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10/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15411

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 février 2003, 15411


Tribunal administratif Numéro 15411 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2002 Audience publique du 10 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15411 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2002 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, assisté de Maître Mike SCHWEBAG, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationali

té yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et s...

Tribunal administratif Numéro 15411 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 septembre 2002 Audience publique du 10 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15411 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 septembre 2002 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, assisté de Maître Mike SCHWEBAG, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 11 juillet 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative du 27 août 2002, intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Mike SCHWEBAG, en remplacement de Maître Jean KAUFFMAN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 janvier 2003.

Le 27 mai 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 4 juillet 2002, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 11 juillet 2002, notifiée le 24 juillet 2002, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n'invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Par courrier de son mandataire du 19 août 2002, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par décision du 27 août 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus du 11 juillet 2002.

Le 30 septembre 2002, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation, sinon en annulation contre les décisions ministérielles du 11 juillet 2002 et celle confirmative du 27 août 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

Quant au fond, Monsieur …, de nationalité bosniaque et de confession musulmane, fait valoir qu’il aurait des raisons sérieuses de craindre des persécutions de la part des Serbes qui auraient menacé sa famille et tenté de brûler leur maison. Il poursuit en indiquant que les autorités en place seraient incapables d’assurer sa sécurité. Il soulève que pendant la guerre il se serait réfugié avec son frère et sa mère en Allemagne et qu’au moment du retour, toute sa famille aurait fait l’objet de menaces de la part des Serbes, probablement à cause des activités que son père aurait menées contre les Serbes. Enfin, il ajoute que la décision de refus serait encore inopportune parce qu’il serait parfaitement intégré au Luxembourg.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition du 4 juillet 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les persécutions de la part de la population serbe, s’agissant de persécutions commises par des tiers et non par les autorités étatiques, il y a lieu de relever qu’elles ne sauraient en tout état de cause être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection contre ces actes. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par le demandeur. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer sa protection. En effet, il résulte de son audition que Monsieur … n’a pas fait l’objet de persécutions personnelles et qu’en fait son père lui a conseillé de partir. De même cette tentative d’incendie de leur maison ne revêt pas le caractère de gravité suffisant afin de pouvoir valoir comme crainte caractérisée de persécutions au sens de la Convention de Genève. En plus il ne démontre point que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de Sarajevo, étant entendu qu’il n’a pas fait état d’un quelconque fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place.

Il ne ressort pas du dossier que le demandeur risquerait encore actuellement, individuellement et concrètement de subir des traitements discriminatoires en raison de son appartenance ethnique ou que de tels traitements lui auraient été infligés dans le passé, de sorte que ses craintes s’analysent en un sentiment général d’insécurité qui ne constitue pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s’ajoute que la situation en Bosnie-Herzégovine s’est stabilisée et que ce pays est toujours sous le contrôle des forces de l’ONU.

Les autres éléments dont il fait état, à savoir la maîtrise de la langue allemande et sa formation dans le domaine de l’hôtellerie et son intégration au pays, ne constituent pas des éléments de nature à être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un risque de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que le tribunal est amené à les écarter.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 10 février 2003 :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15411
Date de la décision : 10/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-10;15411 ?

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