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03/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15100

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2003, 15100


Numéro 15100 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juillet 2002 Audience publique du 3 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15100 du rôle, déposée le 9 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Catherine THILL-KAMITAKI, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le …, de nationa...

Numéro 15100 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juillet 2002 Audience publique du 3 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15100 du rôle, déposée le 9 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Catherine THILL-KAMITAKI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le …, de nationalité chinoise, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 avril 2002 portant rejet de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 septembre 2002;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er octobre 2002 par Maître Catherine THILL-KAMITAKI pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Catherine THILL-

KAMITAKI et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 novembre 2002.

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Par demande déposée le 4 juillet 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l'Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, Monsieur …, préqualifié, sollicita l'obtention d'une autorisation de séjour dans le cadre de la campagne dite de régularisation de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

Suite à une demande afférente dudit service commun du 19 novembre 2001, son employeur, Monsieur …, soumit des pièces supplémentaires destinées à documenter le séjour au pays de Monsieur … du 1er juillet 1998 au 15 mai 2001.

Par décision du 26 avril 2002 cosignée par les ministres du Travail et de l’Emploi et de la Justice, cette demande fut rejetée aux motifs énoncés comme suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 04 juillet 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Par ailleurs, le dossier tel qu’il a été soumis au Service Commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour provisoire.

Vous êtes invité de quitter le Luxembourg endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois ».

Le recours gracieux formé par Monsieur … suivant courrier de son mandataire du 24 mai 2002 s’étant soldé par une décision confirmative des mêmes ministres du 29 mai 2002, il a fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle initiale du 29 mai 2002 par requête déposée le 9 juillet 2002.

Dans la mesure où ni la loi prévisée du 28 mars 1972, ni aucune autre disposition légale n’instaure un recours au fond en matière d’autorisation de séjour, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’il a commencé, sur base d’un contrat de travail signé le 29 août 2001, à travailler comme aide cuisinier au restaurant…, appartenant à son beau-frère …, et que toutes les démarches administratives pour la déclaration d’entrée au centre commun de la sécurité sociale et pour l’obtention d’un permis de travail et d’une autorisation de séjour auraient été accomplies. Il affirme que la motivation de la décision ministérielle attaquée serait contredite par les éléments du dossier dans la mesure où il réunirait les conditions fixées par la loi pour l’obtention d’une autorisation de séjour, à savoir son aptitude au travail, des moyens financiers propres et une résidence connue. Il fait valoir plus particulièrement que ses moyens propres seraient constitués par le salaire perçu du chef de son occupation salariée prévisée, que le fait de ne pas disposer à l’heure actuelle d’un permis de travail « est dû et lié à la pratique courante du refus de permis en cas de non obtention d’autorisation de séjour et vis versa » et que « cette pratique, cette harmonisation parfaite entre les deux administrations compétentes, constitue de leur part un excès de pouvoir sanctionné par l’annulation » des décisions attaquées.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’au vœu de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, une autorisation de séjour pourrait être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers, et que la preuve des moyens d’existence devrait être rapportée par la production d’un permis de travail certifiant que l’intéressé peut légalement s’adonner à un travail au pays, de manière qu’à défaut d’un permis de travail pour le poste occupé par le demandeur, celui-ci ne pourrait être considéré comme disposant de moyens d’existence et que les décisions ministérielles de refus seraient justifiées.

Le demandeur fait répliquer qu’il disposerait des moyens financiers requis pour vivre sans devoir compter sur des moyens procurés par des tiers, alors qu’il aurait un travail et un salaire. Il entend voir considérer le moyen du délégué du Gouvernement relatif à l’absence d’un permis de travail comme dilatoire, étant donné qu’il serait « loisible aux Administrations de faire obstacle à l’application de la loi en agissant d’un commun accord sur des domaines délicats tels que le séjour et le permis de travail des étrangers ». Il ajoute qu’il cotiserait à la sécurité sociale et paierait ses impôts et que les administrations accepteraient ces paiements sans se heurter au fait qu’il se trouve en séjour irrégulier.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées, p.149). Le ministre dispose d'un pouvoir d’appréciation dans chaque espèce pour déterminer si la condition de disposer de moyens personnels suffisants est remplie et si elle justifie l'octroi ou le refus de l'entrée et du séjour au Grand-Duché de Luxembourg, étant entendu que ses décisions sont susceptibles d’être soumises au juge administratif dans le cadre d’un recours en annulation (Cour adm. 12 novembre 2002, Muhovic, n° 15102C, non encore publié).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l'intéressé d'assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail et qu'il n'est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas.

adm 2002, v° Etrangers, n° 125 et autres références y citées).

En l’espèce, eu égard aux considérations ci-avant faites, la production par le demandeur du contrat de travail signé le 29 août 2001 avec Monsieur … … et des fiches documentant les rémunérations perçues du chef de cette occupation salariée n’est pas de nature à établir l’existence de moyens personnels suffisants dans son chef, étant donné qu’il reste en défaut d’établir l’existence d’un permis de travail y relatif, légalement requis en application de l’article 26 de la loi précitée du 28 mars 1972 qui dispose qu’aucun étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail. En effet, le défaut de permis de travail fait obstacle à l’exécution légale et régulière du contrat de travail invoqué à l’appui de la demande en obtention d’une autorisation de séjour, de sorte que la rémunération perçue à travers la relation de travail mise en expectative ne saurait être considérée, au jour de la prise de la décision déférée, comme ayant été légalement acquise par le demandeur.

A défaut par le demandeur d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Au-delà de ces considérations tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, il ressort des éléments en cause que le demandeur a soumis sa demande en obtention d’une autorisation de séjour sur pied de la brochure intitulée « Régularisation du 15.3 au 13.7.2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », éditée par le service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, et que le demandeur s’est prévalu de la catégorie C de cette brochure, visant les personnes résidant de façon ininterrompue au Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins.

Or, abstraction faite de toute question de constitutionalité ou de légalité des critères fixés par la brochure susvisée pour les différentes catégories de personnes visées par la mesure de régularisation, force est de relever que le demandeur a déclaré lui-même dans le cadre de sa demande de régularisation résider au Grand-Duché depuis le 15 août 1998 seulement, ce qui ressort par ailleurs également d’autres pièces au dossier, de sorte que sa demande ne saurait être accueillie sur base du cas de figure posé par la catégorie C de la brochure.

Le demandeur reste enfin entièrement en défaut d’étayer concrètement son reproche d’excès de pouvoir avancé de manière générale et tiré d’une prétendue pratique des ministères de la Justice et du Travail et de l’Emploi de refuser une autorisation de séjour à défaut de permis de travail et vice versa, de manière que ce moyen doit également être écarté.

Il résulte de l’ensemble des développements supra que c’est à bon droit que le ministre a refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au demandeur et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 février 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, M. SPIELMANN, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15100
Date de la décision : 03/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-03;15100 ?

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