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20/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15774

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 janvier 2003, 15774


Tribunal administratif N° 15774 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2002 Audience publique du 20 janvier 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15774 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-...

Tribunal administratif N° 15774 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 décembre 2002 Audience publique du 20 janvier 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15774 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le …, de nationalité bosniaque, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 7 août 2002, notifiée à son conseil le 21 août 2002, ainsi que d’une décision confirmative du 18 novembre 2002, rendue à la suite de l’introduction d’un recours gracieux le 23 septembre 2002, par lesquelles sa demande en obtention du statut de réfugié politique a été déclarée manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 janvier 2003.

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Madame … introduisit en date du 27 juin 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi qu’en date du 5 août 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame …, par lettre du 7 août 2002, notifiée le 21 août 2002, que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au motif qu’elle aurait sciemment fait de fausses déclarations, tant au service de police judiciaire qu’à l’agent du ministère de la Justice.

Le recours gracieux formé par le mandataire de Madame … à l’encontre de la décision ministérielle prévisée à travers un courrier datant du 23 septembre 2002 ayant été rencontré par une décision ministérielle confirmative du 18 novembre 2002, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 7 août et 18 novembre 2002 par requête déposée le 20 décembre 2002.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives. Le recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles litigieuses ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose être originaire de la ville de … en Bosnie Herzégovine, de nationalité bosniaque et de religion musulmane, ainsi que d’avoir quitté son pays d’origine au courant du mois de juin 2002, alors qu’elle aurait fait l’objet de menaces de mort caractérisées de la part d’une partie de la population serbe en raison de sa confession musulmane, ainsi que du fait du comportement de son époux durant la guerre de Bosnie au sein des forces militaires dites « moudjahidin ». Elle fait valoir que ces menaces auraient été d’autant plus sérieuses qu’elle habitait près d’un quartier serbe dont les habitants l’auraient régulièrement et gravement menacée, cette forme de menace s’étant notamment exprimée par le fait qu’une bombe aurait été jetée sur sa maison ainsi que par l’envoi de lettres de menaces d’une gravité telle qu’elle aurait préféré quitter sa maison pour aller trouver refuge dans un premier temps auprès de ses parents, et ensuite rejoindre son époux au Luxembourg. Dans la mesure où les menaces par elle invoquées à l’appui de sa demande seraient liées à sa confession musulmane et que le ministre n’aurait pas remis en cause la crédibilité de ses déclarations, elle estime que ce serait à tort qu’il a considéré sa demande comme étant manifestement dénuée de tout fondement, voire comme reposant sur une fraude délibérée ou constituant un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Elle relève, pour autant que nécessaire, que les problèmes par elle subis seraient de même nature que ceux dont aurait eu à souffrir son époux et que ce dernier, s’étant vu refuser sa demande d’asile politique sur la même base juridique que la sienne, aurait pourtant vu son recours en annulation déclaré fondé suivant jugement du tribunal administratif du 27 février 2002.

Le délégué du Gouvernement rappelle d’abord qu’une crainte avec raison d’être persécuté au sens de la Convention de Genève impliquerait à la fois un élément subjectif et un élément objectif qui doivent tous les deux être pris en considération et que la situation générale du pays d’origine ne justifierait pas à elle seule la reconnaissance du statut de réfugié.

Il fait valoir ensuite que la demanderesse aurait délibérément fait de fausses déclarations tant auprès du ministère de la Justice qu’auprès des services de police judiciaire, en ce sens qu’il résulterait de ses déclarations qu’elle serait entrée clandestinement au Luxembourg et que son passeport serait en Bosnie, mais qu’il se serait avéré qu’elle a obtenu en date du 23 mai 2002 auprès de l’ambassade d’Allemagne à Sarajevo un visa touristique valable du 25 mai au 24 juin 2002, ceci sur base d’une prise en charge effectuée par sa belle-sœur vivant à …. Il relève que par ailleurs les explications de la demanderesse concernant l’existence de cette demande de visa seraient particulièrement confuses, de sorte que ce serait à juste titre que le ministre a fait application de l’article 9, alinéa 1er de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile lorsque un demandeur a délibérément fait de fausses déclarations verbales ou écrites au sujet de sa demande après avoir demandé l’asile », étant entendu que conformément aux dispositions du paragraphe 3 dudit article 6, sa demande ne sera toutefois pas rejetée automatiquement si le demandeur peut donner une explication satisfaisante relative à la fraude ou au recours abusif en matière d’asile lui reprochés.

En l’espèce, il est constant que le ministre de la Justice a reproché à la demanderesse d’avoir fait de fausses déclarations au sujet de son entrée au Grand-Duché de Luxembourg en ce qu’elle a déclaré lors de ses auditions respectives avoir rejoint le Luxembourg de manière clandestine avec l’aide d’un passeur à partir de la Bosnie en passant par la Slovénie et l’Italie, mais qu’il se dégagerait pourtant du rapport établi par la police des étrangers que l’ambassade d’Allemagne à Sarajevo a délivré en date du 23 mai 2002 un visa à la demanderesse pour la période du 25 mai au 24 juin 2002 sur base d’une prise en charge effectuée par sa belle-sœur …demeurant à …. Il est encore constant que la demanderesse, interrogée par l’agent du ministère de la Justice lors de son audition sur l’existence d’une éventuelle demande de visa pour le Luxembourg ou un autre Etat membre de l’Union européenne, a répondu par la négative en précisant qu’elle aurait essayé, mais qu’on lui aurait demandé une procuration de la part de son mari.

Dans la mesure où la demanderesse reste en défaut, tant dans le cadre de son recours gracieux qu’à travers le recours contentieux sous examen, de fournir une explication satisfaisante relativement aux incohérences ci-avant dégagées concernant le fait qu’un visa lui fut effectivement délivré par les autorités allemandes, c’est à juste titre que le ministre a pu avoir recours aux dispositions précitées du règlement grand-ducal du 22 avril 1996.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 janvier 2003 par :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15774
Date de la décision : 20/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-20;15774 ?

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