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29/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14961

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 janvier 2003, 14961


Tribunal administratif N° 14961 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mai 2002 Audience publique du 29 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14961 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 mai 2002 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom d

e M. …, né le …, de nationalité polonaise, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du m...

Tribunal administratif N° 14961 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mai 2002 Audience publique du 29 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14961 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 mai 2002 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de M. …, né le …, de nationalité polonaise, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 11 mars 2002, répertoriée sous le numéro 44.215, lui refusant l’octroi du permis de travail pour un emploi auprès de la société à responsabilité limitée …, établie et ayant son siège social à L-…, en qualité de chauffeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 octobre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 novembre 2002 par Maître Pol URBANY au nom du demandeur ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 18 décembre 2002 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 décembre 2002 par Maître Pol URBANY au nom du demandeur ;

Vu la lettre de Maître Pol URBANY du 8 janvier 2003 dans laquelle il informe le tribunal que suite à une erreur de calepin, il ne s’est pas présenté à l’audience du 6 janvier 2003 fixée pour les plaidoiries de l’affaire, tout en précisant qu’il n’avait plus rien à ajouter à ses écrits ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries.

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Par arrêté du 11 mars 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après appelé le « ministre », refusa le permis de travail à Monsieur … pour un emploi de chauffeur auprès de la société à responsabilité limitée … « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes - des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place et : 118 chauffeurs de camions, dont 39 avec remorque, inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

- occupation irrégulière depuis le 06.08.2001 ;

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recrutement à l’étranger non autorisé ».

Contre cette décision ministérielle, Monsieur … a fait introduire le 29 mai 2002 un recours en annulation.

Le mémoire complémentaire déposé en nom et pour compte du demandeur le 30 décembre 2002 ne saurait être pris en considération, étant donné qu’à défaut d’ordonnance du président du tribunal ou du président de la chambre appelée à connaître de l’affaire admettant les parties à produire un mémoire supplémentaire, l’article 7 alinéa 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives dispose qu’il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive.

Il convient encore de relever que le fait que le demandeur n’a pas été représenté lors de l’audience fixée pour plaidoiries ne porte pas à conséquence et le jugement est néanmoins réputé rendu contradictoirement entre parties, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que le demandeur a pris position par écrit, notamment par le fait de déposer une requête introductive d’instance, ainsi qu’un mémoire en réplique.

Le recours est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur estime que :

- l’arrêté ministériel déféré est motivé de manière insuffisante et stéréotype sans tenir compte de sa situation précise, cette insuffisance de motivation équivalant à une absence de motivation devant entraîner l’annulation de l’arrêté déféré ;

- la motivation énoncée est erronée, en ce sens que le défaut de déclaration de la vacance de poste ne saurait être reprochée qu’au seul employeur, mais que le salarié ne devrait pas en pâtir ;

- le refus de délivrance d’un permis de travail ne saurait se fonder sur une occupation irrégulière ;

- le recrutement à l’étranger ne saurait constituer un motif de refus d’un permis de travail.

Dans sa réplique, le demandeur soutient encore que le poste à occuper – visant un chauffeur disposant d’un permis lui permettant de conduire un camion avec remorque et acceptant de travailler les journées de samedi et dimanche (fret aérien) avec compensation de journées libres en semaine - aurait été déclaré vacant préalablement à son embauche.

Concernant le motif de refus tiré d’un recrutement à l’étranger illicite, le demandeur se fonde sur différentes décisions de jurisprudence pour conclure que l’omission de l’employeur de solliciter l’accord préalable de l’Administration de l’Emploi, ci-après dénommée l’« ADEM », en vue de recruter un travailleur à l’étranger ne saurait lui être reproché.

Concernant le motif d’annulation basé sur un défaut d’indication suffisante des motifs, qui est préalable, il y a lieu de relever qu’une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-

ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tandis que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, dispose que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et qu’une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base.

Or, en l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 11 mars 2002 énonce 4 motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, cette motivation ayant utilement été complétée et explicitée par les mémoires en réponse et en duplique du délégué du gouvernement, de sorte que le demandeur n’a pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il y a lieu d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision ministérielle déférée, étant relevé qu’une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

En l’espèce, parmi les quatre motifs invoqués à la base du refus ministériel déféré figure celui du défaut d’autorisation du recrutement à l’étranger, telle qu’exigée par l’article 16 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi.

Il est encore constant en cause que le demandeur est de nationalité polonaise et il n’est pas allégué, ni a fortiori établi par ce dernier qu’à la date de sa demande en obtention du permis de travail ou, plus particulièrement, au moment de la prise de la décision ministérielle attaquée, il a disposé d’un titre de séjour valable pour le Grand-Duché de Luxembourg, légalement requis.

Or, un travailleur n’ayant pas d’autorisation de séjour valable au Grand-Duché de Luxembourg est à considérer comme ayant été recruté à l’étranger (cf. Cour adm. 7 novembre 2000, n°11962C du rôle, Pas. adm. 2002, V° Travail, n°41, et autres références y citées).

L’article 16 de la loi précitée du 21 février 1976 précise que le recrutement de travailleurs à l’étranger est de la compétence exclusive de l’ADEM, sauf le cas de figure spécial où un ou plusieurs employeurs, sur demande préalable, ont été autorisés par cette administration à procéder eux-mêmes à un tel recrutement « pour compléter et renforcer les moyens d’action de l’administration, notamment lorsque le déficit prononcé de main-d’œuvre se déclare » (doc. parl. n°1682, commentaire des articles ad. art.16).

En l’espèce, au vœu des dispositions de l’article 16 (2) précité, l’employeur ayant eu l’intention d’engager Monsieur …, non ressortissant de l’Union Européenne, ni d’un pays faisant partie de l’Espace Economique Européen, aurait dû solliciter en premier lieu auprès de l’ADEM l’autorisation de recruter un travailleur à l’étranger.

Cette obligation est corroborée par les dispositions du même article 16 à travers son paragraphe (1) fixant le principe pour l’ADEM d’un monopole en vue de procéder au recrutement des travailleurs en dehors de l’Espace Economique Européen pour les raisons « inhérentes à la surveillance du marché d’emploi, ensuite pour des motifs concernant la santé publique, l’ordre public et sécurité publique, enfin dans l’intérêt de la protection de l’emploi et de la main-d’œuvre occupé dans le pays » (doc. parl. n°1682 loc.cit).

Par voie de conséquence, l’arrêté ministériel déféré est légalement justifié par le seul motif de refus tenant au recrutement non autorisé à l’étranger du demandeur par l’employeur intéressé, abstraction faite du caractère pertinent ou non des autres motifs invoqués à sa base, entraînant que l’analyse des moyens proposés y relativement devient surabondante.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

écarte des débats le mémoire complémentaire déposé en nom et pour compte du demandeur le 30 décembre 2002 ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, et lu à l’audience publique du 29 janvier 2003, par le président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14961
Date de la décision : 29/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-29;14961 ?

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