La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15395

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 février 2003, 15395


Tribunal administratif Numéro 15395 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2002 Audience publique du 5 février 2003 Recours formé par les époux … , … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15395 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2002 par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, assisté de Maître Pascale HANSEN, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch au nom de Monsieur … …, né le …

, de nationalité macédonienne, et de son épouse, Madame …, née le …, demeurant actuellement ...

Tribunal administratif Numéro 15395 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2002 Audience publique du 5 février 2003 Recours formé par les époux … , … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15395 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2002 par Maître Pol Urbany, avocat à la Cour, assisté de Maître Pascale HANSEN, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch au nom de Monsieur … …, né le …, de nationalité macédonienne, et de son épouse, Madame …, née le …, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 14 juin 2002 en ce qu’il a rejeté leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pascale HANSEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 27 janvier 2003.

Le 17 décembre 2001, les époux … introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, les époux … furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 11 mars 2002, les époux … furent entendus chacun séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 14 juin 2002, notifiée le 23 juillet 2002, le ministre de la Justice informa les époux … de ce que leurs demandes avaient été rejetées comme non fondées au motif qu’ils n'invoqueraient aucune crainte raisonnable de persécution du fait de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Le 22 août 2002, les époux … firent introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision ministérielle de refus du 14 juin 2002.

Par décision du 29 août 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision du 14 juin 2002.

Le 26 septembre 2002, les époux … ont fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 14 juin 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs, de nationalité macédonienne et de confession musulmane, font valoir qu’ils auraient fuit leur pays une deuxième fois en 2001 parce que la vie en Macédoine serait un « vrai enfer », les institutions politiques ne fonctionneraient pas et les tensions avec les ressortissants albanais seraient quotidiennement à l’ordre du jour. Ils ajoutent que du fait de leur appartenance à la minorité bosniaque ils se trouveraient entre « deux feux », à savoir d’un côté les Albanais et de l’autre côté les Macédoniens. Ils estiment qu’en cas de retour dans leur pays, Monsieur … devrait combattre les Albanais, chose qu’il ne pourrait pas défendre moralement.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions du 11 mars 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédures gracieuses et contentieuses et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En premier lieu il convient de relever que les demandeurs expliquent dans leurs auditions respectives qu’ils sont déjà une fois venus au Luxembourg en 1999 afin de pouvoir bénéficier du regroupement familial près de leurs fils qui habitent le Luxembourg. Suite à une décision négative, ils sont retournés en Macédoine. Ils sont revenus en mars 2001 et suite à une réponse négative à leurs demandes d’autorisation de séjour, ils ont introduit en décembre 2001 une demande en obtention du statut de réfugié. Ils précisent que la raison principale pour laquelle ils ont demandé l’asile est celle de pouvoir rester au Luxembourg près de leurs enfants. Ce motif ne constitue pas une crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne la peur invoquée de la part des Albanais et des Macédoniens, force est de retenir que les persécutions commises par des tiers et non pas par les autorités étatiques, ne sauraient être retenues que si les autorités étatiques tolèrent ces actes ou si elles sont incapables d’offrir une protection contre ces actes. Ce défaut de protection doit être mis suffisamment en évidence par les demandeurs. S’il est vrai que la situation générale des membres d’une minorité est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève. Une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asiles risquent de subir des persécutions.

Or, en l’espèce, les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit une crainte personnelle de persécution, voire une incapacité des autorités en place d’assurer leur protection. En effet il résulte de leurs auditions respectives qu’aussi bien Monsieur … que Madame … n’ont pas fait l’objet de persécutions ni de la part des Albanais, ni de la part des Macédoniens. La crainte dont ils font état s’analyse en un sentiment général d’insécurité et ne démontre pas en quoi les demandeurs seraient tout particulièrement touchés dans leur situation personnelle.

Ils restent également en défaut d’établir concrètement en quoi l’appartenance à la minorité des bosniaques leur vaudrait des traitements discriminatoires en cas de retour dans leur pays, d’autant plus que la situation a changé en Macédoine avec la proclamation le 15 juin 2002 par le Parlement macédonien de la nouvelle Constitution, axe central de l’accord de paix d’Ohrid d’août 2001, qui élargit les droits des minorités vivant dans le pays.

En ce qui concerne la peur de la guerre, il reste à constater qu’un accord est intervenu en Macédoine entre les forces macédoniennes et l’UCK albanaise. Les troupes de l’ONU ont pacifié la région et les Albanais ont déposé les armes.

Il résulte des développements qui précèdent que les demandeurs restent en défaut d’établir une crainte raisonnable de persécution leur rendant le retour dans leur pays impossible, de sorte que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 5 février 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15395
Date de la décision : 05/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-05;15395 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award