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29/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14985

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 janvier 2003, 14985


Numéro 14985 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2002 Audience publique du 29 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14985 du rôle, déposée le 4 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or

dre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, de...

Numéro 14985 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 juin 2002 Audience publique du 29 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 14985 du rôle, déposée le 4 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 28 février 2002 lui refusant la délivrance d’une autorisation de séjour;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 novembre 2002.

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En date du 12 avril 1999, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.

Un recours contentieux introduit par Monsieur … contre les décisions du ministre de la Justice des 11 octobre 2000 et 18 janvier 2001 portant refus dudit statut dans son chef, fut déclaré non justifié par jugement du tribunal administratif du 11 octobre 2001, qui fut confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 8 janvier 2002.

Suivant courrier de son mandataire du 17 janvier 2002, Monsieur … introduisit auprès du ministre de la Justice une demande principalement en octroi du statut de tolérance au sens de l’article 13 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, sinon subsidiairement en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires.

Par décision du 28 février 2002, le ministre de la Justice refusa de faire droit à cette double demande au motif, d’une part, que Monsieur … ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants et, d’autre part, qu’il ne ferait pas état de raisons humanitaires justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour au Luxembourg.

Par requête déposée le 4 juin 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 28 février 2002.

En l’absence de disposition légale instaurant un recours au fond en matière d’autorisation de séjour et de statut de tolérance, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre de ne pas avoir tenu compte de ses moyens d’existence réels et d’avoir déduit le défaut de ressources financières de son ancien statut de demandeur d’asile. Il soutient que la décision attaquée devrait dès lors encourir l’annulation, d’une part, en ce que le ministre n’aurait pas vérifié la réalité de l’absence de moyens de subsistance et, d’autre part, en ce qu’on ne saurait exiger de la part d’un demandeur d’asile débouté d’être en possession de moyens de subsistance, alors que le statut de demandeur d’asile impliquerait une interdiction légale de se livrer à toute activité lucrative durant la période d’examen de sa demande s’étant terminée en l’espèce le 8 janvier 2002, date de l’arrêt de la Cour administrative.

Le demandeur critique encore l’absence, dans la décision attaquée du 28 février 2002, de toute prise de position quant à sa demande principale en obtention du statut de tolérance.

Le délégué du Gouvernement rétorque qu’il existerait une seule base légale régissant l’entrée et le séjour des étrangers, à savoir la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, laquelle s’appliquerait également à un demandeur d’asile définitivement débouté. Sur pied du constat que le demandeur n’était pas titulaire d’un permis de travail l’autorisant à occuper un emploi salarié au pays, il fait valoir que le ministre aurait valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée en raison du défaut de moyens d’existence personnels suffisants conformément à l’article 2 de ladite loi du 28 mars 1972. Le représentant étatique fait encore valoir, quant à la demande en obtention du statut de tolérance, que l’article 13 (3) de la loi prévisée du 3 avril 1996 prévoit la possibilité de tolérer provisoirement sur le territoire un demandeur d’asile débouté si l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait, de manière à ne viser que le seul cas de figure de l’empêchement matériel au retour au pays, tandis que le demandeur, dans le cadre de ses développements dans son courrier du 17 janvier 2002, a fait état de ses craintes de persécution en cas de retour au Monténégro, lesquelles auraient déjà fait l’objet d’un examen dans le cadre de sa demande d’asile et ne sauraient partant pas constituer des circonstances de fait pouvant empêcher l’exécution matérielle d’un éloignement vers le Monténégro.

L’article 13 de la loi prévisée du 3 avril 1996 dispose que « (1) Si le statut de réfugié est refusé au titre des articles 10 ou 11 qui précèdent, le demandeur d’asile sera éloigné du territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 (…) (3) Si l’exécution matérielle de l’éloignement s’avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre de la Justice peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu’au moment où ces circonstances de fait auront cessé. (4) Une attestation de tolérance est remise à l’intéressé. (…) ».

Cet article vise l’hypothèse dans laquelle un demandeur d’asile s’est vu refuser le statut de réfugié et où l’exécution matérielle de son éloignement s’avère impossible. Il ressort clairement de ce texte que l’impossibilité de l’exécution immédiate d’un éloignement en raison de circonstances de fait constitue le seul cas d’ouverture pour l’octroi du statut de tolérance. Or, force est de constater en l’espèce que le demandeur n’apporte aucun élément permettant au tribunal de vérifier si une exécution matérielle de son éloignement était impossible, mais qu’il se borne à réitérer les arguments déjà avancés à l’appui de sa demande d’asile, lesquels ont néanmoins été rejetés comme insuffisants pour fonder une crainte justifiée de persécution par les décisions ministérielles et judiciaires susvisées. Il s’ensuit que le refus du statut de tolérance était justifié et que le moyen afférent du demandeur est à rejeter.

Concernant la demande subsidiaire en obtention d’une autorisation de séjour, telle que formulée par le demandeur dans le courrier du 17 janvier 2002 soumis pour son compte au ministre, l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits, et de visa si celui-ci est requis, – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, n° 9669, Pas. adm. 2002, v° Etrangers, n° 121 et autres références y citées).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l'intéressé d'assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu'il n'est pas en possession d'un permis de travail et qu'il n'est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm 2002, v° Etrangers, n° 125 et autres références y citées).

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que le demandeur était, à la date de la décision ministérielle attaquée, autorisé à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire qu’il s’adonnait légalement à une activité indépendante, et qu’il pouvait partant disposer de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis.

Plus particulièrement, eu égard aux considérations ci-avant faites, le reproche du demandeur tenant au défaut de vérification par le ministre de la réalité de ses moyens de subsistance tombe ainsi à faux, la condition de la légalité de leur perception ne se trouvant pas établie en l’espèce. En outre, l’argument du demandeur sur pied de l’interdiction légale de se livrer à toute activité lucrative durant la période d’examen de sa demande d’asile n’est pas non plus de nature à énerver la légalité de la décision ministérielle déférée, étant donné que cette interdiction a cessé ses effets au moment du prononcé du rejet définitif de la demande d’asile du demandeur à travers l’arrêt de la Cour administrative du 8 janvier 2002 et qu’il incombait dès lors au demandeur, dans le cadre de sa demande en obtention d’une autorisation de séjour formulée par courrier du 17 janvier 2002 et donc postérieure en date, de satisfaire à l’ensemble des conditions posées par la législation applicable à la délivrance d’une telle autorisation.

Concernant finalement les motifs humanitaires sur lesquels le demandeur a entendu fonder sa demande en obtention d’une autorisation de séjour, force est de constater que le demandeur reste en défaut de préciser à quel titre et sur quelle base légale il entend se voir accorder une autorisation de séjour pour raisons humanitaires.

Il résulte de l’ensemble des développements supra que c’est à bon droit que le ministre a refusé l’octroi du statut de tolérance et la délivrance d’une autorisation de séjour au demandeur et que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, donne acte au demandeur qu’il bénéficie de l’assistance judiciaire, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 janvier 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, M. SPIELMANN, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14985
Date de la décision : 29/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-29;14985 ?

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