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15/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15798

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 janvier 2003, 15798


Numéro 15798 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 15 janvier 2003 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15798 du rôle, déposée le 23 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … , née le … , de nationalité vietnamienne, demeurant actuellement

à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 juillet 2002...

Numéro 15798 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 décembre 2002 Audience publique du 15 janvier 2003 Recours formé par Madame …, …, contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15798 du rôle, déposée le 23 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … , née le … , de nationalité vietnamienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 17 juillet 2002 déclarant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié manifestement infondée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2003 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAZADEH, en remplacement de Maître Louis TINTI, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 janvier 2003.

Le 23 mai 2002, Madame … introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

Le 10 juin 2002, elle fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame … par décision du 17 juillet 2002, notifiée le 22 juillet 2002, que sa demande d’asile avait été rejetée comme étant manifestement infondée au motif qu’elle reposerait uniquement sur des motifs d’ordre personnel et familial, à savoir la crainte d’être forcée à un mariage , de manière à ne répondre à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève.

Le recours gracieux formé par son mandataire suivant courrier du 22 août 2002 étant resté sans réponse de la part du ministre de la Justice, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle de refus du 22 juillet 2002 par requête déposée le 23 décembre 2002.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, dispose qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la loi citée ci-avant, un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, de manière que le tribunal est compétent pour connaître du recours, lequel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir qu’elle aurait quitté son pays, début mars 2002, pour éviter un mariage forcé. Elle expose que sa mère aurait eu des dettes auprès du plus grand prêteur de leur région en raison de son rôle d’intermédiaire dans la loterie privée et parce qu’elle aurait été incapable de payer les sommes dues, elle aurait accepter de donner sa fille en noce à cet homme. Elle continue qu’elle aurait refusé de se marier avec cet homme, qui aurait alors menacé de détruire la maison familiale et qu’elle se serait ensuite cachée chez une amie à Haiphong pour éviter le mariage. Elle ajoute que sa situation serait révélatrice de la situation des femmes au Vietnam parce qu’elle aurait beaucoup de difficultés à obtenir un quelconque support lui permettant d’empêcher ce mariage forcé, lequel serait pratique courante dans la culture vietnamienne. Elle souligne que sa situation particulière permettrait de la considérer comme appartenant à un « groupe social particulier » et que le comportement dégradant dont elle aurait été victime serait constitutif d’une forme de persécution au sens de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

L’article 3, alinéa 1 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 précise :

« Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande. » Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas.

adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées, p.199).

En l’espèce, il ressort du rapport de l’audition du 10 juin 2002 que le seul motif invoqué par la demanderesse est la crainte d’être forcée à un mariage avec un homme envers lequel sa mère avait des dettes. Il ressort en plus dudit rapport que c’était la mère qui faisait pression sur sa fille et l’obligeait à se marier avec cet homme. Ce motif revêt donc un caractère strictement personnel et familial.

En ce qui concerne le moyen que la situation particulière de la demanderesse la ferait appartenir à un « groupe social particulier », il faut constater que le fait d’être une femme ne fait pas automatiquement appartenir celle-ci à un certain groupe social particulièrement exposé à un risque de persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus que la crainte d’être persécuté du fait de cette appartenance devra se confondre souvent en partie avec une crainte d’être persécuté pour d’autres motifs, tels que la race, la religion ou la nationalité. Or tel n’est pas le cas en l’espèce, la demanderesse n’invoque aucun autre motif à la base de sa demande.

Il s’ensuit que la demande d’asile sous examen ne repose sur aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, de sorte que c’est à bon droit que le ministre de la Justice a considéré la demande d’asile de la demanderesse comme manifestement infondée.

Le recours sous analyse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 janvier 2003 par :

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. LENERT 3


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15798
Date de la décision : 15/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-15;15798 ?

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