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10/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15292

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 février 2003, 15292


Tribunal administratif Numéro 15292 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2002 Audience publique du 10 février 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15292 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2002 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-â€

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Tribunal administratif Numéro 15292 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 août 2002 Audience publique du 10 février 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15292 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2002 par Maître Sarah TURK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité macédonienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de deux décisions du ministre de la Justice intervenues respectivement les 22 mai et 23 juillet 2002, la première refusant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et la seconde rejetant un recours gracieux exercé contre la première décision et partant confirmant cette dernière ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Sarah TURK et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 janvier 2003 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée le 21 janvier 2003 ;

Ouï Maître Sarah TURK et Madame le délégué du Gouvernement Claudine Konsbruck en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 février 2003.

Le 18 octobre 2001, Madame … introduisit, au ministère de la Justice, bureau d’accueil des demandeurs d’asile, une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le 2 avril 2002, elle fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 22 mai 2002, notifiée le 25 juin 2002, le ministre de la Justice informa Madame … que sa demande avait été refusée comme non fondée aux motifs qu’elle n'invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le 18 juillet 2002, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par décision du 23 juillet 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus du 22 mai 2002.

Le 23 août 2002, Madame … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 22 mai 2002 et celle confirmative du 23 juillet 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Madame …, de confession musulmane et appartenant à la communauté des Roms, expose qu’elle aurait quitté son pays pour rejoindre son mari au Luxembourg, qui aurait déserté l’armée macédonienne en juillet 2001. Elle ajoute qu’elle aurait fait personnellement l’objet d’humiliations et d’insultes de la part des Albanais et des Macédoniens du fait de son appartenance à la minorité des Roms et que les autorités en place seraient incapables de lui offrir une protection efficace contre ces persécutions. Elle ajoute qu’il semblerait bien que les autorités en place toléreraient ces persécutions, étant donné que les minorités auraient un accès restreint aux services essentiels de soins, d’éducation et aux autres services publiques.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse tant en fait qu’en droit, et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame … lors de son audition du 2 avril 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les menaces que Madame … aurait essuyées à cause de la désertion de son mari de l’armée macédonienne, force est de constater que ces menaces ne sont pas d’une gravité telle afin de pouvoir justifier, dans son chef, l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Concernant la situation ethnico-religieuse de Madame …, il y a lieu de relever que la seule appartenance à une minorité ethnique est insuffisante pour établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, étant donné qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que Madame …, considérée individuellement et concrètement, risque de subir actuellement des traitements discriminatoires en raison de son appartenance ethnique ou religieuse. Les craintes dont elle fait état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité.

En plus Madame … ne démontre point que les autorités administratives en place et chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants de la Macédoine, étant entendu qu’elle n’a pas fait état du moindre fait concret qui serait de nature à établir un défaut caractérisé de protection de la part des autorités actuellement en place. Dans ce contexte, il convient d’ajouter que la situation politique en Macédoine s’est considérablement modifiée (cessez-le-feu, pacification de l’UCK, accord d’Ohrid, loi d’amnistie) et que la demanderesse n’a pas fait état d’une raison suffisante justifiant à l’heure actuelle qu’elle ne puisse pas utilement se réclamer de la protection des autorités en place.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours laisse d’être fondé et qu’il y a lieu de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 février 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15292
Date de la décision : 10/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-10;15292 ?

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