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13/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14930

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 janvier 2003, 14930


Tribunal administratif Numéro 14930 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mai 2002 Audience publique du 13 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, …(D) et la société anonyme … S.A., contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2002 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité turque, demeurant à D-… et de la société anonyme … S.A., établie e

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Tribunal administratif Numéro 14930 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 mai 2002 Audience publique du 13 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, …(D) et la société anonyme … S.A., contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mai 2002 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, de nationalité turque, demeurant à D-… et de la société anonyme … S.A., établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 70.610, tendant à l’annulation d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi du 11 mars 2002 refusant le permis de travail à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé par Maître Charles OSSOLA au nom de Monsieur … et de la société anonyme … S.A. au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Charles OSSOLA, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 décembre 2002.

Monsieur … fut employé à partir du 16 février 2000 par la société anonyme … S.A.

pour occuper le poste de chargé de relations avec les actionnaires de … S.A. dans une succursale de celle-ci à …en Allemagne.

Le 15 janvier 2002, le conseil d’administration de … S.A. décida, premièrement, de fermer, à cause de la mauvaise situation économique de la société, toutes ses succursales à l’étranger et notamment celles en Allemagne et, deuxièmement, de muter son employé … au Luxembourg. Il fut précisé que la mutation de Monsieur … deviendrait effective en cas de réponse positive à la demande en obtention du permis de travail introduite auprès du Ministre du Travail et de l’Emploi en novembre 2001.

La demande en obtention du permis de travail est libellée comme suit :

„Betreff : Antrag auf Erteilung einer Arbeitserlaubnis für unsere türkischen Mitarbeiter aus Deutschland Sehr geehrte Damen und Herren, Im Rahmen der Umstrukturierung unseres Unternehmens möchten wir gerne einige türkische Mitarbeiter, die wir bisher in Deutschland beschäftigt haben, nach Luxemburg versetzen. Wir möchten Sie daher um die Erteilung einer Arbeitsgenehmigung für Herrn … bitten.

Herr … ist türkischer Staatsbürger, lebt aber schon seit 26.06.1976 in der Bundesrepublik Deutschland.

Herr … wurde am 16.02.2000 als Außendienstmitarbeiter unseres Unternehmens für unsere Niederlassung in …, Deutschland eingestellt. Herr … ist als Sachbearbeiter in der Abteilung Aktionärbetreuung eingestellt. Diese Abteilung soll nun nach dem Wunsch der Geschäftsführung komplett nach Luxemburg verlegt werden.

Um die geschätzte Mitarbeit von Herrn … nicht zu verlieren, der aufgrund seiner Erfahrungen mit unseren Aktionären und seinen unentbehrlichen Kenntnisse der türkischen Sprache, einen wertvollen Beitrag zum Erfolg unseres Unternehmens beiträgt, wären wir Ihnen für die Erteilung einer Arbeitserlaubnis für das Großherzogtum Luxemburg dankbar.

Der Arbeitsvertrag mit Herrn … wurde bereits dermaßen abgeändert, dass er unmittelbar nach Erteilung der Arbeitsgenehmigung seinen bisherigen Arbeitsplatz bei unserem Unternehmen in Deutschland verlassen kann und seine Stelle hier in Luxemburg antreten kann.

Die gesamtwirtschaftliche Lage zwingt leider auch unser Unternehmen zu Rationalisierungsmassnahmen. Wir müssen daher unsere ausländischen Niederlassungen schließen. Auf unseren wertvollsten Mitarbeiter können und wollen wir aber nicht verzichten. Wir haben diesen Mitarbeitern daher eine Versetzung nach Luxemburg angeboten. Herr … hat sich mit seiner Versetzung einverstanden erklärt. Wir würden ihn daher gerne so bald wie möglich nach Luxemburg versetzen.

Wir hoffen auf Ihr Verständnis für unsere Bemühungen unsere Mitarbeiter in Luxemburg zu konzentrieren und bedanken uns schon im voraus für eine positive Bescheidung unseres Antrages… “.

Par arrêté du 11 mars 2002, le ministre du Travail et de l’Emploi décida ce qui suit :

« Article 1er Le permis de travail est refusé à …, né le 08.03.1963, de nationalité turque, pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2644 employé(e)s de bureau, dont 6 parlant la langue turque, inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’espace économique européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur…» Suite à ce refus, la société … S.A. fit introduire un recours gracieux contre la décision du Ministre du Travail et de l’Emploi du 11 mars 2002.

Ce recours gracieux étant resté sans réponse, Monsieur … et la société anonyme … S.A. ont fait introduire, par requête déposée en date du 21 mai 2002, un recours en annulation contre la décision ministérielle du 11 mars 2002 pour violation de la loi, sinon pour excès de pouvoir.

Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, avant tout autre progrès en cause, il y a lieu de trancher la question si, en l’espèce, on se trouve face à un transfert d’entreprise tel que soulevé par les demandeurs.

En premier lieu, les demandeurs font référence à la loi luxembourgeoise du 24 mai 1989 sur le contrat de travail et plus particulièrement à son article 36 qui dispose : « S’il survient une modification dans la situation de l’employeur notamment par succession, vente, fusion, transformation de fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et les salariés de l’entreprise. » La loi luxembourgeoise sur le contrat de travail n’est pas applicable à la relation de travail entre Monsieur …, qui travaille en Allemagne, et la … S.A.. Le contrat de travail conclu en date du 10 février 2000 entre parties est soumis au droit allemand tel qu’il est expressément stipulé en son article 16 : « Anwendbares Recht – Das Vertragsverhältnis der Parteien unterliegt deutschem Recht ».

En deuxième lieu, les demandeurs invoquent la directive 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements pour soutenir qu’il ne s’agirait pas de la création d’un nouveau poste mais d’un transfert de poste. Ils ajoutent qu’en l’absence d’une vacance de poste, l’obligation de déclaration ne leur serait pas applicable. Ils soutiennent, que même en présence d’une obligation de déclaration, le manquement y relatif serait sanctionné seulement par une amende d’ordre et que par conséquent le ministre ne pourrait pas en faire un motif pour refuser le permis de travail à Monsieur ….

La directive 77/187/CEE a été abrogée et remplacée par la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements. C’est dès lors la directive 2001/23/CE qui a été en vigueur au moment où la décision du 11 mars 2002 du ministre du Travail et de l’Emploi a été prise.

La directive 2001/23/CE prévoyant le transfert des droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail au cessionnaire et donc le maintien de la relation de travail, il faut analyser si la directive est applicable à l’affaire soumise au tribunal.

L’article 1er, 1. a) de cette directive dispose : « La présente directive est applicable à tout transfert d’entreprise, d’établissement ou de partie d’entreprise ou d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion. » Au vu des faits établis en cause, des arguments échangés et des pièces versées, il y a lieu de retenir qu’en l’espèce il ne s’agit pas d’un transfert d’entreprise ou de partie d’entreprise à un autre employeur. Il est établi que la … S.A. a dû tout simplement fermer ses succursales en Allemagne et plus précisément celle à … où travaillait Monsieur … depuis le 16 février 2000, ce dont témoigne le contrat de travail conclu le même jour entre parties. Cette fermeture est accompagnée de la conclusion d’un nouveau contrat de travail entre Monsieur … et son ancien employeur désignant le Luxembourg comme lieu de travail et assorti d’une clause suspensive quant à son entrée en vigueur, liée à l’autorisation de travail exigée en la matière. Le nouveau contrat de travail versé en cause porte la date du 21 novembre 2001. Au vu de ce qui précède, la directive n’est partant pas applicable, étant donné que la situation analysée n’est pas à qualifier de transfert d’entreprise au sens de ladite directive.

Etant établi en cause qu’il s’agit de la conclusion d’un nouveau contrat de travail entre … S.A. et Monsieur …, laquelle a de la sorte nécessité logiquement une vacance de poste, il en résulte que la vacance aurait dû être déclarée à l’administration de l’Emploi conformément à l’article 9 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’Emploi et portant création d’une Commission nationale de l’Emploi.

En l’espèce il n’est pas contesté par les demandeurs que le poste n’a pas été déclaré vacant. C’est donc à bon droit que le ministre du Travail et de l’Emploi a pu motiver sa décision de refus de délivrance du permis de travail en prenant appui sur la non-déclaration de la vacance de poste. En effet l’article 10 du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg dispose : « La non déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’Administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 de la loi modifiée du 21 février 1976… constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail. » (cf TA 25 avril 2001, n° du rôle 12440 et autres références y citées, Pas. adm. 2002, V° Travail, sous III. Permis de travail, p. 535) Etant donné que la décision se justifie par le seul motif analysé ci-dessus, l’examen des autres motifs sur lesquels le ministre a encore fondé sa décision de refus devient surabondant. Le recours en annulation est partant à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 janvier 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14930
Date de la décision : 13/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-13;14930 ?

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