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16/01/2003 | LUXEMBOURG | N°13744

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 janvier 2003, 13744


Tribunal administratif N° 13744 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2001 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière d’affectation

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 20 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de

Monsieur …, instituteur de l’enseignement primaire, demeurant à L-…, tendant principalement à la réf...

Tribunal administratif N° 13744 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 20 juillet 2001 Audience publique du 16 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du collège échevinal de la Ville de Luxembourg en matière d’affectation

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 20 juillet 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Rosario GRASSO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, instituteur de l’enseignement primaire, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 23 avril 2001, par laquelle il a été décidé de prolonger son changement d’affectation ayant eu lieu pendant l’année scolaire 2000/2001 également pour l’année scolaire 2001/2002, de sorte à ne pas lui attribuer de tâches d’enseignement pour l’année scolaire 2001/2002 et d’une décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 22 juin 2001 par laquelle il lui a été ôté la possibilité d’opter pour une classe de l’enseignement primaire pour l’année scolaire 2001/2002, en le détachant au service de l’enseignement pour l’année scolaire en question, telle que matérialisée dans une lettre du chef de service adjoint du service de l’enseignement de la Ville de Luxembourg du 22 juin 2001 ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, du 17 août 2001, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 28 novembre 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 30 novembre 2001, portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Rosario GRASSO et Maître Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … est engagé comme instituteur auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg depuis 1971 et il enseigne depuis plusieurs années dans les écoles primaires du quartier Fetschenhof-Cents de la Ville de Luxembourg.

Il ressort tant de la requête introductive d’instance que d’un rapport établi en date du 9 avril 2000 par un inspecteur de l’enseignement primaire de la Ville de Luxembourg que Monsieur … fait l’objet, depuis 1998, d’accusations de la part de parents d’élèves et plus particulièrement de l’association des parents d’élèves de Fetschenhof-Cents, portant sur des attouchements sexuels commis par Monsieur … sur certains élèves des écoles précitées. Dans ce contexte, une plainte avait été déposée contre Monsieur … auprès du parquet de Luxembourg et Monsieur … a déposé une plainte contre l’association des parents d’élèves de Fetschenhof-Cents pour diffamation. Il ressort encore du rapport précité qu’au vu du conflit qui existe au sein des écoles de Fetschenhof-Cents entre l’association des parents d’élèves et Monsieur …, que de l’avis personnel dudit inspecteur, il serait « dans l’intérêt de toutes les parties concernées de trouver une autre affectation pour l’instituteur jusqu’à la clarification définitive du contentieux par le pouvoir judiciaire ».

Il ressort d’une lettre du 17 février 2000 adressée par des parents d’élèves des écoles de Fetschenhof-Cents, adressée au bourgmestre de la Ville de Luxembourg, notamment en sa qualité de président de la commission scolaire, qu’ils refusent « catégoriquement qu’un de leurs enfants ne soit élève de la classe de la 5e année d’études à l’école primaire du Cents, rue Léon Kauffman, en se référant sur « les témoignages sur le comportement intolérable de l’instituteur … », à partir du moment où cette classe serait confiée à Monsieur …. Ce refus est justifié par le devoir des parents respectifs envers leurs enfants, afin d’assurer leur protection, en refusant de les « exposer à l’atmosphère qui règne dans les classes dudit enseignant et aux attouchements pratiqués par lui depuis plus de vingt ans sur les élèves féminines de sa classe respective ».

Par courrier du 25 février 2000, le bourgmestre de la Ville de Luxembourg informa Monsieur … de ce que « l’association des parents d’élèves de Fetschenhof-Cents a remis au collège échevinal des témoignages écrits de deux de ses anciennes élèves [lui] reprochant d’avoir eu voici plusieurs années un comportement anormal à leur égard », et de ce que « ces témoignages ont été transmis à Monsieur le procureur d’Etat pour qu’il entreprenne les démarches qui s’imposent ». Le bourgmestre ajouta dans la lettre précitée qu’«au regard des faits qui [lui] sont reprochés, à savoir des attouchements sur des élèves féminines de [ses] classes respectives, l’association des parents d’élèves vient de lui adresser, en sa qualité de Président de la commission scolaire, deux listes de signatures de parents d’élèves qui refusent catégoriquement de laisser leurs enfants fréquenter l’année prochaine une 5ème année d’études pour laquelle [il pourrait] être amené à vous décider dans le cadre des opérations de permutations annuelles », en le priant enfin de renoncer à son projet de partir en colonie de vacances avec l’une de ses classes au vu de la situation actuelle, et ce dans son « principal intérêt ».

Par un courrier non daté, portant la référence « 05/00/G.B., le collège échevinal informa Monsieur …, en se référant à un entretien de ce dernier avec le bourgmestre de la Ville de Luxembourg en date du 26 avril 2001, de ce qu’il « a décidé en date du 23 avril 2001 de prolonger son changement d’affectation ayant eu lieu pendant l’année scolaire 2000/2001 également pour l’année scolaire 2001/2002, de sorte qu’il n’aura pas de tâche d’enseignement pour l’année scolaire à venir », en justifiant cette mesure par les « remous que les plaintes qui ont été portées contre lui ont provoqué, et compte tenu de l’obligation de la Ville de pourvoir à une organisation scolaire qui garantit le déroulement de l’enseignement dans le bon ordre et sans troubles ». En se référant au fait que l’action en diffamation que Monsieur … avait engagé contre les auteurs desdites plaintes n’avait pas encore aboutie, le collège échevinal invita Monsieur … dans le même courrier, à « s’abstenir de participer aux prochaines opérations de permutations », comme l’année antérieure.

Par un courrier du 22 juin 2001, le chef de service adjoint du service de l’enseignement de l’administration communale de la Ville de Luxembourg informa Monsieur … de ce que le bourgmestre, en sa qualité de président de la commission scolaire, avait notifié à Monsieur … la décision suivant laquelle le collège échevinal le détachait au service de l’enseignement pour l’année scolaire 2001/2002, en « lui ôtant de fait la possibilité d’opter pour une classe de l’enseignement primaire ».

Enfin, il ressort d’une lettre du procureur d’Etat adjoint auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 3 janvier 2002, que la plainte déposée par Monsieur … à l’encontre de l’association des parents d’élèves Fetschenhof-Cents avait été classée au motif qu’une infraction pénale n’avait pas pu être établie.

Par requête déposée le 20 juillet 2001, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées du collège échevinal de la Ville de Luxembourg des 23 avril et 22 juin 2001.

Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de la Ville de Luxembourg conclut tout d’abord à l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours en réformation, un tel recours n’étant pas prévu par les dispositions légales en vigueur.

La loi ne prévoyant pas de recours de pleine juridiction en matière de changement d’affectation, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit contre les décisions des 23 avril et 22 juin 2001.

En revanche, le recours de droit commun en annulation, introduit en ordre subsidiaire, régulier par rapport aux exigences de forme et de délai, est recevable.

Alors même que le moyen tiré d’une violation de l’article 6 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en ce que ni la décision du 23 avril 2001 ni celle du 22 juin 2001 n’indiqueraient les motifs se trouvant à leur base, n’a été développé qu’à titre subsidiaire, il appartient néanmoins au tribunal administratif de l’analyser en premier lieu dans la mesure où il a trait à la régularité formelle des actes déférés, l’analyse de celle-ci devant nécessairement précéder l’analyse de la légalité au fond de ces décisions.

Le demandeur reproche plus particulièrement aux décisions en question de se limiter à des formules générales et abstraites, sans tenter de préciser concrètement comment, dans le cas d’espèce, des raisons de fait permettent de justifier les décisions en question, mettant ainsi le juge dans l’impossibilité de contrôler la légalité des décisions.

Dans son mémoire en réponse, l’administration communale de la Ville de Luxembourg conteste l’absence de l’indication des motifs dans les deux décisions sous analyse, en relevant plus particulièrement que le demandeur a pu discuter les motifs se trouvant à la base des décisions critiquées en ordre principal dans sa requête introductive d’instance.

En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979, « toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.

La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle : - refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ; (…) ».

Il échet tout d’abord de constater qu’il est constant en cause, pour ne pas avoir été contesté par le mandataire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg que Monsieur … avait demandé de retrouver sa fonction d’instituteur au sein de l’enseignement primaire de la Ville de Luxembourg, à laquelle il n’a pas été fait droit par le collège échevinal de la prédite Ville, de sorte que l’article 6 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 trouve application en l’espèce dans la mesure où les décisions actuellement déférées au tribunal administratif doivent indiquer les motifs se trouvant à leur base.

Ceci dit, le moyen tiré d’une violation de l’article 6 précité doit toutefois être rejeté, en ce que, contrairement aux développements du demandeur, la décision portant la référence 05/00/G.P. contient une indication détaillée des circonstances de fait et des motifs se trouvant à sa base, en ce qu’elle fait référence à l’impossibilité de le maintenir à la fonction d’instituteur au sein des écoles de Fetschenhof-Cents et ceci dans l’intérêt du service, à la suite des remous causés par les plaintes qui ont été déposées à son encontre et de l’action en diffamation qu’il a engagée contre les auteurs desdites plaintes, et la décision du 22 juin 2001, matérialisant la décision du collège échevinal de détacher Monsieur … au service de l’enseignement pour l’année scolaire 2001/2002, en lui interdisant d’exercer sa fonction d’instituteur dans une classe de l’école primaire, fait nécessairement référence aux mêmes motifs que ceux ayant été indiqués dans la décision précitée portant la référence n° 05/00/G.P., en ce que cette dernière décision a été prise en exécution de la décision initiale, dans la mesure où le collège échevinal devait procurer un emploi à Monsieur … au sein de l’administration communale de la Ville de Luxembourg à la suite de l’interdiction qui lui a été faite d’exercer ses fonctions d’instituteur, les mêmes motifs justifiant cette décision de détachement que ceux invoqués à l’appui de l’interdiction formulée à son encontre d’exercer les fonctions d’instituteur.

Le demandeur reproche encore au collège échevinal de la Ville de Luxembourg d’avoir commis un détournement de pouvoir, en ce qu’en prenant les deux décisions sous analyse, il aurait usé de ses pouvoirs dans un but différent de celui pour lequel ils lui auraient été conférés. A ce titre, il estime que les décisions du collège échevinal, au lieu d’assurer le bon déroulement de l’organisation scolaire, à la suite des plaintes déposées par l’association des parents d’élèves Fetschenhof-Cents, n’auraient pas pu faire cesser le trouble causé par cette situation, alors qu’elles auraient au contraire « conforté et renforcé les rumeurs » qui ne seraient par ailleurs pas fondées, en leur donnant une apparence de vérité. Pour le surplus, il conteste que les décisions en question auraient été prises dans un but d’intérêt général, alors qu’il estime qu’au contraire, elles serviraient exclusivement les intérêts d’une minorité de parents d’élèves regroupés dans l’association précitée, dont les propos et dénonciations n’auraient été corroborés ni au pénal ni par les enquêtes administratives effectuées par les autorités administratives compétentes.

Le demandeur soutient encore que les décisions prises par le collège échevinal, à supposer qu’elles seraient conformes à l’intérêt général et à l’esprit de la loi, n’en demeureraient pas moins disproportionnées par rapport aux faits qui pour leur surplus ne seraient même pas établis en cause.

L’administration communale de la Ville de Luxembourg conteste avoir commis un détournement de pouvoir, en estimant au contraire que les décisions en question auraient été prises dans le seul but de garantir un bon déroulement de l’enseignement primaire à la suite de la survenance des faits établis aux dates respectives auxquelles elles ont été prises, à savoir les plaintes déposées à l’encontre de Monsieur …, la plainte déposée par ce dernier pour diffamation à l’encontre des auteurs des premières plaintes et l’incidence de ces faits sur le déroulement de l’enseignement sur le territoire communal, et plus particulièrement à Fetschenhof-Cents. La commune estime partant avoir agi dans l’intérêt des enfants, en ce que ces derniers ne sauraient faire les frais de querelles ou de procédures ayant lieu entre leurs parents et leurs enseignants. Elle conteste formellement n’avoir agi qu’à l’initiative d’une association parentale et privée et dans le seul intérêt de celle-ci, mais elle soutient avoir agi dans le seul intérêt général dont elle a la charge notamment dans le cadre de l’organisation scolaire. Dans ce contexte, la commune insiste sur la considération que les faits dénoncés par les parents d’élèves, à les supposer établis, seraient susceptibles d’être qualifiés de crimes, sinon de délits et qu’elle aurait partant été dans l’obligation de prévenir le cas échéant toute récidive de la part de leur auteur.

D’une manière générale, la commune tient à préciser qu’elle ne reproche aucun fait pénal au demandeur, et qu’elle n’entend pas prendre position sur les faits qui lui sont reprochés tant que l’enquête du parquet n’est pas terminée ou qu’un jugement ait été rendu, mais qu’elle avait pour unique but d’assurer le bon fonctionnement du système scolaire, ceci tant dans l’intérêt du demandeur que dans l’intérêt des parents et élèves directement concernés.

Enfin, elle conteste que les décisions soient disproportionnées dans leurs effets par rapport aux faits établis au jour où elles ont été prises. Ainsi, la réaffectation du demandeur à un autre service de la commune se serait faite dans le respect des conditions légales et sans qu’il ne soit porté atteinte aux droits du demandeur résultant notamment de son statut.

Conformément à l’article 8, paragraphe 2 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, « dans l’intérêt du service, le fonctionnaire peut être changé de service, d’attribution ou d’affectation, pourvu que le nouvel emploi ne soit inférieur ni en rang, ni en traitement ».

Il en découle que l’autorité compétente, à savoir le collège échevinal peut, en dehors du cas où l’intéressé a sollicité un changement d’affectation, décider d’office que la personne en question soit affectée dans un autre service ou à une autre fonction, à partir du moment où cette mutation intervient soit dans l’intérêt du service dans lequel la nouvelle affectation doit être faite soit dans celui du service où il était affecté avant sa mutation. La liberté d’appréciation dont dispose l’administration pour décider un changement d’affectation d’un fonctionnaire se trouve donc limitée par la preuve à apporter par l’employeur que l’intérêt de l’un des deux services en question justifie le changement d’affectation projeté. En outre, le changement d’affectation ne doit avoir aucune influence sur le rang, le traitement et la carrière du fonctionnaire concerné.

Le changement d’affectation peut notamment être motivé par le caractère public pris par des différends d’ordre privé ou par la gravité des faits reprochés au fonctionnaire visé, mettant en cause, au cas où ils sont établis, le bon fonctionnement du service en question et constituer ainsi une mutation dans l’intérêt du service.

En tout état de cause, les changements d’affectation peuvent être décidés d’office, même en l’absence du consentement de l’intéressé.

Cependant, le changement d’affectation ne doit en aucun cas comporter pour l’intéressé un préjudice disproportionné par rapport à l’intérêt du service. Ainsi, l’administration doit tenir compte, dans une certaine mesure, de la situation particulière du fonctionnaire concerné dans la mesure où l’intérêt du service ne s’en trouve pas compromis.

Il appartient encore au juge administratif, dans le cadre d’un recours en annulation, d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision critiquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement cette décision et de contrôler si elle n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés.

En ce qui concerne tout d’abord l’existence et l’exactitude des faits aux jours auxquels les décisions sous analyse ont été prises, il échet de relever qu’il est constant en cause pour ne pas avoir été contesté par les parties à l’instance qu’à la suite de rumeurs dirigées contre le demandeur et se basant sur des comportements inhabituels et des attouchements sexuels sur des élèves de ses différentes classes, une plainte a été déposée par l’association des parents d’élèves de Fetschenhof-Cents à l’encontre du demandeur, à la suite de laquelle ce dernier a déposé une plainte pour diffamation à l’encontre des auteurs de la première plainte. Il est encore constant en cause que dans le cadre de ces litiges et reproches dirigés contre le demandeur, des parents d’élèves ont refusé d’inscrire leurs enfants dans les classes dirigées par le demandeur, en faisant par ailleurs pression sur différents membres du gouvernement ainsi que sur le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, en vue d’obtenir le déplacement du demandeur et de le voir écarté de ses fonctions d’instituteur au moins en ce qui concerne l’école primaire de Fetschenhof-

Cents.

Il s’ensuit que les faits se trouvant à la base des décisions critiquées se trouvent être établis par les pièces et éléments du dossier.

Le tribunal est ensuite amené à vérifier si le changement d’affectation est justifié par l’intérêt de l’un des deux services concernés.

Il échet tout d’abord de relever qu’il n’est ni allégué ni établi que le changement d’affectation du demandeur vers le service de l’enseignement primaire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg soit justifié par l’intérêt du service en question, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’analyser ce volet.

En ce qui concerne le service dont faisait partie Monsieur … avant son changement d’affectation, à savoir l’école primaire de Fetschenhof-Cents, il ressort de l’ensemble des pièces et informations soumises au tribunal, que les relations entre le demandeur, d’une part, et, d’autre part, un nombre élevé de parents d’élèves inscrits et suivant les cours de l’école primaire de Fetschenhof-Cents se sont dégradées au fil des années, au point d’en être arrivé à une impossibilité de collaboration dans la mesure où ces parents d’élèves ont refusé de faire suivre les cours du demandeur par leurs enfants.

Pour le surplus, les différentes plaintes ayant été déposées auprès du parquet de Luxembourg à la suite des événements précités ont rendu impossible toute collaboration entre le demandeur et non seulement l’association des parents d’élèves, mais également les parents des élèves susceptibles d’être inscrits dans sa classe de l’enseignement primaire. C’est partant à bon droit que le collège échevinal de la Ville de Luxembourg, chargé d’assurer le bon fonctionnement du service de l’enseignement primaire sur l’intégralité du territoire de la Ville de Luxembourg, et plus particulièrement à Fetschenhof-Cents, a pu estimer que cette situation est devenue intenable et qu’il était partant dans l’intérêt du service de l’école primaire de Fetschenhof-Cents d’en écarter le demandeur, afin que les cours dispensés à l’école primaire en question puissent à nouveau se dérouler dans une ambiance sereine et de confiance.

Le fait que par un courrier du 3 janvier 2002, le procureur adjoint du parquet auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ait informé le mandataire du demandeur que le parquet a classé le dossier « … c/ As. des Parents d’élèves Fetschenhof-

Cents », au motif « qu’une infraction pénale n’a pas pu être établie », ne saurait invalider les décisions prises, étant donné qu’il est intervenu après les dates auxquelles celles-ci ont été prises et que le tribunal administratif, dans le cadre d’un recours en annulation, est amené à apprécier la légalité des décisions lui soumises exclusivement en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elles ont été prises. Pour le surplus, cette lettre du parquet ne vise que la plainte dirigée pour diffamation par Monsieur … à l’encontre de l’association en question et ne mentionne pas les suites qui ont été réservées le cas échéant aux plaintes dirigées par l’association contre le demandeur.

Il n’appartient pas au tribunal – et l’administration communale de la Ville de Luxembourg ne l’a d’ailleurs pas fait non plus – de prendre position par rapport aux différents griefs formulés de part et d’autre, alors que pour les besoins des présentes, il suffit de constater que le fonctionnement normal du service est entravé du fait des reproches très graves adressés au demandeur, empêchant un fonctionnement harmonieux et efficace du service en question.

Il résulte des considérations ci-avant faites que, objectivement, l’intérêt du service d’origine du demandeur justifie en l’espèce légalement la mesure du changement d’affectation prise à l’encontre de Monsieur … et que cette mesure a été exclusivement prise dans l’intérêt général afin de garantir le bon fonctionnement de l’enseignement primaire.

C’est encore à tort que le demandeur reproche au collège échevinal d’avoir pris des mesures disproportionnées à son encontre, étant donné, tout d’abord, qu’aucun préjudice matériel ne résultera du changement d’affectation, dans la mesure où ni sa carrière ni son traitement ne sont remis en cause du fait de cette mesure et, d’autre part, qu’il a été transféré à un service dont la mission est directement en rapport avec l’enseignement primaire dont il fait partie.

Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le changement d’affectation décidé dans le cas d’espèce est légalement justifié et le recours est partant à déclarer non fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties à l’instance ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 16 janvier 2003 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 13744
Date de la décision : 16/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-16;13744 ?

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