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16/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15791

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 janvier 2003, 15791


Tribunal administratif N° 15791 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15791 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2002 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellem...

Tribunal administratif N° 15791 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15791 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2002 par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mitrovica (Kosovo/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 septembre 2002, notifiée le 2 octobre 2002, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée une demande en obtention du statut de réfugié introduite par le demandeur, ainsi que d’une décision confirmative prise par ledit ministre le 20 novembre 2002, suite à un recours gracieux du demandeur ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Pascale HANSEN, en remplacement de Maître Olivier LANG, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 16 août 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi qu’en date du 20 août 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 5 septembre 2002, notifiée le 2 octobre 2002, le ministre de la Justice l’informa que cette demande était rejetée. La motivation de ladite décision ministérielle se lit comme suit :

« Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté votre domicile le 12 août 2002 pour aller d’abord en Albanie. Vous avez pris ensuite place dans un camion, conduit par un Albanais, qui vous a emmené jusqu’à Bari / Italie. De là, vous avez poursuivi votre voyage jusqu’au Luxembourg où vous êtes arrivé le 16 août 2002.

Vous avez déposé votre demande en obtention du statut de réfugié le 16 août 2002.

Vous exposez que vous n’avez pas fait votre service militaire, car vous n’y auriez pas été convoqué.

Vous expliquez que votre maison serait située dans la partie nord de Mitrovica, partie habitée essentiellement par des Serbes. Vous auriez essayé à plusieurs reprises de réintégrer votre maison mais les Serbes vous auraient mal accueilli. Finalement, en juin 2002, ils vous auraient chassé de chez vous. Vous seriez donc toujours contraints, vous et votre famille, de vivre chez des parents, au sud de Mitrovica.

Vous n’auriez été membre d’aucun parti politique.

Je vous informe que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi, et surtout, par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécutions au sens de la Convention de Genève.

Je constate que vous reconnaissez n’avoir aucun problème dans le quartier sud de Mitrovica. Vous en auriez seulement assez de vivre chez des membres de votre famille qui mettent une pièce à votre disposition. Il ne ressort cependant pas de votre dossier qu’il vous aurait été impossible de vous installer définitivement au sud de Mitrovica, ceci d’autant plus que c’est dans cette partie de la ville que votre père exerce le métier de policier.

Or, l’article 4 du Règlement Grand-Ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, prévoit que « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible.» Par conséquent, votre demande en obtention du statut de réfugié est refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) » Suite à un recours gracieux formulé par lettre du 4 novembre 2002 à l’encontre de cette décision ministérielle, le ministre de la Justice confirma sa décision initiale le 20 novembre 2002.

Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation des décisions ministérielles prévisées des 5 septembre et 20 novembre 2002 par requête déposée le 23 décembre 2002.

L’article 10 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoyant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi précitée de 1996, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai prévus par la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient en substance que les décisions ministérielles attaquées seraient basées sur une erreur manifeste d’appréciation des circonstances de droit et de fait.

Dans cet ordre d’idées, le demandeur expose être originaire de la partie nord de la ville de Mitrovica et être de confession musulmane, qu’après avoir fui, ensemble avec ses père et mère et ses frères et sœurs, leur maison d’habitation en 1998, pour se réfugier, chez des parents dans la partie sud de ladite ville, ils auraient essayé de se réinstaller dans leur maison d’habitation en 2002, mais qu’ils en auraient à nouveau été chassés par des Serbes.

Sur ce, il soutient que le ministre aurait tort de retenir qu’il aurait reconnu ne pas avoir connu de problèmes dans la partie sud de Mitrovica, pareille reconnaissance ne se dégageant pas du dossier administratif et il reproche au ministre de ne pas rapporter la preuve de ce que, dans la partie sud de Mitrovica, il pourrait bénéficier d’une protection efficace des autorités chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité publique.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur qui aurait reconnu lors de son audition du 20 août 2002 n’avoir eu aucun problème en habitant dans le quartier sud de Mitrovica, excepté celui du logement. Il ajoute qu’à la question relative aux conséquences d’un éventuel retour dans son pays, il aurait répondu ne pas penser y retourner parce qu’il n’a pas de logement sur place, sa famille n’ayant qu’une pièce à sa disposition, pour en conclure que le demandeur n’aurait pas fait état d’une impossibilité de s’installer dans cette zone de Mitrovica Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile».

En vertu de l’article 4 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsque le demandeur d’asile, invoquant des persécutions qui sont limitées à une zone géographique déterminée, aurait pu trouver une protection efficace dans une autre partie de son propre pays, qui lui était accessible ».

En l’espèce, force est de constater que le demandeur fait essentiellement état de persécutions ou de risques de persécutions émanant des Serbes habitant la partie nord de la ville de Mitrovica en raison de son appartenance à la minorité musulmane y résidant. Les moyens formulés par le demandeur se limitent ainsi à une zone géographique déterminée de sa ville d’origine et il ne se prévaut pas, abstraction faite de problèmes matériels, qui ne sauraient rentrer dans le champ d’application de la Convention de Genève, d’une persécution ou d’un risque de persécution au sens de ladite convention ni pour ce qui concerne la partie sud de Mitrovica ni encore pour ce qui concerne le reste du territoire du Kosovo, voire les autres régions de la République Fédérale de Yougoslavie.

A partir des éléments ainsi dégagés, il y a lieu de conclure que la situation du demandeur est en principe susceptible de s’inscrire dans le cas d’ouverture de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996.

Cette même disposition subordonne néanmoins le rejet d’une demande d’asile comme étant manifestement infondée en raison d’une possibilité de fuite interne au double constat qu’il existe un endroit sur le territoire du même Etat d’origine qui est raisonnablement accessible au demandeur d’asile et que celui-ci pourrait y séjourner tout en bénéficiant d’une protection efficace.

Etant donné que dans le cadre d’un recours en annulation, la mission du juge administratif implique l’examen de l’existence et de l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée et la vérification si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée (Cour adm. 17 juin 1997, n° 9481C, Pas. adm.

2002, v° Recours en annulation, n° 8, p. 511 et autres références y citées), le tribunal est amené à vérifier en l’espèce s’il y a lieu d’admettre à partir des éléments du dossier lui soumis que le demandeur disposait effectivement d’un accès raisonnable à une autre partie du territoire yougoslave au moment de la prise de la décision déférée et qu’il y pouvait bénéficier d’une protection efficace.

Comme il ressort des éléments du dossier, qu’entre 1998 et 2002, le demandeur et sa famille ont pu résider sans connaître de problèmes de persécutions concrets dans la partie sud de Mitrovica, comme il ne fait pas non plus état d’un quelconque empêchement de pouvoir retrouver refuge dans ladite partie de sa ville natale ou dans une autre partie de son pays d’origine et comme un défaut de protection efficace ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier, il y a lieu de considérer que le demandeur disposait effectivement d’une possibilité de fuite interne raisonnable à l’intérieur de son pays d’origine au moment de la prise de la décision déférée.

Il s’ensuit que le ministre a valablement pu se fonder sur l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 22 avril 1996 pour rejeter la demande d’asile du demandeur comme étant manifestement infondée, de manière à ce que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 16 janvier 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15791
Date de la décision : 16/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-16;15791 ?

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