La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2003 | LUXEMBOURG | N°15071

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 février 2003, 15071


Numéro 15071 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2002 Audience publique du 3 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15071 du rôle et déposée le 1er juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ariane KORTÜM, avocat à la Cour, assistée

par Maître Claudia MONTI, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avo...

Numéro 15071 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 1er juillet 2002 Audience publique du 3 février 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15071 du rôle et déposée le 1er juillet 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Ariane KORTÜM, avocat à la Cour, assistée par Maître Claudia MONTI, avocat, toutes les deux inscrites au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 12 avril 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux par le même ministre en date du 30 mai 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 novembre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claudia MONTI, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 janvier 2003.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Le 25 mai 2000, Monsieur …, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur … fut en outre entendu en dates des 18 octobre 2000 et 24 octobre 2001 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Monsieur … par courrier datant du 12 avril 2002, notifié par lettre recommandée en date du 23 avril 2002, de ce que sa demande avait été rejetée au motif que son récit relativement à l’assassinat allégué de son père ne serait que peu crédible alors qu’il ignorerait la date exacte de ce prétendu assassinat et que par ailleurs les imprécisions et contradictions lors de son audition rendraient la totalité de son récit peu crédible. Le ministre a relevé en outre que le fait pour le demandeur de ressortir d’une famille persécutée en raison de son appartenance à la minorité grecque ne saurait suffir pour lui voir reconnaître la qualité de réfugié, faute de précisions au sujet des problèmes auxquels il risquerait d’être exposé, le ministre ayant relevé par ailleurs que la vie politique se serait stabilisée dans toute l’Albanie depuis l’année 1999, de sorte qu’une persécution systématique de membres de l’opposition de la part du régime actuellement en place serait à exclure.

Par courrier de son mandataire du 22 mai 2002, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée du 12 avril 2002. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 30 mai 2002, il a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des décisions ministérielles de rejet prévisées des 12 avril et 30 mai 2002 par requête déposée le 1er juillet 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Ledit recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir apprécié à ses justes proportions sa situation individuelle. Il fait valoir que les membres de sa famille seraient considérés dans leur pays d’origine comme des persécutés politiques pour avoir toujours été adhérents sans exception du Parti Démocratique, le « Camë », dont l’activité politique les aurait amené à subir de nombreuses et diverses persécutions. Il relève à cet égard que son père aurait été assassiné sous ses propres yeux en raison vraisemblablement de sa qualité de président de l’association du Camë, voisine du Parti Démocratique, qui lutte pour la liberté et l’égalité de la minorité catholique en Albanie. Il expose craindre pour sa propre vie, sinon d’encourir une longue et sévère peine d’emprisonnement dans son pays d’origine en raison de la place importante qu’aurait occupé son père dans l’association Camë, laquelle serait encore très mal vue par les dirigeants actuellement en place. Le demandeur se réfère en outre au fait que sa maison aurait été détruite par des bombes pour soutenir qu’il serait actuellement terrifié à l’idée de devoir retourner dans son pays d’origine non seulement par crainte d’être tué, mais également de par son activité de défense des droits d’une minorité catholique dans un pays musulman, et à cause de l’assassinat de son père.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé. Il rappelle en outre les contradictions et imprécisions au niveau du récit du demandeur telles que relevées déjà au niveau de la motivation des décisions déférées.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2002, v° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de ses auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, même au-delà de toute considération tenant à la crédibilité du récit du demandeur, les actes de persécution invoqués par le demandeur émanant à son avis de personnes relevant de l’Etat, ne sauraient générer une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que dans l’hypothèse où les autorités spécifiquement compétentes pour la poursuite et la répression des actes de persécution commis encouragent ou tolèrent ces actes, ou sont incapables d’entreprendre des démarches d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion contre la commission de tels actes de la part de personnes au service de l’Etat.

Dans cette hypothèse, il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en exergue par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves CARLIER : Qu’est-

ce qu’un réfugié ?, p. 113, n° 73 et suivants).

En l’espèce, les éléments du dossier ne permettent pas de retenir que le demandeur a concrètement recherché la protection des autorités en place dans son pays d’origine, ni l’incapacité de ces dernières pour lui assurer un niveau de protection suffisant, ni encore le défaut de toute poursuite des actes de persécution commis à l’encontre notamment de son père.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, de manière que c’est à bon droit que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 février 2003 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

Schmit Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15071
Date de la décision : 03/02/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-02-03;15071 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award