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21/01/2003 | LUXEMBOURG | N°17002

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 janvier 2003, 17002


Tribunal administratif N° 17002 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2003 Audience publique du 21 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation de faire le commerce

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17002 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2003 par Maître Ender ULCUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant

à L- … , tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du...

Tribunal administratif N° 17002 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 septembre 2003 Audience publique du 21 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisation de faire le commerce

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 17002 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2003 par Maître Ender ULCUN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L- … , tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 24 juin 2003 lui refusant l’autorisation d’établissement en vue de l’exercice d’un commerce dans le domaine agroalimentaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Ender ULCUN déposé au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en sa plaidoirie à l’audience publique du 12 janvier 2004.

En date du 17 mars 2003, Monsieur … sollicita l’autorisation en vue de l’exercice d’un commerce dans le domaine agroalimentaire auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après désigné par « le ministre ».

Le 5 juin 2003, la commission prévue à l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel, ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après dénommée « la loi d’établissement », émit un avis défavorable suite à la demande présentée par Monsieur ….

Par une décision du 24 juin 2003 le ministre refusa de faire droit à cette demande dans les termes suivants :

« Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entretemps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que selon l’avis de la commission y prévue vous ne présentez plus la garantie nécessaire d’honorabilité professionnelle compte tenu de vos agissements dans la faillite de la société … SA (pas de bilans, dettes sociales et fiscales élevées, interposition de personne au profit d’une autre personne, car vous prétendez ne pas vous être occupé de la société).

Comme je me rallie à la prise de position de cet organe de consultation, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l’article 3 et à l’article 5 de la loi susmentionnée (…) ».

A l’encontre de cette décision de refus, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 septembre 2003.

L’article 2, alinéa 6 de la loi d’établissement prévoit expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en matière d’autorisations d’établissement, de sorte que le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit, par ailleurs, suivant les formes et délai de la loi.

En premier lieu, Monsieur … fait valoir que la décision litigieuse violerait les dispositions de l’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. L’article 4 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que : « les avis des organismes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels il se base. Lorsqu’il s’agit d’un organisme collégial, l’avis doit indiquer la composition de l’organisme, les noms des membres ayant assisté à la délibération et le nombre de voix exprimés en faveur de l’avis exprimé. Les avis séparés éventuels doivent être annexés, sans qu’ils puissent indiquer les noms de leurs auteurs ».

En l’espèce, il se dégage des pièces versées en cause que l’avis de la commission du 5 juin 2003 indique clairement sa composition, les noms des membres ayant assisté à la délibération, ainsi que le nombre des voix exprimées en faveur de l’avis exprimé, étant précisé que l’avis a été pris à l’unanimité de ses six membres présents. En plus, l’avis indique clairement sa motivation, telle qu’exigée par l’article 2, alinéa 1 de la loi d’établissement, sous la rubrique consacrée à l’honorabilité professionnelle en indiquant « Avis défavorable – Remarque : En raison de ses agissements dans la faillite de la société … (pas de bilans, dettes sociales et fiscales élevées notamment, interposition de personne car il prétend ne pas s’être occupé de la société au profit d’une autre personne », de sorte que l’avis en question répond aux exigences légales en la matière. Le moyen est partant à rejeter.

En second lieu, Monsieur … fait valoir que la décision ministérielle litigieuse ne serait pas suffisamment motivée, de sorte qu’il serait actuellement dans l’impossibilité de savoir pour quelle raison sa demande d’autorisation d’établissement lui aurait été refusée.

En l’espèce, il se dégage de la décision ministérielle du 24 juin 2003 que le refus d’autorisation est basé sur l’implication de Monsieur … dans la faillite de la société … S.A. en précisant que cette société n’avait pas de bilans, qu’elle avait des dettes sociales et fiscales élevées et que Monsieur … ne se serait pas occupé de ladite société. Cette motivation est suffisamment précise tant en droit qu’en fait et répond comme telle aux exigences légales de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 et de l’article 2, alinéa 2 de la loi d’établissement, de sorte que le demandeur a été en mesure d’assurer utilement la défense de ses intérêts. Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation suffisante de la décision litigieuse est à rejeter.

Quant au fond, il fait valoir que ses antécédents judiciaires ainsi que les éléments du dossier ne permettraient pas de conclure à un manque d’honorabilité professionnelle dans son chef.

Le délégué du Gouvernement fait valoir qu’un manque d’honorabilité professionnelle dans le chef de Monsieur …, compte tenu de ses agissements dans la faillite de la société … S.A., résulterait de suffisance des différentes pièces versées en cause.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … estime qu’il ne serait pas responsable de la faillite de la société … S.A., étant donné qu’il avait engagé une personne qualifiée laquelle était salariée de la société pour s’occuper de la direction et des affaires courantes de ladite société. Il ajoute que cette personne aurait commis plusieurs infractions en relation avec la gestion de la société, qu’elle aurait notamment détourné des fonds, de sorte que la grande partie du passif existant de la société en faillite aurait été causée par les agissements fautifs de cette personne. Il continue qu’il aurait averti le curateur des agissements fallacieux de cette personne tout en faisant référence au rapport du curateur du 28 septembre 2001 duquel il résulte que cette personne est demeurée introuvable malgré des recherches effectuées par la police. Il conclut qu’il serait actuellement injuste de lui faire porter seul le fardeau de cette faillite, d’autant plus qu’il aurait collaboré d’une façon exemplaire avec le curateur, qu’il n’aurait essayé à aucun moment de se soustraire à ses obligations légales, qu’il aurait essayé de contrôler tant qu’il le pouvait les comptes de la société en précisant que des problèmes familiaux et privés l’auraient empêché d’effectuer les vérifications comptables nécessaires.

Enfin il rajoute que la faillite date du mois d’août 2000 et que depuis cette époque il aurait fait preuve d’un comportement exemplaire. Il estime qu’on ne saurait perdre pour toujours son honorabilité professionnelle.

Les dispositions pertinentes en la matière sont inscrites à l’article 3 de la loi d’établissement lequel dispose en son alinéa 1er que « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle–ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité… professionnelle(s) ».

Au vœu de l’article 3, alinéa final « l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ». Ainsi toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, sont à prendre en compte par le ministre pour admettre ou récuser l’honorabilité dans le chef du demandeur de l’autorisation.

Si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef du demandeur, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef du gérant ou de l’administrateur à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, peuvent constituer des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (cf. trib. adm. 18 décembre 2002, n° 15111du rôle, Pas. adm. 2003, V° Autorisation d’établissement, III.

Honorabilité professionnelle, n° 94, p. 77).

En l’espèce, il est établi que Monsieur … était administrateur de la société … S.A depuis sa constitution en date du 16 mai 1997 et détenait 95 des 100 actions de celle-ci. La société exploitait en fait un café et a été déclarée en état de faillite par un jugement du 25 août 2000. Il résulte encore du rapport du curateur de la faillite adressé en date du 28 juin 2001 au Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg que le passif de la société était extrêmement élevé pour atteindre un montant supérieur à 5 millions de francs et un actif de seulement 2000 francs. La société occupait deux salariés qui ne recevaient plus leur salaire à partir de janvier 2000. C’est le Centre commun de la sécurité sociale qui a assigné la société en faillite pour un montant lui revenant pour non-paiement des charges sociales pour les années 1999 à 2000 se chiffrant à 501.412 francs. Le rapport renseigne encore que la société n’avait pas déposé de bilan et que Monsieur … a seulement pu remettre les factures relatives aux années 1997 et 1998.

Force est encore de constater que le Parquet du tribunal d’arrondissement du Luxembourg, dans le cadre de l’enquête en vue de l’instruction de la demande d’autorisation d’établissement sollicitée, a émis un avis défavorable dans les termes suivants : « Le Parquet ne peut qu’émettre ses réserves dans la mesure où suivant les renseignements fournis par le curateur, l’importance du passif de la faillite est considérable (5.656.020.- francs) par rapport à l’actif (2.000.- francs). Il y a lieu de remarquer également qu’aucun bilan n’a été publié. J’en conclus que Monsieur … a fait preuve d’une négligence et insouciance et je me porte sceptique quant à ses nouveaux projets ».

La partie demanderesse, pour réfuter le motif de refus basé sur son implication dans la survenance de la faillite, fait valoir qu’elle avait engagé une personne salariée pour assurer la direction et la gestion courante du café, laquelle se serait rendue coupable d’agissements délictueux et serait responsable des dettes importantes de la société et que lui-même, à cause de ses problèmes personnels, n’aurait pu surveiller convenablement la société.

Force est de constater que s’il est certes loisible à un dirigeant de société d’abandonner certaines tâches à une personne salariée, cette manière de procéder n’est pas pour autant de nature à décharger l’administrateur de son devoir de surveiller le bon déroulement des affaires de la société et de s’assurer que le pouvoir par lui délégué soit exercé avec toutes les prudence et diligence requises.

Monsieur … est en aveu d’avoir manqué à son devoir de contrôle et de surveillance et les explications par lui avancées pour justifier son comportement n’enlèvent rien à la constatation qu’il n’a pas mené ses affaires avec la conscience professionnelle requise.

En plus, le non-paiement prolongé des charges sociales et fiscales obligatoires et l’absence de la tenue d’une comptabilité régulière, ainsi que le fait de n’avoir pas fait plus tôt l’aveu de la cessation des paiements, de manière à limiter le passif de la société, ne concordent pas avec les agissements honnêtes de la profession.

Cette incapacité du demandeur de mener à bien une entreprise, ne peut pas rester sans conséquence au niveau de l’instruction d’une nouvelle demande en autorisation pour l’exercice d’un métier rentrant dans le même objet que celui de la société en faillite, étant donné que la finalité de la procédure d’autorisation préalable consiste précisément à garantir la sécurité de la profession et d’éviter l’échec de futures activités, ceci afin d’assurer la protection des futurs clients ou consommateurs, de sorte que le ministre a valablement pu motiver sa décision en retenant dans le chef de Monsieur … un défaut d’honorabilité professionnelle.

Le moyen avancé par le demandeur qu’on ne saurait perdre pour toujours son honorabilité professionnelle est certes valable dans son principe, mais ne se trouve pas vérifié en l’espèce. En effet la faillite de la société … S.A. date de juillet 2000 pour se situer dans un passé relativement rapproché de la nouvelle demande d’autorisation d’établissement introduite. En plus, Monsieur … ne verse aucune pièce ni n’établit aucun élément de façon à asseoir utilement son comportement allégué comme exemplaire après la mise en faillite de la société … S.A.

De tout ce qui précède, il résulte que le recours en annulation n’est pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié ;

partant en déboute ;

laisse les frais à charge de la partie demanderesse.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 janvier 2004 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge Mme Thomé, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 17002
Date de la décision : 21/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-21;17002 ?

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