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05/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15125

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 février 2003, 15125


Numéro 15125 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2002 Audience publique du 5 février 2003 Recours formé par les époux … et … …-… et consorts, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15125 du rôle, déposée le 12 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Jos STOFFEL, avocat à la C

our, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, et ...

Numéro 15125 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juillet 2002 Audience publique du 5 février 2003 Recours formé par les époux … et … …-… et consorts, contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15125 du rôle, déposée le 12 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Jos STOFFEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, et de son épouse, Madame …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, tous de nationalité yougoslave, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 18 avril 2002 portant rejet de leur demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 10mai 2002 prise sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie à l’audience publique du 25 novembre 2002.

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En dates respectivement des 14 et 16 avril 1999, les époux … et … …, accompagnés de leurs enfants communs … et … …, préqualifiés, introduisirent une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Un recours contentieux introduit par les époux …-… contre la décision du ministre de la Justice du 7 décembre 2000 portant refus dudit statut dans leur chef et contre la décision confirmative du même ministre du 10 novembre 2000 fut déclaré non justifié par jugement du tribunal administratif du 2 juillet 2001, confirmé par arrêt de la Cour administrative du 23 octobre 2001.

Suivant courrier de leur mandataire du 26 novembre 2001, les époux …-… introduisirent auprès du ministre de la Justice une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires.

Par décision du 18 avril 2002, le ministre de la Justice refusa de faire droit à cette demande au motif, d’une part, que les époux …-… ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants et, d’autre part, qu’ils ne feraient pas état de raisons humanitaires justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg.

Le recours gracieux formé par courrier de leur mandataire du 29 avril 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 10 mai 2002, les époux …-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles précitées du 18 avril et 10 mai 2002 par requête déposée le 12 juillet 2002.

En l’absence de disposition légale instaurant un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision litigieuse. Le tribunal est partant incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font valoir qu’ils séjourneraient au Grand-

Duché déjà depuis avril 1999 et que leurs problèmes de santé nécessiteraient un suivi médical indispensable qui n’existerait pas encore dans leur pays d’origine, à savoir en Yougoslavie. Ils exposent plus particulièrement que Monsieur … souffrirait d’une périarthrite scapulohumérale suraïgue de l’épaule droite, laquelle rendrait l’usage des bras très difficile et très douloureux et nécessiterait un traitement médical de plusieurs mois, et que Madame … serait affectée d’une déviation de la cloison nasale avec présence d’une sinusite chronique maxillaire bilatérale ainsi que d’une hypertrophie des amygdales requérant également un suivi médical rapproché. Quant au motif des décisions déférées tiré du défaut de moyens d’existence personnels dans leur chef, les demandeurs relèvent que Monsieur … aurait toujours travaillé depuis son arrivée au Luxembourg, qu’il aurait été affilié à la sécurité sociale à ce titre et qu’il bénéficierait seulement depuis le 16 juin 2000 de la protection de l’assurance maladie de la caisse des ouvriers suite à son arrêt de travail en raison de sa maladie susvisée.

Concernant le premier motif de refus avancé dans les décisions litigieuses et tiré du défaut de moyens d’existence personnels dans le chef des demandeurs, l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées, p.149).

Le ministre dispose d'un pouvoir d’appréciation dans chaque espèce pour déterminer si la condition de disposer de moyens personnels suffisants est remplie et si elle justifie l'octroi ou le refus de l'entrée et du séjour au Grand-Duché de Luxembourg, étant entendu que ses décisions sont susceptibles d’être soumises au juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation (Cour adm. 12 novembre 2002, …, n° 15102C, non encore publié).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l'intéressé d'assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail et qu'il n'est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que les demandeurs étaient, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire s’adonneraient légalement à une activité indépendante, et qu’ils pouvaient partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis. Plus particulièrement, eu égard aux considérations ci-avant faites, le poste de travail effectivement occupé par Monsieur … et sa période de maladie subséquente ne sauraient établir l’existence de moyens d’existence personnels, ladite occupation dépendante, également à la base des prestations fournies durant le congé de maladie, n’ayant pas été exercée sous le couvert d’un permis de travail. De même, les contrat de travail conclu par Monsieur … avec l’entreprise … s.à r.l. le 11 juillet 2001 et la promesse d’engagement de l’entreprise … en faveur de Madame … ne peuvent être considérés comme preuves suffisantes de l’existence de moyens de subsistance personnels à défaut de permis de travail pour ces postes.

A défaut par les demandeurs d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le défaut de tels moyens constitue en principe un motif valable pour refuser l’autorisation de séjour aux demandeurs.

Il y a cependant lieu d’analyser les motifs ayant amené le ministre à ne pas reconnaître l’existence de raisons humanitaires de nature à justifier la délivrance d’une autorisation de séjour.

Les demandeurs se prévalent de leurs états de santé déficients respectifs et des soins dont ils auraient besoin et estiment qu’un rapatriement emporterait un risque d’aggravation de leur état de santé. Or, s’il ressort certes des certificats médicaux versés en cause que Madame … souffre d’infections ORL récidivantes et d’un asthme difficile à stabiliser nécessitant un suivi diagnostique et thérapeutique, les demandeurs restent en défaut d’établir qu’un tel suivi médical de l’état de santé de Madame … ne pourrait pas être assuré ou lui serait refusé dans son pays d’origine. Concernant l’état de santé de Monsieur …, il résulte d’un certificat du docteur … du 18 septembre 2001 que le traitement de sa maladie s’étendra probablement sur plusieurs mois (« Die Heilung wird wahrscheinlich mehrere Monate in Anspruch nehmen ») sans que Monsieur … n’établisse la nécessité de soins médicaux spécialisés pour une durée plus longue. Enfin, le médecin-conseil de l’administration du contrôle médical de la sécurité sociale, à qui le ministre avait soumis le 3 septembre 2002 le dossier des demandeurs pour avis concernant leur état de santé, a estimé, suivant avis du 9 septembre 2002, que les demandeurs ne présenteraient pas de pathologie médicale empêchant le rapatriement dans leur pays d’origine.

A défaut par les demandeurs d’avoir exposé d’autres motifs qui justifieraient le cas échéant la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires dans leur chef, le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

La procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite, le fait que l’avocat constitué pour un demandeur n’est ni présent, ni représenté à l’audience de plaidoiries, est indifférent. Comme les demandeurs ont pris position par écrit par le fait de déposer leur requête introductive d’instance, le jugement est réputé contradictoire entre parties.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation, reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 février 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, M. SPIELMANN, juge en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15125
Date de la décision : 05/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-05;15125 ?

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