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12/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15144

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2003, 15144


Numéro 15144 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2002 Audience publique du 12 février 2003 Recours formé par Mademoiselle …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15144 du rôle, déposée le 18 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mademoiselle …, née le …, de nati...

Numéro 15144 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 juillet 2002 Audience publique du 12 février 2003 Recours formé par Mademoiselle …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15144 du rôle, déposée le 18 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mademoiselle …, née le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 16 avril 2002, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 18 juin 2002 prise sur recours gracieux, les deux portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Georges WEILER, en remplacement de Maître Sarah TURK, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 décembre 2002.

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Le 17 avril 2001, Mademoiselle …, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Mademoiselle … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Mademoiselle … fut entendue également en date du 20 février 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Mademoiselle … par décision du 16 avril 2002, notifiée en date du 14 mai suivant, de ce que sa demande avait été rejetée comme n’étant pas fondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécutions en raison de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux formé par Mademoiselle … à travers un courrier de son mandataire du 3 juin 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 18 juin 2002, elle a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de ces deux décisions ministérielles de rejet des 16 avril et 18 juin 2002 par requête déposée en date du 18 juillet 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation est en conséquence irrecevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse reproche au ministre une appréciation inexacte de la situation actuelle au Monténégro ainsi que de sa situation personnelle, alors qu’elle aurait fait l’objet d’actes de persécution de la part d’un dénommé BOK qui ferait probablement partie de la mafia et qui n’aurait cessé de la poursuivre et de la menacer de mort. Elle ajoute qu’elle aurait même été contrainte d’arrêter ses études et qu’elle aurait sollicité la protection de la police, mais que celle-ci aurait refusé d’intervenir en sa faveur.

Elle conclut qu’il lui aurait dès lors été impossible de mener une vie normale dans son pays d’origine et qu’elle aurait dû prendre la fuite pour se protéger, de manière qu’elle devrait bénéficier de la protection de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 5 avril 2001, n° 12801C du rôle, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 35).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par la demanderesse lors de son audition en date du 20 février 2002, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés dans le cadre des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la demanderesse fonde sa demande d’asile essentiellement sur des motifs d’ordre personnel, vu qu’il ressort de son récit des faits lors de son audition qu’elle a fait l’objet de poursuites et de menaces de la part d’un dénommé BOK sur base de motifs d’ordre personnel (« il disait tout le temps que je serais sa femme »), mais non pas sur base d’un des motifs visés par la Convention de Genève. En outre, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le refus d’intervention de la police serait la conséquence de l’appartenance de la demanderesse à un certain groupe social, une certaine race ou religion, voire de sa nationalité ou de ses opinions politiques.

Dans la mesure où ni la persécution invoquée par la demanderesse, ni le refus de protection de la part de la police ne sont fondés sur l’un quelconque des motifs énoncés dans la Convention de Genève, c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique, de manière que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 février 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15144
Date de la décision : 12/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-12;15144 ?

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