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13/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14859

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 janvier 2003, 14859


Tribunal administratif N° 14859 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2002 Audience publique du 13 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bureau RTS … de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur les traitements et salaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14859 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2002 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à

L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin d’appel en garantie daté...

Tribunal administratif N° 14859 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 mai 2002 Audience publique du 13 janvier 2003 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du bureau RTS … de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur les traitements et salaires

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14859 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2002 par Maître Marianne GOEBEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un bulletin d’appel en garantie daté du 12 septembre 2001, émis par le bureau RTS … du service d’imposition de l’administration des Contributions directes ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 octobre 2002 par Maître Marianne GOEBEL pour compte de Monsieur … ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Eric PRALONG, en remplacement de Maître Marianne GOEBEL, et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-

Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 novembre 2002.

En date du 12 septembre 2001, le bureau d’imposition RTS … a émis à l’encontre de Monsieur …, pris en sa qualité d’administrateur-délégué de la société anoyme … … SA, ci-

après appelée « la société … », ayant eu son siège social à L-…, entretemps déclarée en état de faillite, un bulletin d’appel en garantie (Haftungsbescheid) en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts, dite « Abgabenordnung », ci-après appelée « AO », pour le paiement des sommes retenues ou à retenir au titre d’impôt sur les salaires par la société … pour les exercices 1999, 2000 et 2001, ainsi que des intérêts de retard y relatifs, pour un montant total s’élevant à 795.565.- LUF.

Par courrier de son mandataire datant du 10 octobre 2001, Monsieur … a fait introduire à l’encontre de ce bulletin une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le directeur ». Cette réclamation étant restée sans suite, il a fait déposer en date du 2 mai 2002 un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation du bulletin d’appel en garantie du 12 septembre 2001.

Le bulletin déféré émis le 12 septembre 2001 à l’encontre du demandeur étant à assimiler, conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, à un bulletin d’impôt fixant une cote d’impôt en ce qui concerne le régime des voies de recours, le tribunal administratif a compétence pour connaître des contestations y relatives en tant que juge du fond.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, de sorte que le recours en annulation, introduit à titre subsidiaire, doit être déclaré irrecevable.

Le contribuable dont la réclamation n’a pas fait l’objet d’une décision définitive du directeur dans un délai de six mois ayant le droit, en vertu des dispositions de l’article 8 (3) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de déférer directement au tribunal le bulletin qui a fait l’objet de la réclamation, le recours en réformation introduit en date du 2 mai 2002 est recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

La décision déférée a déclaré le demandeur co-débiteur solidaire des retenues d’impôt qui auraient dû être effectuées par la société … sur les traitements et salaires de son personnel et dont le paiement à l’administration des Contributions directes n’avait pas été effectué pour les exercices 1999, 2000 et 2001, ainsi que pour les intérêts de retard y relatifs, soit au total pour la somme de 795.565.- LUF, au motif qu’ « en vertu des paragraphes 103 et 108 de la loi générale des impôts (AO) vous êtes obligé en votre qualité d’administrateur-délégué de la SA. …. …, de payer sur les fonds administrés les impôts, dont la société est redevable. En omettant de verser à l’administration des contributions les sommes retenues ou qui auraient dû être retenues à titre d’impôt sur les salaires, vous avez commis une faute grave, engageant votre responsabilité personnelle (paragraphe 109 AO), responsabilité qui continue à exister après la cessation de commerce de la société (paragraphe 110 AO) ».

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision déférée méconnaîtrait à la fois les conditions de qualification de la responsabilité personnelle du dirigeant d’une société au sens du paragraphe 109 AO et l’obligation de se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles de fonder une mise en œuvre de cette responsabilité. Il estime à cet égard que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO ne serait pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle du dirigeant au point de pouvoir émettre à son encontre un bulletin d’appel en garantie. Il soutient en outre qu’il y aurait lieu de prendre en compte en l’espèce le fait qu’à partir du dépôt d’une demande en gestion contrôlée auprès du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg pour la société …, il aurait été fait interdiction aux dirigeants de cette société de procéder à des paiements à des créanciers en l’absence d’une autorisation expresse du juge-délégué, de sorte que, même s’il avait souhaité faire un paiement en faveur de l’administration des Contributions directes, il en aurait été empêché par l’effet des dispositions légales applicables en matière de gestion contrôlée. Dans la mesure où il n’aurait fait que se conformer à une injonction reçue d’un tribunal, il estime dès lors ne pas avoir pu faire preuve d’un comportement fautif au sens des dispositions de la loi générale des impôts. Concernant plus particulièrement les sommes dues par la société pour les années 1999 et 2000, le demandeur fait valoir qu’à cette époque les affaires de la société … auraient en réalité été gérées exclusivement par feu …, lequel avait été nommé administrateur-délégué de la société le 16 octobre 2000, et que ce n’aurait été que suite au décès inopiné de Monsieur … que lui-même a dû prendre en charge les affaires de la société …, ainsi que celles de la société mère … … SA, de sorte que si des manquements étaient à reprocher aux dirigeants de la société … pour les années 1999 et 2000, ceux-ci seraient exclusivement dus aux agissements, voire aux omissions d’agir de Monsieur …, ceci d’autant plus que lui-même aurait été dans l’impossibilité d’intervenir activement dans la gestion de la société en raison de problèmes de santé. Le demandeur estime finalement que l’émission d’un bulletin d’appel en garantie serait en l’espèce prématurée, étant donné que la liquidation des avoirs de la société dans le cadre de la faillite ne serait pas encore clôturée et que la société … disposerait, selon ses informations, d’un actif non négligeable.

Le délégué du Gouvernement rencontre ces moyens en faisant valoir qu’en vertu du paragraphe 103 AO, le gérant d’une société doit, au nom de l’employeur qu’est la société, retenir l’impôt sur les salaires payés et verser ponctuellement les retenues au receveur des contributions et qu’il engagerait sa responsabilité personnelle sur base du paragraphe 109 AO pour l’impôt qui, par sa faute, n’a pas été retenu ou n’a pas été versé, mais détourné à d’autres fins.

Il signale que compte tenu du fait que l’impôt doit être retenu à chaque allocation de salaire en fonction du montant alloué, le simple fait que des salaires ont été payés sans subir une retenue d’impôt suffisante révélerait en principe la faute de celui qui était tenu d’opérer la retenue, encore que, aux termes de la jurisprudence constante du directeur, la poursuite du responsable devrait être motivée en raison et en équité.

Tout en admettant que le recourant ne répondait ni des retenues qui n’ont pas été opérées en dehors de son entrée en fonctions, ni encore du versement de ces mêmes retenues, la société ayant demandé la gestion contrôlée dès le 12 mars 2001, le représentant étatique estime qu’il n’aurait pas pour autant été dispensé de continuer au receveur des contributions les retenues opérées après la demande de gestion contrôlée, alors que cette partie des salaires ne pourrait pas être détournée dans l’intérêt de la société et que, si des salaires avaient pu être payés, les retenues à opérer et à verser pour compte des salariés auraient également pu être continuées.

Dans son mémoire en réplique le demandeur insiste sur les mécanismes de la gestion contrôlée pour soutenir que pendant la phase de gestion contrôlée les administrateurs de la société auraient eu une interdiction formelle de procéder à des paiements non autorisés au préalable par l’expert à la gestion contrôlée, respectivement le juge-commissaire et qu’en l’espèce les demandes soumises en vue de voir continuer les retenues d’impôt effectuées sur les salaires à l’administration des Contributions auraient été refusées. Il estime dès lors qu’aucune faute ne lui serait imputable quant à la non continuation des fonds retenus sur les salaires du personnel à l’administration des Contributions directes pendant la phase de demande de gestion contrôlée. Il relève en outre qu’il y aurait lieu de tenir compte de la renonciation par l’Etat sur la partie des sommes réclamées ayant trait à une période où il n’était pas en fonction, ceci conformément au mémoire du délégué du 2 octobre 2002.

Même s’il est admis que le délégué du Gouvernement peut compléter en cours d’instance contentieuse la motivation à la base d’une décision litigieuse, il y a lieu de relever que son rôle consiste à représenter l’Etat pour les seuls besoins de sa défense dans le cadre de l’instance introduite contre une décision administrative, sans qu’il ne puisse se substituer à l’auteur de la décision litigieuse en la modifiant, fût-ce par renonciation, dans ses éléments décisionnels, de sorte que le tribunal ne saurait en tout état de cause suivre l’analyse suggérée par la partie demanderesse concernant la portée à reconnaître au constat du délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse du 2 octobre 2002 relatif au fait que le demandeur ne répond pas des retenues qui n’ont pas été opérées avant son entrée en fonction.

En vertu des dispositions de l’article 136 (4) de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu (LIR), l’employeur est tenu de retenir et de verser l’impôt qui est dû sur les salaires et traitements de son personnel. Dans le cas d’une société, cette obligation incombant aux employeurs est transmise aux représentants de celle-ci, conformément au paragraphe 103 AO, qui dispose que « die gesetzlichen Vertreter juristischer Personen und solcher Personen, die geschäftsunfähig oder in der Geschäftsfähigkeit beschränkt sind, haben alle Pflichten zu erfüllen, die denen Personen, die sie vertreten, obliegen ; insbesondere haben sie dafür zu sorgen, dass die Steuern aus den Mitteln die sie verwalten, entrichtet werden. Für Zwangsgeldstrafen und Sicherungsgelder die gegen sie erkannt, und für Kosten von Zwangsmitteln die gegen sie festgesetzt werden, haften neben ihnen die von ihnen vertretenen Personen ».

Quant à la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du non-paiement des impôts litigieux, il y a lieu de se référer plus particulièrement aux dispositions du paragraphe 109 AO, qui dispose dans son alinéa (1) que : « die Vertreter und die übrigen in den Paragraphen 103 bis 108 bezeichneten Personen haften insoweit persönlich neben dem Steuerpflichtigen, als durch schuldhafte Verletzung der ihnen in den Paragraphen 103 bis 108 auferlegten Pflichten Steueransprüche verkürzt oder Erstattung oder Vergütung zu Unrecht gewährt worden sind ».

Il se dégage de ces dispositions légales que le simple constat d’un manquement à une obligation fiscale découlant du paragraphe 103 AO précité n’est pas suffisant pour engager la responsabilité personnelle des dirigeants d’une société en application du paragraphe 109 (1) AO et pour voir émettre à leur encontre un bulletin d’appel en garantie, le législateur ayant en effet posé à cet égard l’exigence supplémentaire d’une inexécution fautive (« schuldhafte Verletzung ») des obligations du représentant de la société envers le fisc.

Le paragraphe 7 (3) de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 maintenue en vigueur par l’arrêté grand-ducal du 26 octobre 1944, appelée « Steueranpassungsgesetz » (StAnpG), disposant par ailleurs que « jeder Gesamtschuldner schuldet die ganze Leistung. Dem Finanzamt steht es frei an welchen Gesamtschuldner es sich halten will. Es kann die geschuldete Leistung von jedem Gesamtschuldner ganz oder zu einem Teil fordern », le pouvoir du bureau d’imposition d’engager une poursuite contre un tiers responsable, et, plus particulièrement, contre le représentant d’une société, ne relève pas d’une compétence liée, mais constitue un pouvoir d’appréciation dans son chef et ce à un double titre, d’abord en ce qui concerne l’appréciation du degré fautif du comportement de la personne visée, et, ensuite, en ce qui concerne le choix du ou des codébiteurs contre lesquels l’émission d’un bulletin d’appel en garantie est décidée, chaque fois compte tenu des circonstances particulières de l’espèce.

Conformément au paragraphe 2 StAnpG disposant dans son alinéa (1) que « Entscheidungen, die die Behörden nach ihrem Ermessen zu treffen haben (Ermessensentscheidungen) müssen sich in den Grenzen halten, die das Gesetz dem Ermessen zieht. (2) Innerhalb dieser Grenzen sind Ermessensentscheidungen nach Billigkeit und Zweckmässigkeit zu treffen », l’administration investie d’un pouvoir d’appréciation doit procéder selon des considérations d’équité et d’opportunité et partant se livrer à une appréciation effective et explicite des circonstances particulières susceptibles en raison et en équité de fonder sa décision.

En l’espèce, le bureau d’imposition a décidé de mettre en œuvre la responsabilité personnelle du demandeur en sa qualité d’administrateur-délégué en titre de la société en relevant à l’appui de sa décision l’omission dans son chef de verser à l’administration des Contributions directes les sommes retenues ou qui auraient dû l’être à titre d’impôt sur les salaires.

Il est constant que Monsieur … a fait partie du conseil d’administration de la société … pendant les trois années fiscales litigieuses, mais qu’il n’a revêtu la qualité d’administrateur-

délégué que pendant une partie de cette période, en l’occurrence pendant le laps de temps ayant précédé la désignation de feu … à cette charge par décision du 16 octobre 2000, ainsi que pendant la période postérieure au décès de ce dernier, soit à partir du 21 février 2001.

En tant que délégué à la gestion journalière de la société, Monsieur …, conformément au paragraphe 103 AO, était dès lors personnellement tenu pendant les périodes correspondant à l’exercice de cette fonction, à l’accomplissement de toutes les obligations fiscales incombant à la société, de sorte qu’il était obligé de retenir, lors du paiement des salaires, l’impôt sur les salaires, ainsi que de le verser au trésor public.

Le demandeur entend voir amoindrir sa responsabilité afférente d’abord en faisant valoir que les affaires de la société … auraient en réalité été gérées exclusivement par feu ….

Force est cependant de constater que cette affirmation ne se trouve corroborée par aucune pièce du dossier, la même conclusion s’imposant relativement aux problèmes de santé allégués par le demandeur, lesquels lui auraient rendu impossible de s’occuper personnellement de la bonne exécution des obligations fiscales de la société. Concernant la période litigieuse ayant précédé le décès de feu …, le tribunal ne peut dès lors que constater que le demandeur, ayant librement assumé la charge d’aministrateur-délégué de la société …, a éminemment failli à ses devoirs en s’abstenant de verser à l’Etat les sommes retenues ou qui auraient dû être retenues sur les salaires payés.

Le demandeur conclut ensuite au caractère prématuré de l’émission du bulletin litigieux, au motif que la liquidation des avoirs de la société dans le cadre de sa faillite ne serait pas encore clôturée.

Le propre de la responsabilité solidaire et personnelle sous examen étant précisément de permettre de parer dans l’immédiat au risque que la société débitrice ne s’acquitte pas des impôts dus, sa mise en œuvre ne saurait être fonction des avoirs éventuellement disponibles dans le cadre de la faillite de la société concernée. Elle se justifie au contraire tant que la dette qui en fait l’objet n’a pas été effectivement acquittée. Le demandeur restant en l’espèce en défaut d’établir un quelconque remboursement des impôts réclamés, ledit moyen laisse partant d’être fondé.

Les contestations du demandeur portant par ailleurs exclusivement sur le principe de sa responsabilité, ainsi que, à travers les développements dans son mémoire en réplique, sur les périodes à prendre en considération, sans qu’il n’ait remis en question, ne serait-ce qu’oralement lors des plaidoiries, les montants effectivement réclamés, le tribunal, sous peine de statuer ultra petita, ne saurait étendre son contrôle à ce volet de la décision déférée.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé pour autant que la période ayant précédé l’entrée en fonction en tant qu’administrateur-délégué de feu … est concernée.

Concernant ensuite la période pendant laquelle feu … assumait la fonction d’administrateur-délégué de la société … s’étendant du 16 octobre 2000 jusqu’à la date de son décès le 21 février 2001, force est de constater que la décision déférée ne permet pas de dégager les raisons susceptibles, en raison et en équité, de justifier la décision de poursuivre le demandeur et d’engager sa responsabilité personnelle en raison d’un comportement fautif dans son chef, étant donné que pendant cette période, il était, d’après les pièces versées au dossier, dessaisi de la charge de s’occuper de la gestion journalière de la société.

Il s’ensuit que le bureau d’imposition a méconnu, dans le volet de la décision déférée ayant trait à la période s’étendant du 16 octobre 2000 au 21 février 2001, à la fois les conditions de qualification de la responsabilité personnelle du dirigeant de société au sens du paragraphe 109 AO et l’obligation d’appréciation inhérente à son propre pouvoir pour la mettre en œuvre.

Le demandeur entend finalement nier sa responsabilité dans le non-versement des impôts litigieux pendant la période postérieure au décès de feu …, au motif que par application du mécanisme de la gestion contrôlée, il lui aurait été formellement interdit de procéder à des paiements non autorisés au préalable par l’expert à la gestion contrôlée et que les demandes par lui soumises en vue de voir continuer les retenues d’impôt effectuées sur les salaires à l’administration des Contributions auraient en l’espèce été refusées, de sorte qu’aucune faute afférente ne lui serait imputable.

L’impôt sur les salaires est un impôt dû par le salarié qu’il incombe à l’employeur de retenir et de continuer pour compte du salarié à partir du moment qu’un salaire passible dudit impôt lui est versé.

Il s’ensuit que le fait par l’employeur de verser un salaire sans pour autant effectuer, voire continuer les retenues qui s’imposent, s’analyse en un détournement des sommes en question au profit de la société, alors que cette partie du salaire est due à l’Etat non pas par l’employeur, mais par le salarié, de sorte que le versement de ces retenues par l’employeur pour compte du salarié ne saurait être considéré comme visant à avantager un créancier de l’employeur par rapport à un autre, l’employeur ne faisant office que d’intermédiaire appelé à agir en lieu et place du salarié.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la société … était tenue d’opérer et de verser les retenues sur les salaires qui ont été payées pendant la phase de gestion contrôlée.

S’il est certes vrai que la gestion journalière d’une société sous gestion contrôlée est placée, conformément aux dispositions de l’article 4 alinéa 1er de l’arrêté grand-ducal du 24 mai 1935 complétant la législation relative aux sursis de paiement, au concordat préventif de la faillite et à la faillite par l’institution du régime de la gestion contrôlée, sous le contrôle d’un ou de plusieurs commissaires et que, par application des dispositions de l’article 5 du même arrêté grand-ducal, le commerçant ne peut, sans l’autorisation du ou des commissaires, faire aucun paiement, ni se livrer à un aucun acte d’administration, de manière à devoir requérir pareille autorisation notamment en vue d’effectuer concrètement la continuation de retenues d’impôt opérées sur des salaires à l’Etat, il n’est cependant pas moins constant qu’à la base, il incombe à la personne investie du pouvoir d’administrer la société sous gestion contrôlée de solliciter cette autorisation.

Le demandeur, appelé en garantie en la qualité non contestée en cause pour la période sous examen d’administrateur-délégué de la société …, s’étant prévalu en l’espèce d’une décision de refus du commissaire à la gestion contrôlée de la société … concernant le versement des retenues d’impôt sur salaires opérées pendant la phase de gestion contrôlée, le tribunal avait invité en cours de délibéré la partie demanderesse à verser au dossier les demandes afférentes adressées audit commissaire.

Force est cependant de constater que parmi les pièces versées en cause par le demandeur en date du 11 décembre 2002 ne figure aucune demande ayant trait à l’objet du litige sous examen, les demandes d’autorisation communiquées concernant la société … ne portant en effet que sur le paiement des cotisations de la chambre des employés privés, de sorte que la décision de refus alléguée du commissaire à la gestion contrôlée de la société … relativement au versement des retenues d’impôt sur salaires litigieuses, invoquée par le demandeur pour se voir décharger de sa responsabilité pour le non versement desdites retenues, ne se trouve pas établie à suffisance de fait au dossier.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours sous examen laisse d’être fondé quant à son volet ayant trait à la période postérieure au décès de feu ….

Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, il y a dès lors lieu de réformer la décision litigieuse uniquement en ce sens que c’est à tort que Monsieur … fut appelé en garantie pour le paiement des sommes retenues ou à retenir au titre d’impôt sur les salaires par la société … pour la période pendant laquelle feu … assumait la fonction d’administrateur-

délégué de la société, s’étendant du 16 octobre 2000 jusqu’à la date de son décès le 21 février 2001.

Dans sa requête introductive d’instance, la partie demanderesse a sollicité outre la réformation de la décision déférée également la restitution intégrale des sommes déjà perçues par l’administration des Contributions directes par le biais d’une saisie sur pension. Le tribunal ne saurait faire droit à cette demande, étant donné que les questions relatives respectivement à l’obligation du contribuable de régler un solde d’impôt et à la restitution d’un impôt déjà payé relèvent de la phase de recouvrement de l’impôt et que dans l’hypothèse d’une réformation d’un bulletin par une instance de recours, le contribuable tire à la fois de l’article 154 LIR et du paragraphe 151 AO un droit au remboursement du trop payé à titre d’impôt, étant entendu que lorsque l’administration n’entend pas exécuter le remboursement dans la mesure voulue par le contribuable, il lui incombe, conformément au paragraphe 150 (2) AO de matérialiser son refus par un bulletin qui constitue une décision autonome propre à la phase de recouvrement d’impôt et est soumis aux voies de recours prévues par le paragraphe 235, n° 5 AO.

En l’espèce, en l’absence d’une décision de l’administration préalablement contestée devant le directeur de l’administration des Contributions directes sur le remboursement d’un trop perçu d’impôt dans le chef de la partie demanderesse et faute de disposition légale investissant le tribunal d’un pouvoir spontané pour ordonner un remboursement d’impôt, le tribunal, bien qu’étant en principe compétent pour connaître de ces contestations ne saurait statuer à ce stade sur la demande en restitution en question, laquelle encourt par voie de conséquence l’irrecevabilité (cf. trib. adm. 29 juillet 1998, n° 10166 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Impôts, n° 151 et autres références y citées).

Vu l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer à raison de trois quarts au demandeur et d’un quart à l’Etat.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit partiellement justifié ;

partant dit qu’il y a lieu de réformer la décision litigieuse en ce sens que c’est à tort que Monsieur … fut appelé en garantie pour le paiement des sommes retenues ou à retenir au titre d’impôt sur les salaires par la société … pour la période pendant laquelle feu … assumait la fonction d’administrateur-délégué de la société, s’étendant du 16 octobre 2000 jusqu’à la date de son décès le 21 février 2001 ;

renvoie le dossier au bureau de l’administration des Contributions directes afin de sa transmission au bureau compétent pour exécution ;

déclare le recours irrecevable dans la mesure de la demande en restitution des impôts payés ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

fait masse des frais et les impose à raison de trois quarts au demandeur et d’un quart à l’Etat ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 janvier 2003 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 14859
Date de la décision : 13/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-13;14859 ?

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