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10/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15850

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 février 2003, 15850


Numéro 15850 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 10 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15850 du rôle, déposée le 9 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tablea

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Numéro 15850 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 janvier 2003 Audience publique du 10 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15850 du rôle, déposée le 9 janvier 2003 au greffe du tribunal administratif par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 29 octobre 2002, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 13 décembre 2002 prise sur recours gracieux, les deux déclarant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2003;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Sarah TURK, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 février 2003.

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En date du 9 septembre 2002, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès de l’unité régionale de Luxembourg de la police grand-ducale une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu en date du 9 septembre 20002 par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 29 octobre 2002, il fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par décision du 29 octobre 2002, notifiée par courrier recommandé du 30 octobre 2002, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée aux motifs que, contrairement à ses déclarations d’avoir vécu en Albanie de 1996 à 1999, il résulterait des informations à disposition du ministère de la Justice qu’il aurait été en Suisse pendant cette période-là, de manière qu’il aurait délibérément fait de fausses déclarations verbales lors de son audition, et que, par ailleurs, ses explications traduiraient tout au plus un sentiment général d’insécurité, mais ne répondraient à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Le recours gracieux formé par son mandataire suivant courrier déposé le 3 décembre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 13 décembre 2002, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation des deux décisions précitées des 29 octobre et 13 décembre 2002 par requête déposée en date du 9 janvier 2003. Lors des plaidoiries, le mandataire du demandeur a cependant expressément demandé acte de sa renonciation au recours en réformation.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, disposant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le recours en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que ses fausses déclarations lors de son audition en date du 29 octobre 2002 s’expliqueraient par sa peur d’être renvoyé en Albanie « ou que toutes autres mesures similaires soient prises à son encontre » s’il révélait son séjour préalable en Suisse et qu’il aurait, dans le cadre de son recours gracieux, fait l’aveu de ses fausses déclarations et expliqué les raisons de cet acte pour solliciter une nouvelle audition afin de pouvoir s’expliquer et rectifier ses déclarations. Le demandeur reproche au ministre de n’avoir donné aucune suite à cette demande et soutient que ses fausses déclarations sur certains points ne devraient pas avoir pour effet de jeter le discrédit sur l’intégralité de son audition, d’autant plus qu’il aurait agi ainsi par peur d’un retour dans son pays d’origine et qu’il aurait ignoré certains aspects de son statut. Le demandeur expose qu’après son séjour en Suisse, il serait retourné en Albanie en 1999, qu’il y aurait été immédiatement arrêté et détenu durant plus de deux mois en prison, que la police aurait exigé de lui de faire de la délation et qu’il aurait pris la fuite en direction du Luxembourg par crainte pour sa vie. Il conclut ainsi à l’annulation des décisions ministérielles litigieuses, alors que ses fausses déclarations auraient été motivées par sa peur d’être renvoyé en Albanie et que les craintes par lui invoquées ne seraient pas manifestement dénuées de fondement.

Le délégué du Gouvernement de rétorquer qu’il ressortirait clairement du dossier administratif que le demandeur aurait fait de fausses déclarations sur son histoire personnelle et que la motivation à leur base ne serait pas pertinente. Dans la mesure encore où le demandeur ferait état d’un sentiment général d’insécurité, sa crainte ne répondrait à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Le même article précise dans son alinéa 2 sub b) que tel est notamment le cas lorsque le demandeur a « délibérément fait de fausses déclarations verbales ou écrites au sujet de sa demande, après avoir demandé l’asile ».

En l’espèce, lors de son audition en date du 9 septembre 2002 par un agent du service de police judiciaire sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, le demandeur a affirmé avoir quitté l’Albanie 5 à 6 jours avant son arrivée au Luxembourg par camion et être parvenu à Luxembourg par train à partir de Nice. Lors de son audition par un agent du ministère de la Justice le 29 octobre 2002, il a réaffirmé cet exposé de son itinéraire et également déclaré, sur question expresse afférente, avoir vécu en Albanie entre 1996 et 1999.

Il ressort pourtant des éléments du dossier soumis au tribunal et le demandeur admet lui-même dans son recours gracieux qu’il a résidé en Suisse de 1996 à 1999 et qu’il est retourné en Albanie au cours de l’année 1999.

Il se dégage de ces éléments que le ministre a valablement pu retenir que le demandeur a fait de fausses déclarations à l’appui de sa demande d’asile, de manière à estimer que sa demande tombe dans le cas d’ouverture prévu par l’article 6, alinéa 2 sub b) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 prévisé permettant au ministre de la considérer comme étant manifestement infondée.

Quant à l’explication satisfaisante relative à la fraude lui reprochée que le demandeur est censé fournir, conformément aux dispositions de l’article 6, alinéa 3 du règlement grand-

ducal du 22 avril 1996 précité, afin d’éviter le rejet automatique de sa demande d’asile, il y a lieu de relever que le demandeur reste en défaut de justifier des raisons l’ayant amené à retourner en Albanie à partir de la Suisse. Ensuite, concernant sa crainte d’être renvoyé en Albanie en raison des mauvais traitements lui infligés après son retour, avancée comme motif à la base de ses fausses déclarations, force est de constater que le demandeur n’a pas appuyé son récit par des pièces y relatives pourtant annoncées dans son recours gracieux et que par ailleurs la crédibilité globale de son récit est affectée par la contradiction entre ses déclarations lors de son audition du 29 octobre 2002 et les précisions apportées dans le cadre de son recours gracieux concernant son appartenance ou non au parti démocratique. Le tribunal est partant amené à conclure que le demandeur est resté en défaut de donner une explication satisfaisante relative à ses fausses déclarations, de manière que le ministre a valablement pu considérer la demande d’asile présentée par Monsieur … comme manifestement infondée.

Il s’ensuit que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, donne acte au demandeur de sa renonciation au recours en réformation, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 février 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15850
Date de la décision : 10/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-10;15850 ?

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