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15/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15392

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 janvier 2003, 15392


Tribunal administratif N° 15392 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 15 janvier 2003 Recours formé par Monsieur … …, Luxembourg contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de révision

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15392 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 septembre 2002 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxemb

ourg, au nom de Monsieur … …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du m...

Tribunal administratif N° 15392 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 15 janvier 2003 Recours formé par Monsieur … …, Luxembourg contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de révision

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15392 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 septembre 2002 par Maître Claude DERBAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, demeurant à L-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre de la Justice du 20 février 2002 et de celle confirmative sur recours gracieux du 21 juin 2002 portant à chaque fois refus d’engager une procédure de révision concernant le jugement définitif du tribunal correctionnel de Luxembourg du 7 décembre 2000 l’ayant retenu dans les liens de la prévention « d’étant conducteur d’un véhicule automoteur sur la voie publique, d’avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg par litre d’air expiré, en l’espèce de 0,82 mg/l » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 novembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 décembre 2002 par Maître Claude DERBAL au nom de Monsieur … … ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Carine LECORVAISIER, en remplacement de Maître Claude DERBAL, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 janvier 2003.

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Considérant qu’en date du 2 août 2001, Monsieur … …, préqualifié, a saisi le ministre de la Justice d’une requête tendant à la révision, en application des articles 443 et suivants du code d’instruction criminelle (Cic), d’un jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 21 décembre 2000 le retenant dans les liens de la prévention « d’étant conducteur d’un véhicule automoteur sur la voie publique, d’avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 mg par litre d’air expiré, en l’espèce de 0,82 mg/l » ;

Que la commission prévue à l’article 444 alinéa 3 Cic a avisé en date du 8 février 2002 la demande en révision en ces termes :

« M. … … a fait l’objet d’une interpellation à bord de son véhicule par les agents de police le 24 décembre 1999 à 14.50 heures.

A 15.24 heures, M. … a été soumis à un contrôle du taux d’alcool au moyen d’un éthylomètre, contrôle qui a donné un résultat d’au moins 0,82 mg/l d’air expiré.

M. … a reçu une copie de ce résultat avec l’indication qu’il avait le droit de faire vérifier ces résultats par une prise de sang.

Par jugement correctionnel du 21 décembre 2000, le demandeur a été condamné à une amende de 20.000 LUF et à une interdiction de conduire d’une durée de 18 mois avec un sursis d’exécution de 9 mois. Pour statuer ainsi, les juges correctionnels ont retenu que … … était convaincu par les débats menés à l’audience, ensemble les éléments du dossier répressif : « étant conducteur d’un véhicule automoteur sur la voie publique, le 24 décembre 1999 vers 14.50 heures près de Mersch, au lieu dit Berschbach, avoir circulé avec un taux d’alcool d’au moins 0,55 milligramme par litre d’air expiré, en l’espèce, 0,82 mg/l ».

Par requête du 2 août 2001, Maître Claude DERBAL a introduit une demande en révision au sens de l’article 444 du Code d’Instruction criminelle.

A l’appui de cette demande en révision, il verse un certificat du laboratoire de la clinique St. Thérèse émis en date du 20 février 2001 et renseignant les résultats d’une prise de sang effectuée le 24 décembre 1999 à 21.58 heures.

La commission prévue à l’article 444 alinéa 3 du Code d’Instruction criminelle a examiné la demande en révision en date du 1er février 2002.

L’article 443 paragraphe 4 du Code d’Instruction criminelle prévoit que la révision peut être demandée lorsque, après une condamnation, des pièces inconnues lors des débats sont représentées, de nature à établir l’innocence totale du partielle ou condamné.

La commission constate que le certificat du laboratoire de la clinique St. Thérèse constitue bien une pièce qui était inconnue lors des débats devant le tribunal d’arrondissement, chambre correctionnelle.

Il semblerait que cette prise de sang ait été effectuée dans le contexte de l’internement de M. … au HNPE qui a eu lieu dans la soirée du 24 décembre 1999.

En effet, ni le dossier pénal du demandeur, ni le jugement correctionnel ne contiennent une indication sur une éventuelle réquisition des forces de l’ordre ou sur les résultats de cette prise de sang.

La condition de la nature inconnue de cette pièce est dès lors remplie.

La commission est cependant d’avis que cette pièce n’est pas de nature à établir l’innocence totale ou partielle de M. ….

En effet, cette pièce contient les résultats d’une prise de sang effectuée à 21.58 heures, càd quelques 7 heures après les faits et renseigne la présence de 114 mg% d’alcool dans le sang.

Rappelons à ce sujet que M. … a été contrôlé aux alentours de Mersch à 14.50 heures et que le test à l’éthylomètre a été effectué à 15.24 heures respectivement à 15.39 heures. Le résultat de la prise de sang certifiant un taux de moindre importance n’est dès lors pas de nature à remettre en cause le résultat du test de l’éthylomètre compte tenu de la plage de temps qui s’est écoulée entre le test à l’éthylomètre et la prise de sang à la clinique St.

Thérèse.

Cette pièce qui renseigne l’état d’alcoolémie de M. … quelques heures après les faits n’est dès lors pas pertinente et n’est pas de nature à établir l’innocence partielle ou totale de ce dernier.

Au vu de ce qui précède, la commission estime à l’unanimité de ses membres que le cas prévu au paragraphe 4 de l’article 443 du code d’instruction criminelle n’est donné en l’espèce et la demande en révision ne lui paraît pas fondée » ;

Que par décision du 20 février 2002, le ministre de la Justice a fait siens les développements et conclusions contenus dans l’avis prérelaté de la commission pour demander à Monsieur le Procureur Général d’Etat de ne pas engager une procédure judiciaire de révision ;

Que par courrier de son mandataire du 17 mai 2002, Monsieur … s’est adressé derechef au ministre de la Justice aux fins de bien vouloir reconsidérer sa position et de saisir en conséquence le Procureur Général d’Etat d’une procédure judiciaire de révision, sinon subsidiairement, faire procéder à toute recherche et vérification utile ;

Que le ministre de la Justice a pris position suivant décision du 21 juin 2002 libellée comme suit :

« Maître, J’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 17 mai 2002 qui suscite de ma part les observations suivantes :

Vous me demandez de reconsidérer la décision du 20 février 2002 et de saisir le Procureur Général d’Etat d’une procédure judiciaire de révision au motif que la prise de sang aurait été effectuée dans le cadre de la contre preuve légale requise par M. … et non pas dans le contexte de l’internement au HNPE comme l’a supposé la commission.

Je suis au regret de vous informer que j’entends maintenir la décision du 20 février 2002 alors que ce n’est pas le contexte du contrôle sanguin qui compte (contre preuve légale ou dans le contexte de l’internement) mais l’information que ce contrôle sanguin a été effectué quelques sept heures après les faits.

Ainsi les résultats du contrôle sanguin, peu importe dans quel contexte il a eu lieu, ne sont pas de nature à remettre en cause le résultat de l’éthylomètre fait quelques 7 heures auparavant.

Je continue dès lors à penser que la nouvelle pièce n’est ni pertinente ni de nature à établir l’innocence partielle ou totale de votre mandant.

Je vous rappelle par ailleurs que la commission n’est pas appelée à se prononcer sur la culpabilité éventuelle d’une personne mais que son examen se limite à la question de savoir si une pièce est de nature à établir l’innocence totale ou partielle d’un condamné.

La présente est susceptible d’un recours en annulation devant le tribunal administratif, recours qui doit être intenté dans un délai de 3 mois par un avocat à la Cour » ;

Considérant que par requête déposée en date du 25 septembre 2002, Monsieur … a formé un recours en annulation dirigé contre les décisions ministérielles précitées des 20 février et 21 juin 2002 ;

Considérant que la prise de position du ministre de la Justice de ne pas transmettre le dossier de la procédure au Procureur Général d’Etat ne participe pas aux compétences des organes juridictionnels et relève de la sphère générale d’ordre administratif dans laquelle s’agencent normalement les pouvoirs ministériels ;

Qu’elle est à qualifier de décision administrative à l’égard de laquelle aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements, conformément à l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif (trib. adm. 10 mai 2000, Reiffers, Pas. adm. 2002, V° Actes administratifs, n° 17, p. 22) ;

Considérant que le recours en annulation ayant en l’espèce été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’au fond le demandeur reprend l’argumentaire à la base de ses requête en révision et recours gracieux prévisés ;

Qu’il critique la conclusion négative de l’avis prérelaté de la commission, reposant, sur de fausses prémisses en ce que celle-ci a retenu qu’il « semblerait » que la prise de sang effectuée dans la soirée du 24 décembre 1999 s’insère dans le contexte de l’internement du demandeur au HNPE ;

Que Monsieur … d’insister que cette prise de sang se serait faite dans le cadre de la contre-preuve légale par lui requise, tel que cela résulterait du certificat médical du 20 février 2001 ;

Que d’un côté il conclut que le taux d’alcoolémie y révélé aurait dû aboutir à un acquittement de la prévention de délit retenue à sa charge, tout en contestant le raisonnement tenu par la commission et repris par les décisions déférées à partir de la période de temps écoulée depuis la première détermination du taux d’alcoolémie dans son chef à la date du 24 décembre 1999 ;

Que d’un autre côté il estime qu’eu égard à la lacune gisant dans le procès-verbal dressé par les forces de l’ordre, communiqué à son mandataire sur le tard, la veille de l’audience, l’ayant induit en l’erreur, ainsi que dans l’impossibilité d’assurer sa défense suivant les exigences légales, les décisions déférées aboutiraient à laisser intacte une décision de condamnation inéquitable, résultat d’un procès inéquitable, de sorte à encourir encore la censure sur pied des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

Considérant qu’à la base, la requête en révision du 2 août 2001 s’appuie sur « les résultats de l’analyse sanguine effectuée qui atteste que le taux d’alcoolémie de mon mandant (1,14g/l de sang ou 0,55mg/l d’air expiré) posé par l’article 12 § 2 de la loi du 14 février 1955 concernant la réglementation sur toutes les voies publiques de sorte que l’infraction commise n’était en fait qu’une simple contravention et devait dès lors, d’une part relever de la compétence exclusive du tribunal de police, d’autre part, ne donner pas lieu à condamnation aux peines correctionnelles qui ont été prononcées à l’encontre mon mandant. » ;

Considérant que la requête en révision s’inscrit de la sorte dans les prévisions du point 4 de l’article 443 Cic dans l’hypothèse y visée où « des pièces inconnues lors les débats sont représentées, de nature à établir l’innocence totale ou partielle du condamné », le demandeur ayant été reconnu coupable d’un délit à travers le jugement définitif du 21 décembre 2000 prévisé, rendu en premier ressort ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier que le résultat d’analyse couché sur papier à entête du laboratoire de la clinique Ste Thérèse, édité le 20 février 2001 à 14h55 comportant l’inscription « screening médicaments et intoxications » au vu même de sa date d’édition, outre le fait de ne pas figurer au procès-verbal de la police de Luxembourg n° 7656 du 24 décembre 1999, n’était point disponible lors des débats devant la cinquième section du tribunal correctionnel de Luxembourg du 7 décembre 2000 ;

Que dès lors se trouve vérifiée la condition posée par le point 4° de l’article 443 Cic en ce que la pièce invoquée à la base de la requête en révision fut inconnue lors des débats ;

Considérant que la pièce en question doit être de nature à établir à travers son contenu l’innocence totale ou partielle du condamné ;

Considérant que si de façon abstraite le résultat d’analyse documenté par la pièce à l’appui de la requête en révision, à travers les 114 mg% indiqués permettrait de conclure à l’absence de délit pour conduite d’un véhicule automoteur sur la voie publique sous un état d’alcoolémie tel que visé par l’article 12 paragraphe 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 précitée, encore faudrait-il que le résultat en question puisse être raccroché à l’état du concerné au moment de conduire le véhicule en question ;

Considérant que d’après l’article 443 4° Cic la pièce à la base de la requête en révision y visée doit être per se de nature à établir l’innocence totale ou partielle du condamné et non point à travers des implications escomptées, notamment d’ordre procédural.

Considérant que force est au tribunal de retenir à partir de la mention inscrite sur le rapport d’analyse édité le 21 février 2001 – la pièce à la base de la requête en révision du demandeur – que la demande y visée comme s’étant située à la date du « 24 décembre 1999 21h58 », - que cette indication se confonde avec la prise de sang effectuée ou se rapporte à celle-ci -, se situe à une distance dans le temps telle par rapport au moment où le test à l’éthylomètre a été effectué (15h24 respectivement 15h39, le même jour) qu’elle n’est point de nature à établir l’innocence totale ou partielle du condamné, peu important à cet égard que cette prise de sang ait été faite au titre de la contre-preuve légale réservée à l’intéressé ou dans le cadre de sa procédure d’internement ;

Que c’est dès lors sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que le ministre a pu prononcer les refus actuellement déférés en entérinant l’avis de la commission ;

Considérant que les décisions ministérielles déférées n’étant point d’ordre juridictionnel, elle ne relèvent pas des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme de sorte que le recours laisse encore d’être fondé sous cet aspect ;

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

au fond le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 janvier 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15392
Date de la décision : 15/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-15;15392 ?

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