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20/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14976

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 janvier 2003, 14976


Tribunal administratif N° 14976 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juin 2002 Audience publique du 20 janvier 2003

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice, du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14976 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2002 par Maître Pol

URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né...

Tribunal administratif N° 14976 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 juin 2002 Audience publique du 20 janvier 2003

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Recours formé par les époux … et … et consorts, … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice, du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14976 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2002 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, et de son épouse, Madame …, née le …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et .., ainsi que de leur enfant majeur …, tous de nationalité macédonienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision émanant du ministre de la Justice et du ministre du Travail et de l’Emploi, datant du 1er mars 2002, par laquelle la délivrance d’une autorisation de séjour leur fut refusée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er juillet 2002 ;

Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 21 novembre 2002 ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2002 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2002 par Maître Pol URBANY, assisté de Maître Pascale HANSEN, au nom des consorts …-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Teresa ANTUNES MARTINS, Pascale HANSEN et Messieurs les délégués du Gouvernement Guy SCHLEDER et Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 4 novembre et 16 décembre 2002.

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A la suite d’une demande afférente présentée en date du 13 juillet 2001 par Monsieur … et son épouse Madame …, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants communs…, … et …, les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi prirent le 1er mars 2002 une décision conjointe, portant refus de leur accorder une autorisation de séjour, au motif qu’ils ne disposeraient pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis leur permettant de supporter leurs frais de séjour au Luxembourg, «indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à [leur] faire parvenir » et que « [leur] dossier tel qu’il a été remis au Service Commun [des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse] ne permet pas au Gouvernement de [leur] accorder la faveur d’une autorisation de séjour provisoire, ni à [leur] famille ».

Par requête déposée le 3 juin 2002, les consorts …-… ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 1er mars 2002.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs soutiennent en premier lieu que la décision ministérielle déférée du 1er mars 2002, portant refus d’autorisation de séjour, aurait été prise par un organe incompétent, en ce que la demande afférente aurait été déposée auprès d’un service commun regroupant trois ministères différents, à savoir les ministères du Travail et de l’Emploi, le ministère de la Justice et le ministère de la Famille, mais qu’elle n’aurait cependant été signée que par deux ministres, à savoir le ministre de la Justice ainsi que le ministre du Travail et de l’Emploi et qu’il manquerait partant la signature du ministre de la Famille.

Force est de constater, comme l’a relevé à bon droit le délégué du Gouvernement, qu’en l’état actuel de la législation, une décision relative à l’entrée et au séjour d’un étranger au Grand-Duché au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, relève de la seule compétence du ministre de la Justice, ceci conformément aux dispositions de l’article 11 de ladite loi et sous les restrictions y énoncées tenant notamment au fait que les décisions afférentes sont prises sur proposition du ministre de la Santé lorsqu’elles sont motivées par des raisons de santé publique.

Il s’ensuit qu’en dépit du fait que la demande en obtention d’une autorisation de séjour du demandeur a été introduite auprès d’un service commun regroupant des représentants des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et que cette demande a par ailleurs été traitée dans le cadre de la procédure de régularisation des sans-papiers ainsi désignée, seul le ministre de la Justice est légalement investi de la compétence pour statuer en la matière.

Ainsi, le défaut de signature du ministre de la Famille, face à la compétence exclusive du ministre de la Justice en la présente matière, n’est pas de nature à affecter la légalité des décisions attaquées, cette conclusion n’étant pas ébranlée par le fait que l’instruction du dossier a été faite, en tout ou partie, par un service commun regroupant des représentants de plusieurs ministères.

Les demandeurs font en outre valoir que leur demande sanctionnée par les décisions déférées a été présentée dans le cadre de la procédure dite de régularisation mise en place par le service commun des trois ministères concernés sur base de critères retenus par le Gouvernement et renseignés dans une brochure intitulée « Informations pratiques pour personnes concernées - Régularisation du 15 mai au 13 juillet 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », et que, eu égard à la maladie d’une gravité exceptionnelle dont souffrirait leur fils aîné, … …, ils rangeraient plus particulièrement dans la catégorie D) des personnes pouvant être régularisées, cette catégorie concernant précisément les personnes résidant au Luxembourg depuis au moins le 1er janvier 2000 et qui sont atteintes d’une maladie d’une gravité exceptionnelle ne leur permettant pas de retourner, endéans un an, dans leur pays d’origine. Ils exposent que leur fils … souffrirait de tuberculose et que cette maladie nécessiterait une bonne guérison, ainsi que des soins qui ne seraient pas garantis lors d’un retour en Macédoine.

Les demandeurs font valoir que la motivation à la base de la décision déférée, en ce qu’elle repose sur l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, pour retenir qu’ils ne disposeraient pas de moyens d’existence suffisants légalement acquis leur permettant de supporter leurs frais de séjour au Luxembourg indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à leur faire parvenir, serait fausse, alors que dans le cadre de la campagne de régularisation applicable en l’espèce, les critères d’éligibilité seraient différents de ceux prévus par ladite loi modifiée du 28 mars 1972.

Ils énoncent encore à ce sujet, qu’au vu des pièces demandées par les autorités administratives compétentes, en l’occurrence 1. le formulaire de demande, 2. un document d’identité, 3.

l’adresse effective et 4. un rapport médical détaillé et dûment motivé, sous pli fermé avec la mention « à l’attention du médecin conseil », les ministres n’auraient pas été en droit de prendre leur décision sur base d’un élément et d’une pièce qui ne leur ont pas été demandés.

Au cas où le tribunal estimerait qu’ils devraient néanmoins prouver la possession de moyens personnels suffisants pour survivre au Luxembourg sans l’aide d’une tierce personne ou organisation, les demandeurs font valoir qu’ils avaient, pour autant que de besoin, joint à leur demande un certificat contenant une promesse d’engagement à durée indéterminée dans l’hypothèse où Monsieur … aurait obtenu une autorisation de travail et de séjour légale. Ils estiment dès lors que les ministres, lors de l’examen de leur demande, auraient dû prendre en considération cette pièce pour retenir qu’ils rempliraient les conditions pour obtenir un permis de travail, de sorte qu’ils auraient partant rapporté la preuve de disposer de moyens de subsistance personnels suffisants.

Le délégué du Gouvernement fait valoir que la décision déférée serait basée sur la loi précitée du 28 mars 1972. Comme les demandeurs, au moment de la prise des décisions ministérielles, n’auraient pas été en possession d’un permis de travail et n’auraient partant pas été autorisés à occuper un emploi au Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi, ce serait à juste titre que le ministre se serait basé sur l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 pour leur refuser l’autorisation de séjour au Luxembourg à défaut de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis.

Le tribunal ayant prononcé la rupture du délibéré afin de permettre au délégué du Gouvernement de verser en cause le dossier administratif dans son volet renseignant l’instruction de la demande de régularisation des consorts … et de préciser le cas échéant sous quel aspect cette demande a été examinée, voire refusée, le délégué du Gouvernement a précisé d’abord que Monsieur … était demandeur d’asile et qu’il avait déposé une demande afférente en date du 22 juin 1999. Quant à l’applicabilité des conditions posées par la brochure de « régularisation », il fait valoir que conformément aux motions afférentes de la Chambre des Députés datant des 14 mars et 22 mars 2001, la procédure de régularisation telle qu’énoncée dans la brochure ne serait pas applicable aux demandeurs d’asile en cours de procédure ou déboutés. A titre subsidiaire, il relève à tous fins utiles que les consorts … ne rempliraient en tout état de cause pas les critères de régularisation tels que définis dans la brochure, étant donné que leur demande tendait à les voir ranger dans la catégorie D, ayant trait aux cas de personnes atteintes d’une maladie d’une gravité exceptionnelle, mais que en l’espèce, il se dégagerait d’un avis du médecin de contrôle du 16 août 2001 que l’enfant … … ne serait pas atteint d’une maladie d’une particulière gravité.

Dans leur mémoire additionnel, les demandeurs insistent sur le fait que le ministre aurait dû motiver sa décision par rapport aux critères de régularisation énoncés dans la brochure et que la décision déférée devrait partant encourir l’annulation pour défaut de base légale.

L’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, V° Etrangers 2. Autorisations de séjour – Expulsions, n° 121 et autres références y citées, p. 205).

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal, que les demandeurs disposaient de moyens personnels propres suffisants et légalement acquis au moment où les décisions attaquées furent prises.

Plus particulièrement, eu égard aux considérations ci-avant faites, Monsieur … a tort de soutenir que la promesse d’engagement établie en date du 12 juillet 2001 par la société … serait de nature à établir l’existence de moyens personnels suffisants dans son chef, étant donné qu’il reste en défaut d’établir l’existence d’un permis de travail, légalement requis en application de l’article 26 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, qui dispose qu’aucun étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail. En effet, le défaut d’un permis de travail fait obstacle à l’exécution légale et régulière du contrat de travail invoqué à l’appui de la demande en obtention d’une autorisation de séjour, de sorte que la rémunération escomptée à travers la relation de travail mise en expectative ne saurait être considérée, au jour de la prise des décisions litigieuses, comme ayant été légalement acquise par le demandeur.

A défaut pour les demandeurs d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels, le ministre de la Justice a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour sollicitée sur base de ce motif.

Au-delà de ces considérations tenant à l’application directe de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972, les demandeurs entendent tirer argument du fait qu’à travers la brochure intitulée « Régularisation du 15.3 au 13.7. 2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », éditée par le service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, le Gouvernement aurait fixé des critères particuliers en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour, applicables en l’espèce.

Force est cependant de constater qu’en tout état de cause et au-delà de toute question relative à l’applicabilité des critères énoncés dans cette brochure au cas des demandeurs pris notamment en leur qualité de demandeurs d’asile, il se dégage des pièces versées en cause que les demandeurs restent en défaut d’établir qu’ils rempliraient le cas échéant les conditions édictées par la prédite brochure prise plus particulièrement sous son point D). En effet, tel que relevé par le délégué du Gouvernement dans son mémoire complémentaire, il se dégage clairement de la conclusion du médecin de contrôle auquel la demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raison médicale fut soumise pour avis que « l’enfant … n’est pas atteint d’une affection médicale d’une gravité telle que le retour au pays d’origine soit impossible », ledit avis datant du 16 août 2001 et les demandeurs n’ayant fourni aucun élément en cause de nature à contredire utilement cette conclusion.

Force est dès lors de constater qu’il se dégage des éléments de fait qui précèdent que les demandeurs ne remplissent pas les critères énoncés dans la brochure de « régularisation » ayant trait à la catégorie D), de sorte que le ministre pouvait à juste titre refuser l’octroi d’une autorisation de séjour en l’espèce.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 janvier 2003 par:

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, M. Spielmann, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14976
Date de la décision : 20/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-20;14976 ?

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