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20/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15054

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 janvier 2003, 15054


Tribunal administratif N° 15054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2002 Audience publique du 20 janvier 2003

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Recours formé par les époux … et … contre des délibérations du conseil communal de Junglinster concernant la modification du plan d'aménagement général communal et contre la décision ministérielle d'approbation en matière d'urbanisme

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 20 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex KRI

EPS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, ...

Tribunal administratif N° 15054 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juin 2002 Audience publique du 20 janvier 2003

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Recours formé par les époux … et … contre des délibérations du conseil communal de Junglinster concernant la modification du plan d'aménagement général communal et contre la décision ministérielle d'approbation en matière d'urbanisme

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 20 juin 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Alex KRIEPS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, et de son épouse, Madame …, …, les deux demeurant ensemble à L-

…, tendant à l’annulation de la procédure de modification du plan d'aménagement général de la commune de Junglinster telle qu'elle se dégage des délibérations du conseil communal de ladite commune des 31 juillet 2001 et 24 octobre 2001, ainsi qu'à l'annulation de la décision d'approbation du ministre de l'Intérieur du 14 mars 2002;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 26 juin 2002, portant signification dudit recours à l'administration communale de Junglinster;

Vu le mémoire en réponse déposé le 8 août 2002 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement;

Vu le mémoire en réponse déposé le 8 novembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte de l'administration communale de Junglinster;

Vu l'exploit de l'huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, demeurant à Luxembourg, du 13 novembre 2002, portant signification dudit mémoire en réponse aux époux …-…, préqualifiés;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal le 14 novembre 2002 par Maître Alex KRIEPS au nom des demandeurs …-…;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du lendemain, portant signification dudit mémoire en réplique à l'administration communale de Junglinster;

2 Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal le 3 décembre 2002 par Maître Roger NOTHAR au nom de l'administration communale de Junglinster;

Vu l'exploit de l'huissier de justice suppléant Yves TAPELLA, demeurant à Luxembourg, du 6 décembre 2002, portant signification dudit mémoire en duplique aux époux …-…, préqualifiés;

Vu un second mémoire intitulé "mémoire en réplique" déposé au greffe du tribunal le 12 décembre 2002 par Maître Alex KRIEPS au nom des demandeurs …-…;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, de la veille, portant signification dudit mémoire à l'administration communale de Junglinster;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 18 décembre 2002 par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées et notamment les actes attaqués;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Alex KRIEPS et Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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L'article 10 de la partie écrite du plan d'aménagement général de la commune de Junglinster, tel qu'approuvé par décision ministérielle du 5 avril 1989, prévoit la création d'un secteur sauvegardé et d'un secteur de servitudes architecturales dans lesquels des restrictions concernant l'implantation de nouvelles constructions, la démolition ou la modification d'anciennes constructions, ainsi que l'emploi des matériaux de construction sont applicables.

La partie graphique, approuvée à la même date, définit les zones auxquelles ces restrictions étaient applicables.

Estimant que la partie graphique définissant les zones en question avait donné lieu à des divergences d'interprétation, l'administration communale de Junglinster initia, en 1998, une procédure tendant à l'élaboration d'un règlement spécial concernant la zone de protection architecturale sise aux alentours de l'église de Junglinster et à la modification de la partie graphique concernant ladite zone de protection.

Dans son avis, émis le 22 juin 2001 conformément à la procédure prévue par l'article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes, la commission d'aménagement près le ministre de l'Intérieur constata, d'une manière générale, que le centre de Junglinster ne constitue guère un secteur de sauvegarde proprement dite méritant une protection aussi stricte que celle se dégageant du projet communal, et ajouta un certain nombre de considérations de détail.

Par délibération du 31 juillet 2001, le conseil communal de Junglinster approuva provisoirement le règlement spécial concernant la zone de protection architecturale et la modification de la partie graphique délimitant ladite zone.

3 Comme suite à la publication, à la maison communale, des documents ci-avant désignés, huit réclamations furent adressées au collège échevinal, dont celle formulée par les époux … et ….

Ayant été entendus par le collège échevinal le 25 septembre 2001, les réclamants virent leurs objections rejetées par le conseil communal qui approuva définitivement le projet par délibération du 24 octobre 2001.

Dans la suite, les époux …-… adressèrent au ministre de l'Intérieur un courrier dans lequel ils sollicitèrent respectivement l'annulation et la non-approbation de la décision du conseil communal du 24 octobre 2001.

Par avis du 7 mars 2002, la commission d'aménagement recommanda au ministre de l'Intérieur de ne pas faire droit à la réclamation des époux …-… et d'approuver le projet de règlement dans sa forme proposée, ce que ce dernier fit par décision du 14 mars 2002.

Par requête du 20 juin 2002, les époux …-… ont introduit un recours en annulation contre la procédure d'élaboration du plan d'aménagement pour violation des articles 6 à 9 de la loi du 12 juin 1937, précitée, et plus particulièrement contre les délibérations du conseil communal de Junglinster des 31 juillet 2001 et 24 octobre 2001 ayant respectivement porté approbation provisoire et définitive du règlement litigieux, et contre la décision d'approbation du ministre de l'Intérieur du 14 mars 2002.

Dans leur mémoire en réplique déposé le 14 novembre 2002 et signifié le lendemain à la commune de Junglinster, les demandeurs invitent le tribunal à écarter le mémoire en réponse déposé le 8 novembre 2002 pour compte de la commune et signifié le 13 novembre 2002.

La commune ayant fait valoir, à juste titre, dans son mémoire en duplique déposé le 3 décembre 2002 et signifié le 6 décembre, qu'en vertu de l'article 5, alinéa 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, les délais de communication des mémoires sont suspendus entre le 16 juillet et le 15 septembre, de sorte que le mémoire en réponse, respectivement déposé et signifié les 8 et 13 novembre 2002, l'a été dans le délai légal, puisque le mémoire introductif a été signifié le 26 juin 2002, et que, par application de l'article 5, alinéas 1er, en vertu duquel le défendeur est tenu de fournir sa réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive, et 5, précité, le délai afférent n'a expiré que le 26 novembre 2002, les époux …-

…, dans un mémoire intitulé à son tour "mémoire en réplique", déposé le 12 décembre 2002 et signifié la veille, ont déclaré vouloir annuler leur mémoire en réplique signifié le 15 novembre 2002 (en réalité le 11 novembre 2002) et le remplacer par un nouveau "mémoire en réplique" déposé le 12 décembre 2002 et signifié la veille.

En présence d'un mécanisme légal ne permettant à chacune des parties de ne fournir que deux mémoires, dans des délais contraignants, la date de communication de son mémoire par une partie déclenchant, pour le surplus, le cours du délai pour la communication de son mémoire par la partie adverse, la possibilité, pour une partie, de retirer son mémoire et de le remplacer par un autre mémoire subséquent, lui permettrait d'intervertir l'ordre dans lequel les différents mémoires doivent être fournis par les parties au litige et de répondre, le cas échéant, à un mémoire émanant d'une autre partie devant être le dernier légalement admissible. C'est ainsi qu'en l'espèce, le mémoire litigieux déposé au nom des demandeurs fait suite au 4 mémoire en duplique déposé au nom de la commune qui n'est plus légalement admissible à y répondre. Admettre une telle manière de procéder romprait l'équilibre institué par la loi modifiée du 21 juin 1999, précitée, en ce qu'elle permettrait à la partie demanderesse d'avoir la parole en dernier, alors même que la loi la donne à la partie défenderesse.

Il y a partant lieu, sous peine de violer les droits de la défense, d'écarter des débats le "mémoire en réplique" déposé le 12 décembre 2002 et signifié la veille.

L'administration communale dénie aux demandeurs un intérêt suffisamment caractérisé pour agir contre le projet litigieux, étant donné que toutes les maisons situées dans leur voisinage, qui bénéficiaient d'une protection spéciale en vertu de l'ancienne réglementation, continuent à en profiter sous l'empire de la nouvelle réglementation, cette dernière ne faisant qu'apporter des précisions supplémentaires quant aux dispositions à observer lors de la rénovation ou de la transformation éventuelle de ces maisons. Elle ajoute que les demandeurs ont acquis leur maison en 1992, en pleine connaissance de cause de ce que leur maison est située à proximité du complexe scolaire communal bénéficiant de l'assouplissement des règles régissant la zone de protection.

Toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin (trib. adm. 22 janvier 1997, confirmé par arrêt du 24 juin 1997, Pas. adm. 2002, V° Procédure contentieuse, n° 15).

En l'espèce, il se dégage d'un jeu de photographies que les demandeurs ont une vue directe sur les terrains que la commune entend exclure de la zone de protection. S'il est vrai qu'à l'heure actuelle déjà, des bâtiments scolaires modernes se trouvent dans cette zone, la nouvelle réglementation permettra d'y ériger de nouveaux bâtiments d'une conception similaire. Ceci aggravera leur situation de voisins et ne sera tolérable que si la procédure suivie pour y arriver a été légale, ce que les demandeurs ont intérêt à faire vérifier par un tribunal. Il est indifférent, dans ce contexte, qu'en 1992, année d'acquisition de leur immeuble, les demandeurs avaient déjà une vue sur le complexe scolaire, étant donné que le développement de celui-ci, à condition qu'il soit illégal, est de nature à leur causer une gêne supplémentaire au regard du secteur protégé dans lequel leur habitation est située.

C'est partant à tort que la commune dénie aux demandeurs un intérêt légitime à agir.

Le recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, les époux …-… invoquent en premier lieu la nullité de la procédure d'élaboration du plan d'aménagement général au motif que la commission d'aménagement près le ministre de l'Intérieur, légalement prévue, ne saurait valablement délibérer que si la majorité de ses membres est présente. Or, à l'occasion de l'émission de son avis daté du 7 mars 2002, trois seulement sur six membres auraient été présents, ce qui entraînerait la nullité de la procédure d'élaboration du plan.

5 Le délégué du gouvernement, relayé par la commune, rétorque que le règlement ministériel du 10 janvier 1989 déterminant l'organisation et le fonctionnement de la commission d'aménagement prévoit en tant que quorum de présence que trois membres sur six soient présents, de sorte que la présence d'une majorité ne serait pas requise. Il ajoute que l'avis de la commission n'a qu'un caractère consultatif, sans aucune valeur contraignante pour son destinataire. En ordre subsidiaire, il soutient que même un avis irrégulièrement pris n'aurait pas lésé les droits de la défense des demandeurs.

Les demandeurs font remarquer à juste titre que s'il est bien vrai que la commission d'aménagement près le ministre de l'Intérieur, trouvant sa base légale dans l'article 6 de la loi du 12 juin 1937, précitée, a une existence légale, les dispositions régissant son mode de fonctionnement sont en revanche dépourvues de base légale, en raison de l'illégalité du règlement ministériel précité du 10 janvier 1989 qui, par le caractère formel des termes employés ainsi que les prévisions générales et impersonnelles libellées, a la prétention d’être réglementaire, voire normatif et contrevient partant à l'article 36 de la Constitution qui réserve au Grand-Duc le droit de faire des règlements et arrêtés nécessaires à l'exécution des lois (trib.

adm. 30 octobre 2000, Pas. adm. 2002, V° Urbanisme, n° 11).

D'autre part cependant, même en présence d'un règlement administratif n'ayant pas d'existence légale, en vertu de l'adage “ tu patere legem quam fecisti ”, l’autorité administrative, sans pouvoir opposer aux administrés les dispositions d'un tel règlement pour lui dénier des droits, ne peut cependant pas enfreindre son propre règlement, mais doit subir celui dont elle s’est doté (trib. adm. 5 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Lois et règlements, n° 29).

Il s'ensuit que l'administration doit, dans le cadre de la procédure d'élaboration ou de la modification d'un plan d'aménagement, se conformer aux règles contenues au règlement ministériel du 10 janvier 1989.

L'article 2, alinéa 1er dudit règlement dispose que pour que la commission d'aménagement puisse délibérer valablement, la majorité de ses membres doivent être présents.

En vertu de l'article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937, la commission d'aménagement est composée de six membres, de sorte que la majorité est de quatre.

Or, lors de l'élaboration de son avis du 7 mars 2002, la commission d'aménagement n'était composée que de trois membres, de sorte que sa composition était irrégulière au regard des règles de fonctionnement dont l'administration s'est elle-même doté.

Le délégué du gouvernement estime que cette irrégularité ne porterait pas à conséquence, étant donné que l'avis de la commission d'aménagement n'est que facultatif.

S'il est vrai que le ministre de l'Intérieur est libre de suivre ou non l'avis de la commission d'aménagement, cette circonstance est sans incidence sur l'obligation de régularité de la procédure d'élaboration de cet avis.

C'est finalement à tort que le délégué du gouvernement estime que l'irrégularité qui affecte l'avis du 7 mars 2002 n'entraîne pas de lésion des droits de la défense dans le chef des époux …-…, étant donné que, d'une manière générale, une procédure viciée d'élaboration d'une 6 décision administrative prive précisément l'administré des garanties destinées à prendre en compte, de manière adéquate, ses intérêts, et que, dans le cas d'espèce, une commission composée régulièrement aurait pu, le cas échéant, après la confrontation des opinions de ses membres, arriver à une conclusion différente de celle qui a donné lieu à la décision ministérielle litigieuse et influer ainsi différemment sur la décision finale.

Il est vrai que l'avis vicié n'a pu avoir une influence que sur la décision ministérielle du 14 mars 2002 ayant approuvé la délibération du conseil communal de Junglinster du 24 octobre 2001 portant approbation définitive de la modification du plan d'aménagement général, et non sur les votes et décisions antérieurs, également attaqués.

Etant donné, cependant, que l'annulation de la décision ministérielle du 14 mars 2002 aura comme conséquence que le plan d'aménagement général modifié n'entrera pas en vigueur, et qu'il est possible qu'après renvoi devant le ministre de l'Intérieur, les époux …-… obtiennent satisfaction, l'examen des moyens d'illégalité dirigés contre les autres actes administratifs attaqués est prématuré.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, écarte le mémoire intitulé "mémoire en réplique" déposé le 12 décembre 2002 au nom des demandeurs, reçoit le recours en la forme, au fond le déclare partiellement justifié, partant annule la décision du ministre de l'Intérieur du 14 mars 2002 approuvant la délibération du conseil communal de Junglinster portant adoption définitive du règlement spécial avec partie graphique concernant la zone de protection architecturale sise aux alentours de l'église de Junglinster, le déclare prématuré pour le surplus, condamne l'Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Ravarani, président, M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, et lu à l'audience publique du 20 janvier 2003 par le président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15054
Date de la décision : 20/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-20;15054 ?

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