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03/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15220

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2003, 15220


Tribunal administratif N° 15220 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2002 Audience publique du 3 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … et consorts contre une dépêche du président de la commission de conciliation du secteur communal en matière de médiation

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15220 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2002 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Messieurs -

…, fonctionnaire communal, dem...

Tribunal administratif N° 15220 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2002 Audience publique du 3 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … et consorts contre une dépêche du président de la commission de conciliation du secteur communal en matière de médiation

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15220 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2002 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Messieurs -

…, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, -

…, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, -

…, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, -

…, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, ainsi que de -

l’association sans but lucratif…, établie et ayant son siège social à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la dépêche du 2 juillet 2002, par laquelle le président de la commission de conciliation a saisi le président du Conseil d’Etat sur requête de la Fédération Nationale des Cheminots, Travailleurs du Transport, Fonctionnaires et Employés Luxembourg, en abrégé FNCTTFEL, d’une demande de médiation dans le cadre de différends existant entre la FNCTTFEL, d’une part, et des communes et le Gouvernement d’autre part, en matière d’engagement et de rémunération des chargés de cours et chargés de direction occupés par les communes dans l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la dépêche présidentielle critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nadia JANAKOVIC, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, en ses plaidoiries à l’audience publique du 22 janvier 2003.

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Considérant que par courrier du 30 avril 2001, la Fédération Nationale des Cheminots, Travailleurs du Transport, Fonctionnaires et Employés Luxembourg, en abrégé FNCCTFEL, a engagé auprès du ministre de l’Intérieur une procédure de conciliation contre les communes de Luxembourg, Dudelange et Bertrange, ainsi que le Syndicat des villes et communes luxembourgeoises, en abrégé SYVICOL, en matière de conditions d’occupation, de travail et de rémunération des chargés de cours et chargés de direction occupés par les communes dans l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire ;

Que par courrier parallèle du même jour, la FNCTTFEL a encore engagé une procédure de conciliation contre le gouvernement en matière de régularisation de la situation des chargés de cours et chargés de direction occupés dans l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire ;

Qu’une première réunion de la commission de conciliation du secteur communal, instituée en vertu de l’article 2 de la loi du 24 décembre 1985 réglementant le droit de grève dans les services du secteur communal, a été convoquée le 30 avril 2002 pour la date du 4 juin 2002, à laquelle elle a été reportée, de façon unanime, au 18 juin suivant ;

Que suivant un premier rapport de la réunion de la commission de conciliation du secteur communal du 18 juin 2002, portant la date du 20 juin suivant, le président de la commission de conciliation conclut « qu’une large majorité des membres de la commission de conciliation se déclare d’accord avec la régularisation telle qu’elle est prévue dans le projet de loi n° 4893 actuellement en voie d’instance » tout en citant certaines réserves émises par le président du secteur public de la FNCTTFEL y émargées suivant trois points distinctifs ;

Que suivant rapport de la même réunion portant la date du 25 juin 2002, le troisième point des réserves formulées au nom de la FNCTTFEL en fin de rapport a été omis pour être remplacé par un alinéa final, libellé en caractères gras comme suit : « quant au refus du Gouvernement d’amender l’article 9 du projet en ce qui concerne l’inscription d’une éventuelle priorité d’engagement pour les anciens chargés de cours actuellement en service par rapport à de nouveaux engagements de chargés de cours, M. … [président de la commission de conciliation] doit constater la non-conciliation au sujet de cette revendication précise de la FNCTTFEL » ;

Que par courrier du 1er juillet 2002, la FNCTTFEL a saisi le président du Conseil d’Etat d’une demande de médiation dans le litige pendant ;

Que le 2 juillet 2002, le président de la commission de conciliation a envoyé au président du Conseil d’Etat une dépêche rédigée comme suit :

« Concerne : Procédure de conciliation en matière d’engagement et de rémunération des chargés de cours et des chargés de direction occupés par les communes dans l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire.

Monsieur le Président, Sur requête de la FNCTTFEL et en exécution de l’article 3 de la loi du 24 décembre 1985 réglementant le droit de grève dans le secteur communal et de l’article 10 du règlement grand-ducal du 29 août 1988 portant fixation de la procédure à suivre devant la commission de conciliation et devant le médiateur en matière de droit de grève dans les services du secteur communal, j’ai l’honneur de vous transmettre en annexe une demande de médiation concernant l’objet émargé.

A toutes fins utiles, je vous joins les demandes de conciliation ainsi que les rapports des réunions de la commission de conciliation ayant donné lieu à une non-conciliation partielle entre les parties concernées par les litiges en question.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, … » ;

Que le président du Conseil d’Etat a désigné Monsieur le conseiller d’Etat … comme médiateur ;

Que par courrier du 10 juillet 2002, la …, sous la signature de son secrétaire général, s’est adressée au médiateur pour lui exprimer son avis suivant lequel au vu tant de la loi du 24 décembre 1985, précitée, que du règlement grand-ducal du 29 août 1988 portant fixation de la procédure à suivre devant la commission de conciliation et devant le médiateur, ainsi que du procès-verbal de conciliation, il s’avérerait que les conditions légales et réglementaires pour que la conciliation soit requise étaient remplies, de sorte qu’une médiation ne pouvait dès lors plus avoir lieu dans le litige en question ;

Que par courrier du 17 juillet 2002, la … a demandé au médiateur d’annuler la réunion par lui fixée au 25 juillet suivant, tout en l’informant qu’en cas de maintien de la médiation, la … introduirait un recours devant le tribunal administratif ;

Que suite à la réunion du 25 juillet 2002 convoquée par le médiateur, celui-ci a émis ses recommandations en date du 31 juillet 2002 dans le cadre desquelles il a notamment retenu qu’« il n’appartient pas au médiateur d’apprécier la conformité de la procédure devant la Commission de conciliation par rapport aux dispositions légales et réglementaires applicables ;

Qu’il incombe dès lors au médiateur de remplir sa mission du moment qu’un différend lui est soumis, « sur la demande de l’une des parties et dans un délai de quarante-huit heures après la constatation de la non-conciliation », ;

Que, partant, le médiateur ne saurait réserver de suites favorables à la demande de la … » ;

Qu’au fond le médiateur a proposé à la partie requérante FNCTTFEL de surseoir à son action en attendant que la loi nouvelle ait pu sortir ses effets, ainsi qu’aux instances gouvernementales de se déclarer d’accord à apprécier en temps opportun les effets de la loi nouvelle en vue d’éliminer d’éventuels cas de rigueur ;

Considérant que par requête déposée en date du 8 août 2002, Messieurs …, …, … et …, fonctionnaires communaux, préqualifiés, membres de la commission de conciliation en tant que représentants de la …, ainsi que l’association sans but lucratif …-…, préqualifiée, ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la dépêche prérelatée du président de la commission de conciliation du 2 juillet 2002 portant renvoi de la demande de médiation de la FNCTTFEL, ensemble les pièces du dossier au président du Conseil d’Etat ;

Considérant que la loi du 24 décembre 1985 précitée dispose en son article 2, paragraphe 1er, alinéa 1er que « les litiges collectifs intervenant entre le personnel, d’une part, et une ou plusieurs communes ou le gouvernement, d’autre part, font l’objet d’une procédure de conciliation obligatoire devant une commission de conciliation, suite à la demande écrite d’une des parties intéressées » ;

Que le président de la commission de conciliation, magistrat de l’ordre judiciaire, est nommé par le ministre de l’Intérieur, conformément aux dispositions combinées des alinéas 2 et 3 du paragraphe 1er de l’article 2 précité ;

Considérant qu’aucune disposition légale ou réglementaire dont plus particulièrement les lois du 24 décembre 1985 et règlement grand-ducal du 29 août 1988 précités ne confèrent à la commission de conciliation du secteur communal y prévue la personnalité juridique ;

Considérant que dans la mesure où la commission de conciliation en question est saisie des litiges collectifs concernant le personnel de n’importe quelle commune du pays, qu’elle inclut dans sa mission les litiges impliquant le gouvernement, que la procédure de conciliation est obligatoire et que tant le président que les représentants du gouvernement et des communes sont nommés par le ministre de l’Intérieur, il y a lieu de considérer ladite commission comme constituant un des organes de conciliation mis en place par l’Etat et dépendant de lui, dans l’intérêt d’éviter collectivement une grève dans le secteur concerné, de sorte que les actes posés tant par la commission que par son président relèvent en dernière analyse de la personne juridique étatique ;

Considérant qu’aucun mémoire n’ayant été déposé dans les délais légaux à la suite du dépôt de la requête introductive d’instance et face plus particulièrement à la carence étatique constatée, le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties au litige suivant une décision ayant les effets d’un jugement contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Considérant que le tribunal a soulevé d’office à l’audience l’ensemble de questions tenant tant au caractère prématuré éventuel du recours déposé qu’à l’existence même d’un recours contentieux devant les juridictions de l’ordre administratif à l’encontre de la dépêche actuellement déférée ;

Que la mandataire des demandeurs, se limitant à prendre y relativement position de façon orale à l’audience, d’expliquer au tribunal la démarche de ses mandants, mus par le souci de voir contrôler la régularité de la procédure de conciliation et la saisine du médiateur par les juridictions de l’ordre administratif, à défaut de quoi, selon leur crainte, aucun contrôle afférent ne serait jamais effectué ;

Considérant que quoique les litiges donnant lieu à la saisine de la commission de conciliation prévue par la loi du 24 décembre 1985 soient collectifs, les demandeurs ont fait déférer la dépêche présidentielle au titre de décision administrative individuelle ;

Considérant que l’acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux doit constituer une véritable décision de nature à faire grief, partant un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant directement la situation personnelle et patrimoniale de celui qui réclame (cf. trib. adm. 23 juillet 1997, …, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm. 9 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Actes administratifs, n° 5, p. 19 et autres décisions y citées) ;

Considérant qu’en vue d’analyser utilement la nature juridique de la dépêche présidentielle déférée, aux fins de déterminer dans quelle mesure le tribunal est appelé à en connaître dans le cadre du recours principalement en réformation et subsidiairement en annulation porté devant lui, il convient de replacer l’acte ainsi posé dans le contexte légal et réglementaire qui est le sien ;

Considérant que d’après l’article 3 de la loi du 24 décembre 1985 précitée « en cas de non-conciliation au niveau de la commission de conciliation, le différend est soumis, sur la demande de l’une de parties et dans un délai de quarante-huit heures après la constatation de la non-conciliation, au Président du Conseil d’Etat ou au membre du Conseil d’Etat par lui délégué, comme médiateur.

Le médiateur essaie de concilier les parties. S’il n’y parvient pas il leur soumet, dans un délai de huit jours, sous forme de recommandation, des propositions en vue du règlement du différend » ;

Que sur base de l’article 4 de ladite loi, l’article 8 du règlement grand-ducal du 29 août 1988 précité dispose que « en cas de non-conciliation, le président en dresse procès-verbal dont expédition est adressée aux parties intéressées », tandis que son article 10 porte en son alinéa 1er que « en cas de non-conciliation le procès-verbal en est transmis dans un délai de quarante-huit heures au président du Conseil d’Etat à la requête de la partie la plus diligente qui joint à la requête toutes autres pièces jugées utiles » ;

Considérant que d’après l’article 5, alinéa 1er de la loi du 24 décembre 1985 en question « lorsqu’en cas d’échec de la procédure de conciliation et, le cas échéant, de la médiation, le personnel décide de recourir à la grève, la cessation concertée du travail doit être précédée d’un préavis écrit », dont les caractéristiques sont tracées par l’alinéa 2 dudit article 5 ;

Considérant que l’article 10 de la loi du 24 décembre 1985 en question prévoit le calcul de la privation de rémunération dans le chef des membres du personnel absents de service par suite de cessation concertée du travail et ouvre contre la décision de retenue de rémunération un recours au fond devant le tribunal administratif ;

Considérant que si les différends à la base de la demande en conciliation sont le cas échéant susceptibles de donner lieu à des décisions individuelles ouvrant une possibilité de recours contentieux à leur encontre, hypothèse dont n’est pas saisie le tribunal actuellement, force est de constater que la procédure de conciliation instituée par les loi du 24 décembre 1985 et règlement grand-ducal du 29 août 1988 précités, en ce qu’elle tend à éviter, sinon postposer dans la mesure du possible un recours à la grève, cessation concertée du travail, à travers un effort collectif des parties concernées à arbitrer par un magistrat de l’ordre judiciaire dans le cadre de la commission de conciliation, puis par le médiateur, président ou membre délégué du Conseil d’Etat, ne tend nullement à la prise de véritables décisions administratives de nature à faire grief ;

Considérant que si dans l’hypothèse de conciliation ou de médiation réussie, l’absence de décisions administratives faisant grief est patente, la même analyse s’impose dans l’hypothèse de non-conciliation, que ce soit devant la commission de conciliation du secteur communal ou devant le médiateur ;

Considérant que si en cas de non-conciliation le différend est susceptible d’être soumis, comme en l’espèce, au médiateur, la non-conciliation constatée avec transfert du dossier opéré à travers la dépêche présidentielle, ne constitue qu’un acte intérimaire aboutissant soit à une médiation, soit à une non-médiation, dont l’une et l’autre se caractérisent par l’absence de décision administrative faisant grief, étant entendu que plus particulièrement en cas de non-conciliation, le médiateur, amené à soumettre aux parties des propositions en vue du règlement du différend, ne pose de la sorte aucun acte décisionnel pouvant donner ouverture à un recours contentieux ;

Considérant qu’il suit des développements qui précèdent qu’aucun recours contentieux devant les juridictions de l’ordre administratif n’est envisageable à l’encontre de la dépêche présidentielle déférée, s’analysant comme un acte intérimaire posé dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant abouti à des propositions du médiateur, non susceptibles à leur tour d’être qualifiées de décisions administratives individuelles ;

Qu’il s’ensuit que tant en ce qu’il tend à la réformation qu’à l’annulation de la dépêche présidentielle déférée, le recours est irrecevable, sans que le tribunal ne soit amené, pour des raisons d’effet utile, d’analyser d’autres aspects de la recevabilité du recours, notamment quant à la qualité pour agir de la …-…, association sans but lucratif figurant parmi les parties demanderesses, compte tenu de la question non autrement documentée de l’existence d’une personnalité juridique dans son chef, ni de poser des questions plus en avant concernant l’obligation éventuelle de mise en intervention de telles parties également représentées à la commission de conciliation et non appelées à la présente instance ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 février 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15220
Date de la décision : 03/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-03;15220 ?

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