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15/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15206

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 janvier 2003, 15206


Tribunal administratif Numéro 15206 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 août 2002 Audience publique du 15 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15206 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 août 2002 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-â€

¦, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mai 2002 portant ...

Tribunal administratif Numéro 15206 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 août 2002 Audience publique du 15 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15206 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 août 2002 par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mai 2002 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et de celle confirmative, intervenue sur recours gracieux, du 10 juillet 2002 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Pascale PETOUD, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 6 janvier 2003.

Le 8 avril 2002, Monsieur … se présenta au service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, pour déclarer sa présence au Luxembourg et pour demander une autorisation de séjour. A cette même occasion il fut entendu par un agent dudit service sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 17 avril 2002, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Le 19 avril 2002, Monsieur … fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 17 mai 2002, notifiée le 4 juin 2002, le ministre de la Justice l’informa de ce que sa demande a été refusée comme non fondée au motif qu’il n'invoquerait aucune crainte raisonnable de persécution du fait de ses opinions politiques, de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un groupe social.

Le 3 juillet 2002, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Par décision du 10 juillet 2002, le ministre de la Justice confirma sa décision du 17 mai 2002.

Le 5 août 2002, Monsieur … a fait déposer au greffe du tribunal administratif un recours en réformation contre la décision ministérielle du 17 mai 2002 et celle confirmative du 10 juillet 2002.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur …, de nationalité yougoslave et de confession musulmane, fait valoir qu’il aurait été victime de persécutions en raison notamment de ses convictions religieuses et politiques. Il fait valoir que pendant son service militaire jusqu’en décembre 2001, il aurait ressenti la haine envers sa communauté religieuse. Il continue qu’il aurait été membre du parti politique « DPS », majoritairement musulman, et qu’il aurait eu à craindre pour sa vie en raison de l’opposition du parti « SNP », à majorité serbe, qui contrôle l’armée.

Il ajoute que les provocations envers les membres du parti politique « DPS » auraient été fréquentes, agressions pouvant aller jusqu’à la mise à mort. Le demandeur conclut qu’à cause de la mise à l’écart de la communauté musulmane dans tous les domaines de la vie quotidienne, il ne pourrait à l’heure actuelle rentrer dans son pays.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il 2convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.

L’examen des déclarations faites par Monsieur … lors de son audition du 19 avril 2002, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant les craintes de persécutions en raison de l’appartenance de Monsieur … au parti politique « DPS », il échet de relever qu’il reste en défaut de soumettre des faits concrets d’une gravité suffisante pour dénoter l’existence d’un risque de persécution au sens de la Convention de Genève. Il faut noter que Monsieur … n’a pas été un membre actif de ce parti, qu’il avait seulement une carte de membre et que le seul élément concret qu’il a déclaré lors de son audition du 19 avril 2002 à ce sujet est sa peur de rentrer dans un café serbe et qu’il n’a donc jamais essayé de rentrer dans un tel café.

Concernant la situation ethnico-religieuse du demandeur, il y a lieu de relever que la seule appartenance à une minorité ethnique ou religieuse est insuffisante pour établir une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève dès lors qu’il ne ressort pas des éléments du dossier que le demandeur, considéré individuellement et concrètement, risque de subir actuellement des traitements discriminatoires en raison de cette appartenance.

De plus, il faut tenir compte du changement du régime politique en Yougoslavie avec la venue au pouvoir d’un président élu démocratiquement. Un nouveau gouvernement a été mis en place en novembre 2000 sans la participation des partisans de l’ancien régime. La Yougoslavie a retrouvé sa place dans la communauté internationale ce qui se traduit notamment par sa réadmission à l’ONU et à l’OSCE. En outre le président Milosevic a été extradé et traduit devant le Tribunal pénal international de la Haye ce qui montre l’esprit de collaboration dont la Yougoslavie fait preuve actuellement. A cela s’ajoute que le 15 mars 2002 un accord serbo-monténégrin a été signé par les présidents Kostunica et Djukanovic, prévoyant l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections permettant de donner plus d’indépendance au Monténégro.

De tout ce qui précède, il résulte que c’est donc à bon droit que le ministre de la Justice a refusé de faire droit à la demande en obtention du statut de réfugié.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, 3déclare le recours en annulation irrecevable, condamne le demandeur au frais.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 15 janvier 2003 :

Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15206
Date de la décision : 15/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-15;15206 ?

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