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12/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15182

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2003, 15182


Tribunal administratif N° 15182 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2002 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15182 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 juillet 2002 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau d

e l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, garagiste, demeurant à L-…, tendant à l’ann...

Tribunal administratif N° 15182 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2002 Audience publique du 12 février 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’armes prohibées

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15182 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 juillet 2002 par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, garagiste, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 26 avril 2002, portant refus de renouvellement de son autorisation de port d’armes relative à un pistolet de la marque « Walther » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 28 novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2002 en nom et pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté ministériel attaqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Thessy KUBORN, en remplacement de Maître Jos STOFFEL et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Par lettre du 26 avril 2002, le ministre de la Justice refusa de faire droit à une demande en renouvellement d’une autorisation de port d’armes introduite par Monsieur … le 31 janvier 2002.

Ladite décision a la teneur suivante :

« Monsieur, J’ai l’honneur de me référer à votre demande du 31 janvier 2002 par laquelle vous avez sollicité le renouvellement de votre autorisation de port d’arme relative à un pistolet « Walther » PPK, calibre 7,65 mm, numéro de série 304901.

A l’appui de votre demande, vous invoquez la nécessité de porter une arme lors de transports de fonds.

Il résulte plus amplement du rapport de la Police de … du 14 février 2002 que vous exploitez un commerce dénommé « … », à … et que vous transportez les recettes de ce commerce, d’un montant de 3.000.- à 4.000.- EUR, vers votre domicile, respectivement l’agence de la banque DEXIA-BIL sise à ….

Toutefois, des transports de fonds effectués dans le cadre d’un commerce ne constituent pas un motif qui, en lui seul, est susceptible de justifier l’octroi d’une autorisation de port d’arme en dehors de circonstances particulières, telles que le caractère dangereux du trajet ou des attaques ou cambriolages récents, circonstances que vous n’avez cependant pas invoquées.

Dans ces conditions, la délivrance d’une autorisation de port d’arme serait une mesure disproportionnée par rapport aux faits que vous invoquez à l’appui de votre demande.

En effet, beaucoup de commerçants connaissent une situation semblable à la vôtre et un armement de toutes ces personnes est inconcevable en raison des risques liés à des coups de feu tirés sur la voie publique en cas d’incident, ceci d’autant plus que, suivant votre dossier administratif, vous ne disposez d’aucune pratique en matière de tir.

S’y ajoute finalement que ces transports de fonds peuvent être confiés à une entreprise spécialement agréée à cette fin sur base de la loi du 6 juin 1990 relative aux activités privées de gardiennage et de surveillance et que d’autres mesures plus appropriées que le port d’une arme peuvent être prises, à savoir le fractionnement des sommes à transporter, ou encore la mise à disposition aux clients d’autres modes de paiement.

Comme vous n’avez pas fait état d’autres motifs spéciaux justifiant éventuellement l’octroi d’une autorisation de port d’arme, l’autorisation sollicitée est refusée en application de l’article 16 alinéa 1er de la loi du 15 mars 1983 sur les armes et munitions.

En exécution de cette décision, je vous prie de vous dessaisir de l’arme et des munitions en votre possession, soit en les remettant provisoirement à un commissariat de Police, soit en les cédant directement à une personne autorisée, tel qu’un armurier, ou à autoriser par le Ministère de la Justice.

Je tiens encore à vous informer que la présente décision de refus peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, à introduire dans un délai de trois mois à partir de la notification de la présente décision par une requête signée par un avocat à la Cour.

Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma considération distinguée ».

Par requête déposée en date du 26 juillet 2002, Monsieur … a fait introduire, eu égard au libellé du dispositif de ladite requête, auquel le tribunal peut seul avoir égard, un recours en annulation dirigé contre la décision ministérielle prérelatée.

Etant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les armes et munitions ni aucune autre disposition légale ne prévoit la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la matière, le recours en annulation, non autrement contesté, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’en sa qualité de gérant de la société à responsabilité limitée « … », il serait appelé à transporter tous les soirs la recette journalière à son domicile en vue de préparer le dépôt en banque et de l’assurer le lendemain. Il critique plus particulièrement la décision ministérielle attaquée au motif que le transport de fonds serait dangereux par nature, que la prédite loi du 15 mars 1983 n’érigerait pas en condition l’existence d’attaques ou de cambriolages pour obtenir une autorisation de port d’armes, qu’il serait conscient de la dangerosité d’une arme et qu’il n’entendrait l’utiliser qu’à des fins de dissuasion, qu’aucune obligation légale n’imposerait le recours à une entreprise spécialisée dans le transport de fonds, d’autant plus que cette formule serait trop onéreuse et qu’il ne pourrait pas non plus recourir à d’autres mesures plus appropriées, tel que le fractionnement des sommes à transporter ou la mise à disposition de sa clientèle d’autres modes de paiement.

Comme, d’autre part, il ne serait pas à craindre qu’il ferait un mauvais usage de l’arme litigieuse et comme il ne tomberait pas sous le champ d’application de l’article 20 de la prédite loi de 1983, la décision ministérielle attaquée serait à annuler pour défaut de motifs, respectivement pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet des différents moyens d’annulation soulevés, au motif que le demandeur n’aurait développé aucun argument permettant de conclure à une illégalité ou à une irrégularité formelle de la décision attaquée.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur le fait qu’il aurait simplement sollicité le renouvellement de son permis de port d’armes, venu à échéance le 8 février 2002, et que le ministre de la Justice n’aurait pas eu à toiser une première demande en vue de l’obtention de pareil permis. Dans ce contexte, il insiste plus particulièrement sur le fait que le commissariat de police de … aurait confirmé la réalité des transferts de fonds et le fait qu’il n’aurait jamais fait l’objet d’un procès-verbal pour aviser « favorablement » son cas. Etant donné que les circonstances de sa demande seraient absolument identiques à celles ayant existé au moment de la délivrance de l’autorisation initiale, le ministre n’aurait eu aucune raison valable pour refuser le renouvellement.

D’après l’article 16 de la loi modifiée du 15 mars 1983, précitée, « l’autorisation (…) de porter (…) des armes et munitions est délivrée par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont reconnus valables.

L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant, compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents ne fasse un mauvais usage de l’arme ».

L’article 19 de la même loi dispose que « la durée de validité des autorisations est fixée par règlement grand-ducal, les autorisations périmées sont renouvelables ».

Il convient en premier lieu de relever qu’il y a lieu de combiner les deux dispositions légales précitées et de retenir que l’article 16 de la loi précitée du 15 mars 1983 s’applique tant pour une première autorisation que pour une autorisation renouvelée sur base de l’article 19 précité. En outre, abstraction faite de toutes autres considérations, le demandeur a tort de se référer à l’article 20 de la loi de 1983, ledit article ayant trait à l’hypothèse spécifique d’une révocation, c’est-à-dire une décision mettant fin à une autorisation qui est encore en cours de validité et non pas au cas d’une autorisation arrivée à son échéance et que l’intéressé entend renouveler, comme c’est le cas en l’espèce.

Ceci étant, l’article 16 de ladite loi du 15 mars 1983 revêt deux volets en ce qu’en son premier alinéa, il se réfère à un critère positif comportant les motifs valables à invoquer par un demandeur à l’appui de sa demande en vue d’obtenir le permis ministériel de port d’armes, tandis qu’en son second alinéa, il énonce des motifs de refus ayant trait à des aspects inhérents à la personne du demandeur.

Dans ce contexte, il convient de relever que le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer ou de refuser l’autorisation de port d’armes à condition que son appréciation repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire (trib.

adm. 27 mars 1997, n° 9597 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Armes prohibées, n° 1 et autres références y citées), que la gravité de la décision d’accorder une autorisation de porter une arme lui impose de faire application de critères très restrictifs pour la reconnaissance de motifs valables (trib. adm. 11 novembre 2002, n° 14888 du rôle, non encore publié) et que, dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, seule une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité ayant pris la décision déférée étant à sanctionner en conséquence (trib. adm. 7 décembre 1998, n° 10807 du rôle, Pas. adm.

2002, V° Recours en annulation, n° 10 et autres décisions y citées).

C’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu estimer dans le cadre de la fixation de sa politique générale en matière de délivrance de permis de port d’armes, qu’il n’était pas approprié d’autoriser chaque commerçant transportant des fonds à porter une arme à feu.

C’est plus particulièrement à bon droit que le ministre a estimé, qu’en dehors de circonstances particulières, la délivrance d’une autorisation de port d’armes constitue une mesure disproportionnée par rapport aux faits invoqués en l’espèce, à savoir le transport de recettes quotidiennes de l’ordre de 3.000.- à 4.000.- euros.

Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le commissariat de police de … a émis un « avis favorable » et que les circonstances de fait qui ont existé au moment de la délivrance de l’autorisation de port d’armes initiale au mois de février 2000 n’ont pas changé, étant donné que d’après l’article 19 de la prédite loi du 15 mars 1983, la durée de validité des autorisations est limitée dans le temps, de sorte que le bénéficiaire d’une autorisation initiale ne saurait faire valoir un droit acquis d’en obtenir automatiquement le renouvellement, lequel renouvellement devant être apprécié au regard des circonstances de droit et de fait applicables au moment de la prise de décision, étant relevé que lesdites circonstances impliquent entre autres la politique générale et les lignes de conduite que le gouvernement a légalement pu se fixer en la matière.

Dès lors, le ministre n’a pas excédé les limites de son pouvoir d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi précitée du 15 mars 1983 et il a légalement pu refuser le renouvellement de l’autorisation de port d’armes sollicitée.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 12 février 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15182
Date de la décision : 12/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-12;15182 ?

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