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16/01/2003 | LUXEMBOURG | N°13756

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 janvier 2003, 13756


Tribunal administratif N° 13756 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2001 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de l’Environnement et une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 24 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscr

it au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, de...

Tribunal administratif N° 13756 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2001 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de l’Environnement et une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de promotion

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 24 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 avril 2001, par laquelle ce dernier a informé le ministre de l’Environnement qu’il se ralliait à un avis de l’administration du personnel de l’Etat, d’une décision du ministre de l’Environnement du 23 avril 2001 par laquelle ce dernier s’est rallié à « l’avis » précité du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 avril 2001, en refusant ainsi la nomination de Monsieur … au grade 15 à la fonction d’ingénieur-chef de division et, subsidiairement, d’une décision implicite de refus du ministre de l’Environnement résultant du silence gardé par lui pendant un délai de plus de trois mois à la suite de l’introduction d’une demande du 7 février 2001 de Monsieur … tendant à l’obtention d’une promotion au grade 15 à la fonction d’ingénieur-chef de division ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 janvier 2002 au nom de Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Dominique FARYS, en remplacement de Maître Romain ADAM, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Par un courrier du 27 février 2001, le directeur de l’administration de l’Environnement transmit au ministre de l’Environnement une demande formulée par Monsieur …, dans un courrier du 7 février 2001, par laquelle ce dernier demanda à être nommé ingénieur-chef de division, relevant du grade 15, avec effet rétroactif au mois de novembre 2000.

A la suite de la transmission de cette demande par le ministre de l’Environnement au ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, aux fins de faire examiner la demande de promotion à la fonction d’ingénieur-chef de division de Monsieur …, le directeur de l’administration du personnel de l’Etat émit en date du 28 mars 2001 l’avis négatif suivant :

« Monsieur …, ingénieur principal hors cadre à l’Administration de l’Environnement, demande une promotion à la fonction d’ingénieur chef de division.

Dans sa demande, Monsieur … fait valoir que l’article 29 de la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat aurait abrogé toutes les dispositions légales et réglementaires contraires à cette même loi, et plus particulièrement celles contraires aux modalités d’avancement y déterminées, donc également l’article 7 de la loi de 1980. Cet argument a été également avancé dans l’amendement 17 ajoutant un article 52 au projet de loi concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2001 et visant, justement, l’abrogation de l’article 7 de la loi cadre relative à l’Administration de l’Environnement (document parlementaire NO 4700, session 2000-2001).

Cependant, le Conseil d’Etat s’est opposé formellement à cet amendement, dont il a demandé la suppression et la loi du 22 décembre 2000 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 2001 n’en a finalement pas tenu compte.

En vertu de ce qui précède, l’article 7 de la loi du 27 novembre 1980 ayant pour objet la création d’une administration de l’environnement, disposant : « Afin d’obtenir une nomination aux fonctions d’ingénieur principal, d’ingénieur chef de division, … les ingénieurs et ingénieurs inspecteurs doivent justifier d’une spécialisation acquise par un cycle d’études d’au moins une année sanctionnée par un ou plusieurs diplômes ou certificats … » garde toute sa valeur. Dans ce cadre, je me permets également de vous faire parvenir ci-joint une copie de notre avis du 11 octobre 1999.

Sous ces conditions, Monsieur … ne peut être nommé à la fonction d’ingénieur chef de division que sous réserve de respecter les conditions de l’article 7 précité de la loi modifiée du 7 novembre 1980 ».

Par un transmis daté du 9 mars 2001, mais qui aurait en réalité dû être daté du 9 avril 2001, d’après les explications fournies par les parties au cours de l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée, notamment en raison du fait que ce transmis est nécessairement postérieur à l’avis précité de l’administration du personnel de l’Etat du 28 mars 2001, auquel il se réfère, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative communiqua l’avis précité du 28 mars 2001 au ministre de l’Environnement en déclarant se rallier à l’avis précité.

Par un transmis daté au 24 avril 2001, réceptionné par l’administration de l’Environnement le lendemain, le ministre de l’Environnement communiqua au directeur de l’administration de l’Environnement le transmis précité du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 avril 2001, en déclarant s’y rallier et avec prière d’en informer l’intéressé, ce qui a été fait en date du 25 avril 2001 suivant la note figurant en bas du transmis précité du directeur de l’administration de l’Environnement.

Par requête déposée le 24 juillet 2001, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des prétendues décisions précitées des 9 et 23 avril 2001 et, subsidiairement, d’une décision implicite de refus du ministre de l’Environnement résultant du silence gardé par lui pendant une période de plus de trois mois à la suite de l’introduction d’une demande présentée par le demandeur dans sa lettre précitée du 7 février 2001 tendant à se voir nommer au grade 15 à la fonction d’ingénieur-chef de division.

Aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction en matière d’accession d’un fonctionnaire à un grade supérieur au sien, voire un refus de ce faire, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours en annulation, dans la mesure où il est dirigé contre les décisions des 9 et 23 avril 2001 émanant tant du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative que du ministre de l’Environnement, matérialisant dans leur globalité la décision de refus de faire droit à la demande présentée par Monsieur … dans son courrier du 7 février 2001 tendant à se voir nommer au grade 15 à la fonction d’ingénieur-chef de division, est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, de sorte qu’il n’y a pas lieu de prendre position quant à une éventuelle décision implicite de refus du ministre de l’Environnement résultant du silence gardé par lui à la suite de l’introduction de la demande précitée du 7 février 2001, contre laquelle le recours a été introduit à titre subsidiaire.

A l’appui de son recours, le demandeur expose qu’à la suite de son entrée au service de l’Etat en 1979, il a été classé depuis 1981 dans la carrière moyenne de l’ingénieur-technicien, qu’il a été promu, en 1996, au grade 13 de cette carrière, qui constitue le dernier grade de la carrière moyenne, qu’en application de la loi fixant les conditions et les modalités de l’accès du fonctionnaire à une carrière supérieure à la sienne, et après l’accomplissement d’un examen-concours, il est passé à la carrière supérieure de l’ingénieur, en étant classé hors cadre au grade 14, c’est-à-dire au grade qui est immédiatement supérieur à celui qu’il avait atteint dans la carrière initiale et qu’il occupe depuis le 5 novembre 1999.

Il estime qu’il remplit toutes les conditions légales pour accéder au grade 15 du cadre fermé, tel que déterminées par la loi modifiée du 28 mars 1986 portant harmonisation des conditions et modalités d’avancement dans les différentes carrières des administrations et services de l’Etat et que dans la mesure où les deux fonctionnaires, également ingénieurs principaux, auxquels il a été rattaché en sa qualité de fonctionnaire classé hors cadre, ont été nommés, par arrêté grand-ducal du 7 décembre 2000, à la fonction d’ingénieur-chef de division auprès de l’administration de l’Environnement, il aurait également dû obtenir un tel avancement en grade.

Il soutient que ce serait à tort que les ministres de l’Environnement et de la Fonction publique et de la Réforme administrative ont invoqué, en se ralliant à l’avis de l’administration du personnel de l’Etat du 28 mars 2001, l’article 7 de la loi du 27 novembre 1980 ayant pour objet la création d’une administration de l’Environnement pour lui reprocher de ne pas disposer de la spécialisation telle qu’exigée par l’article en question, en soutenant que lors de son accession au grade 14, sur base de la loi du 14 novembre 1991 fixant les conditions et les modalités de l’accès du fonctionnaire à une carrière supérieure à la sienne, une telle spécialisation n’aurait pas été exigée de sa part, de sorte que ses avancements futurs aux grades 15 et suivants devraient également se faire en application de la loi précitée du 14 novembre 1991, sans que l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980 ne puisse « constituer un obstacle à cet avancement », en ce que cet article aurait été « explicitement, sinon implicitement » abrogé par la loi précitée du 28 mars 1986 et plus particulièrement par l’article 29 de celle-ci.

A titre subsidiaire, le demandeur expose que même au cas où il devrait justifier d’une spécialisation afin de pouvoir accéder au grade 15, il estime en disposer en application de l’article 13 (1) de la loi précitée du 27 novembre 1980, au vu de son expérience professionnelle.

Le délégué du gouvernement soutient tout d’abord que malgré le fait que l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980 exige la justification d’une spécialisation acquise par un cycle d’études d’au moins une année sanctionnée par un ou plusieurs diplômes ou certificats en vue de la nomination notamment aux fonctions d’ingénieur-

principal et d’ingénieur-chef de division, ladite exigence n’aurait pas pu être opposée à Monsieur … lors de sa nomination aux fonctions d’ingénieur-principal du grade 14, étant donné qu’une telle exigence aurait été contraire aux dispositions figurant dans la loi précitée du 14 novembre 1991, en rendant ainsi impossible le changement de carrière afin d’accéder de la carrière moyenne à la carrière supérieure de l’administration de l’Environnement. Toutefois, cette spécialisation pourrait être requise de la part de Monsieur … à partir du moment où, au sein de la carrière supérieure à laquelle il appartient, il entend accéder à un grade supérieur, étant donné qu’il devrait alors « nécessairement remplir les mêmes conditions et exigences que tous les autres fonctionnaires de cette carrière, et plus particulièrement, en l’espèce, l’accomplissement d’une spécialisation ». A l’appui de son argumentation, il invoque l’article 19 de la loi précitée du 14 novembre 1991, suivant lequel les promotions ultérieures du fonctionnaire ayant changé de carrière resteraient soumises aux dispositions légales réglementant cette nouvelle carrière.

Le représentant étatique n’est pour le surplus pas accord avec l’interprétation du demandeur suivant laquelle l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980 aurait été abrogé implicitement par l’article 29 de la loi également précitée du 28 mars 1986, au motif qu’une abrogation, pour pouvoir être retenue, devrait être expresse et précise.

Enfin, en ce qui concerne la conclusion subsidiaire suivant laquelle Monsieur … disposerait de la spécialisation telle qu’exigée par l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980, il soutient que dans la mesure où Monsieur … n’aurait pas fait partie de la carrière supérieure au moment où la loi en question est entrée en vigueur, il ne serait pas en droit d’invoquer cette « possibilité », en ce qu’il n’aurait pas pu être visé par la disposition transitoire figurant à l’article 13, paragraphe 1er de la loi précitée de 1980.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur développe à nouveau ses arguments tendant à faire constater que l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980 aurait été implicitement abrogé par la loi précitée du 28 mars 1986, en se référant notamment à un amendement n° 17 déposé dans le cadre de la loi budgétaire pour l’exercice 2001, ayant eu pour objet l’abrogation explicite de l’article 7 en question, auquel toutefois le Conseil d’Etat se serait opposé en estimant qu’il n’y aurait pas urgence à insérer une disposition afférente dans la loi budgétaire en question. Il soutient à ce titre que l’amendement en question aurait eu pour seul objet de consacrer expressément l’abrogation implicite de l’article 7 en question et que le seul fait pour le Conseil d’Etat de s’opposer à l’insertion de ce texte dans la loi budgétaire ne signifierait pas qu’en fait ledit article 7 aurait déjà fait l’objet d’une abrogation implicite du fait de la loi précitée du 28 mars 1986.

En ce qui concerne la justification de la spécialisation telle que requise par l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980, le demandeur expose que l’article 13 de la même loi viserait justement les personnes ayant acquis au moment de l’entrée en vigueur de cette loi l’expérience professionnelle ainsi visée et il soutient que le fait que la loi du 14 novembre 1991 ne soit entrée en vigueur qu’à une date postérieure à l’entrée en vigueur de la loi précitée du 27 novembre 1980 ne saurait influencer cette conclusion, d’autant plus qu’il existerait un règlement grand-ducal du 5 février 1979 ayant déjà à l’époque réglementé les conditions et les modalités suivant lesquelles un fonctionnaire peut accéder à une carrière supérieure à la sienne. Partant, l’expérience professionnelle acquise par lui à un moment où il faisait encore partie de la carrière moyenne devrait néanmoins lui profiter dans la carrière supérieure à laquelle il a accédé par un changement de carrière.

Enfin, le demandeur estime avoir le droit d’avancer au grade 16 de l’ingénieur première classe, au motif que les deux personnes auxquelles sa situation serait rattachée seraient en droit d’être nommées en décembre 2001 au grade 16 en question.

Nonobstant le fait qu’aucune des parties à l’instance n’a pris position sur la compétence des autorités ayant pris les décisions litigieuses, et dans la mesure où il s’agit d’une question que le tribunal doit analyser d’office, en ce qu’il s’agit d’un moyen d’ordre public, il échet de relever que s’il est vrai que, conformément à l’article 35 de la Constitution, c’est le Grand-Duc qui est investi du pouvoir de nommer aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle, une décision ministérielle de refus de soumettre au Grand-Duc un projet d’arrêté de nomination peut néanmoins s’analyser en une décision prise dans l’exercice de prérogatives de puissance publique qui, lorsqu’elle constitue une étape finale dans la procédure, est de nature à faire grief à la personne concernée en affectant directement sa situation personnelle et à lui causer un préjudice individualisé.

Il s’ensuit que les deux décisions ministérielles critiquées des 9 et 23 avril 2001 s’analysent en des décisions de refus de soumettre au Grand-Duc, seule autorité investie du pouvoir de nomination en la matière, un projet d’arrêté de nomination conforme aux expectatives du demandeur et comme telles susceptibles d’un recours contentieux. Ces décisions n’encourent partant pas l’annulation pour défaut de compétence des organes les ayant prises.

Aux termes de l’article 6 de la loi précitée du 14 novembre 1991 « le fonctionnaire qui occupe un emploi hors cadre tel qu’il est défini à l’alinéa 1er de l’article en question pourra avancer hors cadre aux fonctions du cadre fermé de sa nouvelle carrière lorsque les fonctions de même grade sont atteintes par les fonctionnaires en rang égal ou immédiatement inférieur à sa nouvelle carrière ».

Dans la mesure où le demandeur souhaite accéder, à partir du grade 14 de la carrière ouverte au grade 15 du cadre fermé et où les deux fonctionnaires … et … auxquels il a été rattaché, suivant les conclusions concordantes des deux parties à l’instance, ont été nommés au grade 15 au poste d’ingénieur-chef de division auprès de l’administration de l’Environnement par arrêté grand-ducal du 7 décembre 2000, le demandeur devrait en principe avoir droit à la même nomination.

Toutefois, d’après l’article 7, alinéa 1er de la loi précitée du 27 novembre 1980, « afin d’obtenir une nomination aux fonctions d’ingénieur-principal, d’ingénieur chef de division, (…), les ingénieurs inspecteurs et les ingénieurs doivent justifier d’une spécialisation acquise par un cycle d’études d’au moins une année sanctionné par un ou plusieurs diplômes ou certificats ».

Il est constant qu’en application des dispositions de la loi précitée du 14 novembre 1991, le demandeur n’a pas eu à justifier de la spécialisation telle que requise par l’article 7, alinéa 1er de la loi précitée du 27 novembre 1980 afin d’accéder au grade 14 et à la fonction d’ingénieur principal.

C’est à tort que le demandeur invoque l’article 29 de la loi précitée du 28 mars 1986 pour conclure à une abrogation implicite de l’exigence figurant à l’article 7 alinéa 1er de la loi précitée du 27 novembre 1980, étant donné que s’il est vrai que l’article 29 en question abroge expressément toutes les dispositions légales et réglementaires contraires à la loi en question du 28 mars 1986, à l’exception des hypothèses y expressément prévues, parmi lesquelles ne figure pas l’article 7 en question, il n’en reste pas moins que les dispositions de l’article 29 ne visent que les conditions et les modalités des avancements dans les différentes carrières et plus particulièrement les conditions à remplir afin de passer du cadre ouvert au cadre fermé, sans que cette disposition légale ne soit de nature à déroger aux conditions à remplir en vue d’accéder à un certain grade, et plus particulièrement à un grade du cadre fermé. En l’espèce, la condition posée par l’article 7 précité, n’est pas de nature à rendre impossible l’avancement dans la carrière de l’ingénieur ou à s’opposer à une harmonisation des conditions d’avancement, de sorte à ne pas être visée par l’article 29 précité, car il ne s’agit pour le surplus pas d’une disposition contraire aux dispositions de la loi précitée de 1986.

Il se dégage par ailleurs des travaux parlementaires, et plus particulièrement du commentaire des articles portant sur l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980 (doc. parl. 2277, p.11) que l’intention du législateur était simplement d’assurer que les personnes entendant accéder aux grades énumérés par l’article 7 en question disposent d’une spécialisation en matière d’environnement, en exigeant une spécialisation supplémentaire par rapport aux études accomplies antérieurement, au motif que les ingénieurs ne disposaient pas d’une telle spécialisation.

Dans la mesure où le demandeur n’a pas dû justifier de la spécialisation ainsi requise au moment de son changement de carrière, en application de la loi précitée du 14 novembre 1991, il est à mettre sur un pied d’égalité avec les ingénieurs visés par l’article 7, alinéa 1er en question devant justifier d’une spécialisation en matière d’environnement, pour accéder à la fonction d’ingénieur chef de division, du grade 15, fonction qui est expressément visée par l’article 7 en question et pour laquelle une telle spécialisation est exigée.

Il s’ensuit que contrairement à l’argumentation du demandeur, il devra remplir les exigences ainsi spécifiées afin d’accéder au grade 15.

Ceci dit, il convient encore d’analyser si, comme le soutient le demandeur, il dispose de la spécialisation prévue par l’article 7, alinéa 1er en question, en application de l’article 13 (1) de la loi précitée du 27 novembre 1980, qui dispose qu’ « au regard de l’article 7, les fonctionnaires et les employés de l’Etat qui sont au service de l’institut d’hygiène et de santé publique au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi ainsi que l’ingénieur principal, géologue de l’administration des Ponts et Chaussées, et qui sont repris par l’administration, bénéficient d’une situation acquise de spécialisation ».

A ce titre, le demandeur expose être entré au service de l’Etat en 1979 et d’avoir été affecté au Laboratoire de santé, de sorte qu’il aurait déjà été au service de l’institut d’hygiène et de santé publique au moment de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 27 novembre 1980, avant d’avoir été « repris » par l’administration de l’Environnement et qu’il aurait ainsi acquis la spécialisation telle qu’exigée par l’article 7 de la loi précitée du 27 novembre 1980, en application de l’article 13, paragraphe (1) précité.

Sur ce, le représentant étatique rétorque que dans la mesure où Monsieur … n’aurait pas encore fait partie de la carrière supérieure au moment de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 27 novembre 1980, il ne pourrait pas tirer profit de cette disposition légale, d’autant plus qu’à cette époque, le système de la carrière ouverte n’aurait pas encore existé, de sorte que le demandeur n’aurait pas pu être visé par cette disposition « transitoire ».

Il échet tout d’abord de relever que le fait qu’au jour de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 27 novembre 1980, la loi également précitée du 14 novembre 1991 n’était pas encore en vigueur, est indifférent dans le présent contexte, étant donné que l’article 13 sous analyse de la loi précitée du 27 novembre 1980 a trait non pas à une question relative à un changement de carrière ou susceptible d’avoir une influence sur une telle procédure, mais a trait exclusivement à la justification d’une spécialisation du fait d’avoir exercé des fonctions auprès du service de l’institut d’hygiène et de santé publique au moment où est entrée en vigueur la loi précitée de 1980. Pour le surplus, c’est à bon droit que le demandeur soutient que l’article 13, paragraphe (1) de la loi précitée de 1980 ne fait aucune distinction entre les fonctionnaires et les employés de l’Etat qui font partie de la carrière moyenne et ceux qui font partie de la carrière supérieure, de sorte que sont visés non seulement les fonctionnaires et employés de l’Etat qui faisaient partie de la carrière supérieure au sein de l’institut d’hygiène et de santé publique au moment de l’entrée en vigueur de la loi de 1980, mais également ceux ayant fait partie d’autres carrières de l’Etat à la date en question, la seule condition effectivement retenue par ladite disposition légale afin de justifier de la spécialisation telle que requise par l’article 7, alinéa 1er de la loi précitée de 1980, étant le fait d’avoir travaillé au sein du service de l’institut d’hygiène et de santé publique au moment de l’entrée en vigueur de la loi en question, aucune autre condition n’étant susceptible de se dégager de ladite disposition légale.

En l’espèce, il est constant en cause, pour ne pas avoir été contesté par le délégué du gouvernement, que le demandeur était au service de l’institut d’hygiène et de santé publique au moment de l’entrée en vigueur de la loi précitée du 27 novembre 1980, de sorte qu’il a acquis la spécialisation telle que requise par l’article 7 de la même loi.

Comme par ailleurs il ressort des conclusions ci-avant faites que le demandeur est rattaché aux deux fonctionnaires … et …, en sa qualité de fonctionnaire classé hors cadre, il aurait dû être nommé au même moment que les deux fonctionnaires en question au grade 15 auquel ils ont été nommés par arrêté grand-ducal du 7 décembre 2000, conformément à l’article 6 de la loi précitée du 14 novembre 1991, de sorte qu’il y a lieu de procéder à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 9 et 23 avril 2001.

En ce qui concerne pour le surplus les conclusions du demandeur tendant à « corriger sa situation (…) en ce sens qu’il pourra avancer en même temps avec les fonctionnaires … et …, préqualifiés, au grade 16 », le tribunal est amené à déclarer cette demande irrecevable dans la mesure où elle ne fait pas l’objet du présent litige, dont l’objet se limite à la demande présentée par le demandeur, par la lettre précitée du 7 février 2001, tendant à obtenir sa nomination en tant qu’ingénieur-chef de division relevant du grade 15 du cadre fermé de la carrière supérieure, avec effet rétroactif au mois de novembre 2000.

Enfin, en ce qui concerne la demande formulée erronément sur base de l’article 240 du nouveau code de procédure civile, mais se trouvant en réalité basée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, et tendant à la condamnation de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg à payer une indemnité de 40.000.- francs, il y a lieu de la déclarer non fondée, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

déclare irrecevable la demande tendant à obtenir une nomination au grade 16 du cadre fermé de la carrière supérieure de l’administration de l’Environnement ;

déclare le recours en annulation justifié pour le surplus, partant annule les décisions du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 avril 2001, ainsi que celle du ministre de l’Environnement du 23 avril 2001 et renvoie le dossier pour prosécution de cause au ministre de la Fonction Publique et de la Réforme administrative ;

rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure de 40.000.-

francs ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Ravarani, président M. Schockweiler, vice-président Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 16 janvier 2003 par le président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13756
Date de la décision : 16/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-16;13756 ?

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