lui aurait été retirée, l’Etat fait préciser qu’elle serait contraire à la vérité et que s’agissant de la signature de la correspondance courante, le directeur y aurait mis fin par une note de service du 22 février 2000, donc antérieure à la décision de réaffectation désormais annulée, de même que, concernant la délégation de signature donnée par le directeur pour les actes de procédure, le demandeur, bien que s’étant vu confier une telle délégation de signature à un moment donné, n’aurait pas exercé ce pouvoir, alors qu’il ne se serait trouvé en charge d’aucune procédure dans le cadre de laquelle il aurait pu le faire.

Concernant la surveillance générale des deux services de direction et l’impossibilité alléguée d’exercer l’attribution en question en raison de la localisation du bureau actuel du demandeur, l’Etat fait préciser qu’à aucun moment Monsieur … ne se serait vu confier pareille charge de surveillance.

Quant au moyen basé sur l’existence d’une sanction disciplinaire déguisée, la partie défenderesse rétorque que ni le fait de retirer à un fonctionnaire une attribution déterminée, ni le fait de le placer dans un bureau déterminé ne constitueraient l’une des sanctions disciplinaires prévues à l’article 47 du statut général, de même que lesdites mesures ne constitueraient pas non plus des sanctions au sens commun du terme. Il relève en outre que l’organisation matérielle des services d’une administration doit répondre à certaines règles et à certains critères et qu’en l’espèce il aurait été décidé que les nouveaux locaux du bâtiment OMEGA seraient occupés notamment par les personnes qui intégreraient le futur service anti-

fraude, de sorte que le fait que Monsieur …, qui avait contesté son affectation au service du contrôle extérieur, futur service anti-fraude, n’intégrerait pas les nouveaux locaux serait une conséquence du choix de ce dernier et nullement une mesure à caractère répressif.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur de préciser que les dispositions légales actuellement en vigueur et notamment les articles 5 et 9 (4) de la loi modifiée du 20 mars 1970 précitée ne permettraient pas de muter un conseiller de direction adjoint de la direction à un service d’exécution et que ce point serait confirmé par le directeur lui-même, qui dans un courrier du 7 février 2002 adressé au ministre des Finances a suggéré une modification des articles en question « afin de permettre l’affectation des fonctionnaires des grades 15 et 16 dans les services d’exécution de l’administration ». Il estime en outre que conformément aux dispositions de l’article 1er du règlement grand-ducal du 15 décembre 1988 déterminant l’organisation de la direction de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines, il serait appelé à assister le directeur dans la surveillance et la direction des fonctionnaires attachés à la direction. Il développe ensuite ses moyens concernant ses attributions actuelles ainsi que la fonction de « contractual manager », en faisant valoir qu’il résulterait clairement des termes du courrier invoqué par la partie défenderesse du 5 février 2001 que la nomination à cette fonction d’un autre fonctionnaire ne revêtait qu’un caractère temporaire, de sorte que le retrait définitif de cette fonction ne serait intervenu dans son chef qu’à travers la décision litigieuse du 6 février 2002.

La partie défenderesse fait dupliquer que le tribunal n’aurait nullement dégagé l’impossibilité pour un conseiller de direction adjoint, au regard des articles 5 et 9 (4) de la loi du 20 mars 1970 précitée, d’être muté à un service d’exécution, mais qu’après avoir levé une incertitude ayant pu exister quant au service auquel le demandeur avait été affecté aux termes des décisions litigieuses, le tribunal aurait en réalité jugé que les tâches confiées à Monsieur … aux termes des décisions litigieuses ne s’inscriraient pas dans les prévisions de l’article 9 (1) de ladite loi du 20 mars 1970, alors que « seule l’activité de contrôle proprement dite » se trouverait confiée au « service du contrôle extérieur ». Elle en déduit que le tribunal aurait ainsi prononcé l’annulation des décisions litigieuses, non pas au regard du grade que revêtait le fonctionnaire concerné tel qu’allégué par le demandeur, mais au regard de l’incompatibilité des attributions confiées à l’intéressé avec le travail relevant du « service du contrôle extérieur ».

La partie défenderesse fait valoir en outre que le directeur ne serait pas obligé de se faire assister par le demandeur dans la surveillance et la direction des fonctionnaires attachés à la direction, mais qu’au contraire, il serait libre de décider si et dans quelle mesure il a besoin d’assistance dans l’exercice de ses tâches de direction et de surveillance, la seule contrainte imposée à cet égard au directeur étant celle de choisir ses assistants parmi les fonctionnaires de la carrière supérieure de l’attaché de Gouvernement.

Quant au fond, la partie défenderesse maintient dans son mémoire en duplique que depuis le 6 février 2002, le demandeur se trouverait réhabilité dans toutes ses attributions à l’exception de celle de « contractual manager » et que par ailleurs l’attribution en question serait une mission prévue au contrat « ESKORT Luxembourg Maintenance Agreement » et ne constituerait nullement une fonction prévue par une réglementation relative à l’organisation de l’administration, mais une tâche dont l’importance par ailleurs toute relative découlerait notamment du fait que le fonctionnaire actuellement en charge n’y consacrerait pas plus d’une journée par mois. Relativement au moyen basé sur une prétendue violation du principe de l’autorité de la chose jugée, la partie défenderesse fait dupliquer qu’il incomberait au demandeur de prouver que la décision de son maintien dans son bureau sis 7, rue du Plébiscite et sa réhabilitation, exception faite de la mission de « contractual manager », dans toutes les attributions exercées par des collègues au courant des 5 mois de sa maladie, méconnaîtraient l’annulation de son affectation au « service du contrôle extérieur ». Elle estime par ailleurs que l’on verrait mal comment une décision portant réhabilitation totale, à une exception près, de toutes les attributions exercées antérieurement pourrait confirmer le maintien du demandeur dans le « service du contrôle extérieur » tel que soutenu en cause.

Encore que l’Etat du Grand-Duché ne fût pas représenté à l’audience publique du 8 janvier 2003 lors de laquelle l’affaire fut plaidée, son mandataire ayant été dûment excusé, il y a lieu de statuer contradictoirement, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que les parties ont eu la possibilité d’échanger leurs arguments moyennant les mémoires écrits par eux déposés.

La partie demanderesse ayant déposé à l’audience publique du 8 janvier 2003 à la demande expresse du tribunal le jugement civil n° 300/2002 rendu par la onzième section du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg en date du 28 novembre 2002 dans une affaire ayant opposé le demandeur au directeur, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande adressée au tribunal par courrier du mandataire de la partie défenderesse du 13 janvier 2003 tendant au rejet de la pièce en question.

Le recours sous examen ne s’inscrivant dans aucune des hypothèses prévues par le statut général comme habilitant le tribunal à statuer comme juge du fond, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Concernant d’abord les attributions de Monsieur …, il y a lieu de relever que le tribunal est saisi de la seule décision litigieuse du 6 février 2002, de manière à ce que les questions relatives aux attributions autres que celles directement visées par ladite décision échappent au contrôle du tribunal, la décision déférée ne portant en effet que sur la seule attribution de « contractual manager » du projet ESKORT et spécifiant pour le surplus que le demandeur est maintenu dans ses attributions antérieures.

Il s’ensuit que l’ensemble des changements allégués au niveau des attributions du demandeur comme ayant été opérés non pas directement à travers la décision, mais simplement de fait, n’ont pas été utilement déférés au tribunal, étant entendu qu’au regard du libellé de la décision déférée le tribunal est amené à constater qu’à l’exception de l’attribution litigieuse de « contractual manager » du projet ESKORT, il est expressément prévu que le demandeur est réhabilité dans toutes ses attributions antérieures.

Concernant plus particulièrement la fonction de « contractual manager », il se dégage des pièces versées au dossier que le groupe ESKORT a proposé au directeur dans un courrier du 5 février 2001 ayant trouvé l’accord directorial pour charger Monsieur … …, attaché de gouvernement premier en rang, de reprendre ce poste par intérim, ladite proposition ayant été motivée par la considération que le demandeur n’a pas pu assister à la réunion du groupe qui s’est tenue le même jour « suite à un congé de maladie prolongé ». Dans la mesure où cette décision tend à la reprise « par intérim » du poste litigieux par un autre fonctionnaire de la carrière supérieure pendant le congé de maladie prolongé du demandeur, le tribunal est amené à constater que l’affirmation de la partie défenderesse qu’une décision de retrait de la fonction de « contractual manager » du système ESKORT au-delà de la période d’absence de Monsieur … pour l’attribuer d’une manière définitive à Monsieur … serait intervenue en date du 5 février 2001 laisse d’être établie, aucune autre pièce de nature à sous-tendre utilement cette affirmation n’ayant été versée en cause.

Il s’ensuit qu’en l’état actuel du dossier tel que soumis au tribunal c’est à travers la décision déférée du 6 février 2002 que le directeur a arrêté définitivement de ne pas réhabiliter le demandeur dans cette fonction.

Conformément aux dispositions de l’article 6 (3) du statut général, il y a lieu d’entendre par changement de fonction « la nomination d’un fonctionnaire à une autre fonction de la même carrière ou du même grade, au sein de son administration ».

Dans la mesure où il n’est pas contesté en cause que l’attribution litigieuse de « contractuel manager » du système ESKORT ne représentait que l’une parmi nombreuses autres attributions du demandeur et que par ailleurs il n’est ni établi, ni même allégué qu’elle soit directement attachée au grade du fonctionnaire concerné, le tribunal ne saurait suivre l’argumentation du demandeur consistant à considérer la décision de ne pas le réhabiliter dans cette attribution comme étant un changement de fonction au sens du statut général. En effet, le retrait d’une seule attribution à un fonctionnaire, restant investi pour le surplus dans la partie majeure de ses autres attributions, reste sans incidence sur la nature de la fonction globalement exercée par le fonctionnaire concerné.

Il s’ensuit que le premier moyen du demandeur basé sur l’incompétence du directeur pour prendre la décision litigieuse au motif qu’il s’agirait d’un changement de fonction laisse d’être fondé.

Pour conclure ensuite au caractère non justifié de sa non-réintégration dans l’attribution litigieuse, le demandeur fait valoir que les arguments invoqués à la base de cette décision seraient dénués de tout fondement objectif.

En l’espèce, il est constant que le demandeur était en congé de maladie pendant une période prolongée et que des changements au niveau de l’organisation interne de l’administration concernée sont envisagés, notamment à travers la création projetée d’un service anti-fraude. Par ailleurs, la décision litigieuse consistant à confier pour l’avenir une attribution préalablement exercée par le demandeur à un autre fonctionnaire l’ayant déjà exercée par intérim, s’inscrit dans l’exercice d’un pouvoir d’appréciation étendu du chef d’administration quant à l’organisation de ses services.

Si le contrôle juridictionnel propre à un recours en annulation ne saurait en principe aboutir à priver l’autorité administrative de son pouvoir d’appréciation, il n’en reste pas moins que, confronté à des décisions relevant, tel le cas en l’espèce, d’un pouvoir d’appréciation étendu, le juge administratif, saisi d’un recours en annulation, est appelé à vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute et s’ils sont de nature à justifier la décision, de même qu’il peut examiner si la mesure prise n’est pas manifestement disproportionnée par rapport aux faits établis, en ce sens que cette disproportion laisse entrevoir un usage excessif du pouvoir par l’autorité qui a pris la décision, voire un détournement du même pouvoir par cette autorité.

Il se dégage du libellé de la décision déférée du 6 février 2002, ainsi que des précisions apportées en cours d’instance contentieuse que la décision du directeur de ne pas réintégrer le demandeur dans la fonction de « contractual manager » du système ESKORT, est motivée par la considération qu’il n’aurait pas été d’accord avec la décision du directeur de le faire travailler dans le futur service anti-fraude à travers sa contestation relative à son affectation au service du contrôle extérieur, appelé à devenir à l’avenir, selon la partie défenderesse, ledit service anti-fraude, de sorte qu’il aurait été décidé de ne pas le faire intégrer dans les nouveaux locaux du bâtiment OMEGA, lesquels seraient occupés notamment par les personnes qui intégreraient le futur service anti-fraude.

Force est de constater que le refus ainsi allégué du demandeur de vouloir intégrer à l’avenir le futur service anti-fraude, invoqué par la partie défenderesse pour justifier la décision déférée, ne saurait être considéré comme étant établi au vu du dossier tel que présenté au tribunal. En effet, les contestations du demandeur relatives à son affectation au service du contrôle extérieur, toisées par jugement du tribunal administratif du 21 janvier 2002, ne sauraient être interprétées comme traduisant le refus d’être affecté à l’avenir au futur service anti-fraude, étant donné qu’aucune proposition afférente lui adressée, ni aucune prise de position de Monsieur … permettant de dégager pareille volonté ne sont documentés en cause, et que, compte tenu du fait que le service du contrôle extérieur tel qu’actuellement défini à travers les missions lui confiées par les dispositions de la loi modifiée du 20 mars 1970 précitée, ne saurait à l’heure actuelle être assimilé au service anti-fraude tel que projeté.

S’y ajoute que les prétentions du demandeur telles que présentées en cause tendent ni à son intégration dans les nouveaux locaux du bâtiment OMEGA, ni encore à l’attribution dans son chef de nouvelles fonctions propres au service qu’il est projeté de créer, mais simplement à être réhabilité dans la fonction litigieuse de « contractual manager » du système ESKORT, laquelle, d’une manière non contestée en cause, existait déjà, existe toujours et était la sienne avant son absence prolongée.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le motif de refus basé sur une prétendue volonté affichée du demandeur de ne pas intégrer à l’avenir ledit service n’est pas établie à suffisance en cause.

A défaut d’autres éléments de motivation susceptibles de justifier le volet de la décision déférée ayant trait à la non-réhabilitation du demandeur dans ses fonctions de « contractual manager » du système ESKORT, il y a dès lors lieu d’annuler la décision déférée dans ce volet pour cause de motivation insuffisante valant absence de motivation.

Quant au volet de la décision litigieuse ayant trait au maintien du demandeur dans son bureau actuel sis à Luxembourg, 7, rue du Plébiscite, il y a lieu de constater qu’à travers son jugement rendu en date du 21 janvier 2002, le tribunal administratif a annulé l’ensemble des éléments décisionnels contenus dans les courriers alors litigieux du directeur datant des 3 octobre et 15 décembre 2000, de sorte que par l’effet dudit jugement le demandeur fut concrètement désaffecté du « service du contrôle extérieur », de même que l’attribution d’un nouveau bureau à l’adresse dudit service décidée par le directeur en date du 15 décembre 2000, est à considérer comme étant nulle et non avenue, cet élément décisionnel propre au courrier du directeur du 15 décembre 2000 ayant en effet également fait l’objet de l’annulation globalement prononcée.

Le demandeur se prévaut d’abord de l’autorité de la chose jugée pour conclure au caractère non justifié de la décision actuellement litigieuse de le maintenir dans son bureau, rue du Plébiscite.

Tel que relevé ci-avant, le tribunal a annulé la décision d’affecter le demandeur au «service du contrôle extérieur», établi 7, rue du Plébiscite à Luxembourg, dans son intégralité, de manière à couvrir également le volet directement lié à cette affectation tenant à l’attribution d’un bureau dans les locaux du service ainsi concerné au demandeur.

S’il doit certes toujours être possible au directeur, en tant que chef d’administration, d’attribuer un autre bureau à l’un de ses fonctionnaires pour des raisons tenant notamment à l’intérêt du service et à l’organisation interne de son administration et que l’autorité de la chose jugée invoquée en l’espèce n’est pas de nature à empêcher purement et simplement l’attribution d’un bureau sis le cas échéant 7, rue du Plébiscite, au demandeur, il n’en reste cependant pas moins que cette décision, pour ne pas encourir le reproche de se heurter à l’autorité de chose jugée, doit reposer sur des considérations qui ne sont pas en porte à faux avec la motivation du jugement du 21 janvier 2002, lequel s’est prononcé sur cette attribution de bureau critiquée dans un contexte bien déterminé.

Tandis que la motivation de l’attribution initiale du bureau litigieux à Monsieur … par la décision annulée du 15 décembre 2000 trouvait directement sa source dans l’affectation de ce dernier au service du contrôle extérieur, pour en avoir constitué un complément inhérent, la motivation à la base de la décision actuellement déférée laisse d’être clairement affichée en cause. En effet, faute de modification substantielle au niveau des attributions du demandeur permettant de rattacher les fonctions par lui exercées au moment de la prise de la décision déférée au service d’exécution actuellement établi de manière non contestée en cause à l’adresse du bureau litigieux, voire de toute autre considération concrète tenant à l’organisation de l’administration concernée, la simple référence faite par la partie défenderesse au caractère discrétionnaire du pouvoir dont dispose le directeur en la matière est insuffisante à dégager in concreto les raisons ayant pu motiver utilement et de façon légale la décision de continuer à attribuer à Monsieur … le bureau litigieux.

Dans la mesure où le jugement du tribunal administratif du 21 janvier 2002 invoqué en cause a eu pour effet de mettre à néant l’attribution du bureau litigieux au demandeur et que la partie défenderesse est restée en défaut d’établir que la décision actuellement litigieuse du 6 février 2002 portant nouvelle attribution dudit bureau à Monsieur … repose sur des motifs résistant au contrôle de légalité tel que dévolu au tribunal, il y a dès lors lieu d’annuler ladite décision également dans son deuxième volet pour défaut de motivation valable, valant absence de motifs légaux à sa base.

2. Concernant le recours dirigé contre la décision implicite de refus du ministre des Finances se dégageant du silence de ce dernier pendant plus de trois mois à partir de la réclamation introduite par Monsieur … en date du 19 février 2002 Il est constant que Monsieur … s’est adressé au ministre des Finances en date du 19 février 2002 pour lui soumettre une réclamation contre la décision ci-avant visée du 6 février 2002 émanant du directeur.

Dans la mesure où il résulte de l’ensemble des développements sub 1) que la décision directoriale ainsi visée du 6 février 2002 est intervenue en violation de la loi, de manière à traduire pour le moins une lésion des droits statutaires du demandeur au sens de l’article 33, 1 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, la décision implicite de rejet de la réclamation de Monsieur … formulée sur base dudit article 33,1 encourt partant l’annulation sur base des mêmes motifs ayant conduit à l’annulation de la décision directoriale déférée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision du directeur de l’Enregistrement et des Domaines du 6 février 2002 en ses deux volets et renvoie devant lui le dossier aux fins d’exécution ;

annule la décision ministérielle déférée portant rejet implicite de la réclamation de Monsieur … contre la décision directoriale ci-avant annulée ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 février 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 11


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15238
Date de la décision : 12/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-12;15238 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award