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27/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15286

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 janvier 2003, 15286


Tribunal administratif Numéro 15286 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 août 2002 Audience publique du 27 janvier 2003 Recours formé par Madame … et consorts, Luxembourg contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15286 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 août 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Madame …, née le …, ainsi que de ses quatre enfants, Monsieu

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Tribunal administratif Numéro 15286 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 22 août 2002 Audience publique du 27 janvier 2003 Recours formé par Madame … et consorts, Luxembourg contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15286 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 août 2002 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg au nom de Madame …, née le …, ainsi que de ses quatre enfants, Monsieur…, né le…, …, née le…, …, né le … et …, née le…, tous de nationalité yougoslave et nés à …, demeurant actuellement ensemble à L -…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice intervenue le 27 mai 2002 en ce qu’il a rejeté leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et d’une décision confirmative du même ministre du 22 juillet 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Edmond DAUPHIN déposé au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en sa plaidoirie à l’audience du 13 janvier 2002.

Le 9 octobre 2001, Madame …, agissant en son nom propre, ainsi qu’en celui de ses quatre enfants mineurs, introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 7 février 2002, respectivement le 29 avril 2002, Madame … et Monsieur … furent entendus séparément par un agent du ministère de la Justice sur leur situation et sur leurs motifs à la base de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 27 mai 2002, notifiée le 17 juin 2002, le ministre de la Justice informa la famille … que leur demande a été refusée comme non fondée au motif qu’ils n'invoqueraient aucune crainte justifiée de persécution en raison de leurs opinions politiques, de leur race, de leur religion, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe social.

Le 17 juillet 2002, la famille … fit déposer un recours gracieux contre cette décision.

Par décision du 22 juillet 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision de refus du 27 mai 2002.

Le 22 août 2002, la famille … a fait déposer, au greffe du tribunal administratif, un recours en réformation contre la décision ministérielle de refus du 27 mai 2002 et celle, confirmative, du 22 juillet 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, les demandeurs, de confession musulmane et faisant partie de la minorité bosniaque du Kosovo, font valoir que leur situation tant ethnique que personnelle ne laisserait aucun doute quant à l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans leur chef. Ils exposent que leur maison, avec tous leurs effets mobiliers aurait été incendiée, ensemble avec une partie des arbres fruitiers qui auraient été saccagés. Ils ajoutent que ces persécutions seraient dues aux Albanais. En s’appuyant sur différents rapports et articles, ils déclarent que la situation pour les Bosniaques serait toujours extrêmement difficile et qu’un retour dans leur pays serait impossible, étant donné que la KFOR serait incapable de les protéger.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En ce qui concerne l’appartenance des demandeurs à la minorité ethnique des Bosniaques au Kosovo, il y a lieu de constater que la simple appartenance à une minorité ethnique est insuffisante à établir une crainte légitime de persécution, étant donné qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que les membres de la famille …, considérés individuellement et concrètement, risquent de subir des traitements discriminatoires en raison de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

En effet, Madame … répond à la question « Pour quelles raisons avez-vous quitté votre pays d’origine ? » lui posée au cours de l’audition du 7 février 2002 de la façon suivante : « A cause de mon mari. Il nous a quittés, je n’avais pas de revenu pour moi et les enfants. J’avais peur de rester toute seule avec mes enfants. Je savais que j’étais beaucoup plus sûre ici ».

Elle ajoute qu’elle avait peur de la situation et des tensions générales. Son fils aîné confirme les dires de sa mère. La crainte dont ils font état s’analyse en un sentiment général d’insécurité et de peur, lequel ne saurait être qualifié d’une crainte raisonnable de persécution au sens de la Convention de Genève. Il en est de même des considérations avancées qui sont pour la plupart d’ordre matériel et économique.

En fin de compte, s’il est vrai que l’engagement de la Yougoslavie dans un processus de démocratisation ne permet pas d’exclure tout risque de persécution individuelle, le tribunal se doit de constater que les demandeurs restent cependant en défaut d’apporter suffisamment d’éléments concrets lui permettant de retenir un éventuel risque de persécution ou une persécution dans le chef des demandeurs.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a rejeté la demande en obtention du statut de réfugié de la famille … comme étant non fondée.

Malgré le fait que les demandeurs n’étaient pas représentés à l’audience des plaidoiries, l’affaire est néanmoins jugée contradictoirement, étant donné que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite et que la demanderesse a fait déposer une requête écrite.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 27 janvier 2003 :

Mme Lenert, premier juge, Monsieur Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15286
Date de la décision : 27/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-27;15286 ?

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