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16/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15797

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 janvier 2003, 15797


Tribunal administratif N° 15797 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15797 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, né le 28 avril 1971 à Haiphong (Vietnam), d...

Tribunal administratif N° 15797 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15797 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, né le 28 avril 1971 à Haiphong (Vietnam), demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 juillet 2002, notifiée le 22 juillet 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative implicite, rendue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Pascale HANSEN, en remplacement de Maître Louis TINTI, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Madame … introduisit en date du 23 mai 2002 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.Madame … fut en outre entendue le 10 juin 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice l’informa, par lettre recommandée du 17 juillet 2002, notifiée en date du 22 juillet 2002, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « Il ressort du rapport de la Police Judiciaire que début février 2002 vous auriez quitté votre domicile au Vietnam en partant en train de Hanoi vers Pékin où vous auriez été prise en charge par une personne qui vous aurait accompagnée jusqu’à Chita en Sibérie. De là vous seriez partie en voiture et en train jusqu’à Kiev pour vous rendre par voie aérienne à Moscou où vous auriez été prise en charge par un passeur vietnamien. A bord de plusieurs voitures et divisés en petits groupes vous auriez traversé la Turquie pour vous rendre en Allemagne où vous auriez rencontré Madame NGUYEN avec laquelle vous seriez venue au Luxembourg où vous seriez arrivée le 23 mai 2002 moyennant le payement d’une somme modeste. Une certaine Madame LUONG, que vous auriez rencontrée à la gare centrale vous aurait montré le bureau d’accueil des demandeurs d’asile.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 23 mai 2002.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté le Vietnam parce que votre mari vous aurait régulièrement frappée même au-delà du divorce à l’occasion duquel il avait reçu le droit de visite de ses enfants. A chaque fois que vous refusiez de lui donner de l’argent qu’il réclamait auprès de vous pour subvenir à ses besoins d’opium et pour éponger ses dettes de jeu, il vous aurait battue. Vous continuez que votre plainte que vous auriez faite auprès de la police locale n’aurait pas donné de suite, celle-ci étant totalement désintéressée à enquêter sur ce genre de problèmes familiaux. Mis à part le fait que votre mari vous aurait battue, vous alléguez que vous n’auriez pas eu d’argent pour élever vos enfants ni pour payer leurs études.

Selon l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Par ailleurs, l’article 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, dispose que « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Or, force est de constater que vous avez basé votre demande d’asile sur des motifs d’ordre personnel et familial, sans citer un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Le fait que vous auriez quitté le Vietnam parce que votre mari vous aurait battue ne constitue manifestement pas un acte de persécution, car il ne rentre pas dans le cadre d’un motif de persécution prévu par la Convention de Genève de 1951. Les raisons économiques que vous évoquez encore, à savoir le fait que vous ne seriez pas à même de financer l’éducation de vos enfants, ne justifient pas non plus l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève (…) ».

Un recours gracieux daté au 22 août 2002, dirigé contre la décision précitée du 17 juillet 2002, ne fit pas l’objet d’une réponse ministérielle.

Par requête déposée en date du 23 décembre 2002, Madame … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 17 juillet 2002 et de la décision ministérielle implicite de rejet de son recours gracieux.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, dispose expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation est par ailleurs recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, la demanderesse reproche au ministre de la Justice d’avoir retenu qu’elle n’aurait pas invoqué de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif à la base de sa demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié politique, alors que tel ne serait pas le cas, dans la mesure où elle serait confrontée à de graves problèmes relationnels avec son ex-époux, que sa vie aurait été menacée et que les autorités judiciaires vietnamiennes n’auraient pas été en mesure d’apporter une quelconque solution à cette situation. Dans ce contexte, la demanderesse souligne encore qu’il aurait été inutile pour elle de déposer une plainte auprès de la police alors que « la police n’intervient pas parce qu’elle considère que ce sont des problèmes familiaux, même si la femme est battue jusqu’à la mort ». Etant donné que la crédibilité des faits par elle exposés ne saurait être remise en cause, la demanderesse estime tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 93, p. 199 et autres références y citées).

Force est de constater que les faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile ont trait, tel que cela ressort non seulement de la requête introductive d’instance, mais également du contenu du recours gracieux du 22 août 2002 et du procès-

verbal d’audition du 10 juin 2002, à des problèmes familiaux qu’elle aurait connus dans son pays d’origine, notamment suite à son divorce avec son mari qui l’aurait régulièrement battue.

A cela s’ajoute que le fait que les autorités compétentes du pays d’origine de la demanderesse refuseraient d’intervenir pour la protéger des sévices de son ex-mari, respectivement qu’elles ne seraient pas en mesure de la protéger efficacement reste non seulement à l’état de simple affirmation, mais toute connotation avec un des motifs prévues par la Convention de Genève n’est même pas alléguée.

Il se dégage dès lors des déclarations effectuées par la demanderesse auxquelles il est fait référence ci-dessus que, comme l’a retenu à bon droit le ministre de la Justice, sa demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que ladite demande a été rejetée comme étant manifestement infondée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 janvier 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15797
Date de la décision : 16/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-16;15797 ?

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