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09/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14951

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 janvier 2003, 14951


Tribunal administratif N° 14951 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2002 Audience publique du 9 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Travaux Publics en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 27 mai 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, dem

eurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Travaux Publics du 27 février 2002...

Tribunal administratif N° 14951 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 mai 2002 Audience publique du 9 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Travaux Publics en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 27 mai 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Travaux Publics du 27 février 2002 confirmant la sanction disciplinaire de la réprimande lui infligée par une décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées du 29 mai 2001;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 17 juillet 2002 au greffe du tribunal administratif ;

Vu le mémoire en réplique déposé en date du 12 août 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Nicolas DECKER ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier du 21 juin 2001, émanant de l’ingénieur chef de division, Monsieur F. L.

de l’administration des Ponts et Chaussées à Luxembourg, Monsieur … fut informé que par décision du 29 mai 2001, le directeur de l’administration des Ponts et Chaussées lui avait infligé la sanction disciplinaire de la réprimande conformément aux dispositions des articles 47 et 51 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après le « statut général ». Le prédit courrier du 21 juin 2001 retient comme motivation à la base de la décision directoriale que « vous avez mis à jour un comportement impertinent qui est inacceptable et incompatible avec les devoirs de politesse cités au statut général des fonctionnaires de l’Etat. En outre, (…) vous n’avez pas obtempéré à un ordre reçu de votre supérieur hiérarchique. Si, à l’époque, vous aviez estimé que l’ordre en question fut irrégulier, vous auriez dû procéder suivant les dispositions de l’article 9 sub 4) du statut général. L’ordre confirmé par votre supérieur, vous auriez dû l’exécuter, à moins que son acte n’eut été pénalement répressible ».

Par courrier daté du 9 juillet 2001, Monsieur …, par l’intermédiaire de son mandataire, introduisit un recours tel que prévu par l’article 54 du statut général, auprès du ministre des Travaux Publics, à l’encontre de la sanction disciplinaire lui infligée par décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées du 29 mai 2001.

Par lettre du 27 février 2002, le ministre lui fit parvenir sa « prise de position relative au recours », introduit en son nom par son mandataire, en faisant valoir qu’il considérerait que les griefs formulés par Monsieur … à l’encontre de ses supérieurs hiérarchiques ne seraient pas fondés.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 mai 2002, Monsieur … a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 27 février 2002, confirmant la sanction disciplinaire de la réprimande lui infligée par une décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées du 29 mai 2001.

A l’appui de son recours, il fait valoir que la prédite décision aurait été prise en violation des règles procédurales relatives à ses droits de la défense, notamment en violation de l’article 51 du statut général. A ce titre, il soutient qu’à aucun moment de la procédure, il n’aurait été mis en mesure de présenter sa défense et que ce serait à tort que le ministre soutiendrait qu’il aurait été entendu en ses explications le 13 avril 2001, dans la mesure où cette réunion aurait eu pour objet d’élucider « un incident survenu à la suite de l’installation de barrières entre Mamer et Dippach ». Il relève que lors de cette réunion, il n’aurait pas été impertinent vis-à-vis de ses supérieurs, mais qu’il aurait tout simplement défendu son point de vue concernant l’exécution d’un ordre, qu’il estima illégal, reçu de son supérieur hiérarchique.

En effet, s’il est vrai que lors de la réunion du 13 avril 2001, il a pu s’expliquer quant à l’incident ayant trait aux barrières, dans la mesure où la discussion portait sur le fait qu’il n’avait pas obtempéré à l’ordre reçu de son supérieur hiérarchique d’enlever les prédites barrières, néanmoins il n’était nullement question d’un comportement irrespectueux de sa part lors de cette réunion, de sorte qu’il n’aurait pas pu se défendre quant au reproche d’un prétendu comportement impertinent affiché par lui. Il fait encore valoir qu’il n’aurait pas été averti, ni oralement, ni par écrit, qu’il pourrait prendre position par rapport aux griefs qui lui ont été adressés et qui font l’objet de la sanction disciplinaire actuellement sous discussion.

Il conclut qu’il résulterait des considérations qui précèdent que le directeur de l’administration des Ponts et Chaussées aurait violé les dispositions de l’article 51 du statut général des fonctionnaires, de sorte que la décision ministérielle, ayant fait sienne les conclusions du directeur en confirmant sa décision, serait entachée de nullité.

Le délégué du gouvernement conteste que Monsieur … n’aurait pas été mis en mesure de présenter sa défense tel que prévu par l’article 51 du statut général. Il se réfère à ce sujet à une lettre du 26 septembre 2001, émanant de Monsieur F.K. du service régional de Capellen de l’administration des Ponts et Chaussées, ainsi qu’à un rapport établi le 18 avril 2001, suite à une réunion qui a eu lieu entre Monsieur …, ses chefs hiérarchiques et différents fonctionnaires de l’administration des Ponts et Chaussées. Le représentant étatique estime qu’il se dégagerait à suffisance de droit de ces documents que Monsieur … aurait été entendu en son argumentation et qu’il aurait pu expliquer son point de vue suite au refus d’exécuter un ordre reçu de son supérieur hiérarchique, ce qu’il aurait fait en des termes qui dénoteraient, selon l’expression du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées, « un comportement impertinent qui est inacceptable et incompatible avec les devoirs de politesse » prévus au statut général, de sorte que le recours serait à rejeter comme étant non fondé.

Le délégué du gouvernement fait finalement valoir que si Monsieur … avait été d’avis que l’ordre de son supérieur aurait été irrégulier, il aurait dû procéder selon l’article 9, alinéa 4 du statut général qui prévoit une procédure écrite à cet égard.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur réitère son argumentation en soutenant qu’à aucun moment, il aurait été informé qu’une procédure disciplinaire aurait été engagée à son encontre, qu’il n’aurait pas pu prendre inspection de son dossier tel que prévu par l’article 56 (4) du statut général et qu’il n’aurait dès lors pas été en mesure de présenter ses observations et demander le cas échéant un complément d’instruction, conformément à l’article précité. Il estime que l’observation de Monsieur A. S. apposée sur une lettre du 5 septembre 2001, retenant que Monsieur L. allait engager une procédure disciplinaire à son encontre serait « irrelevante », étant donné qu’il ne résulterait d’aucun autre élément du dossier administratif qu’il aurait été informé par son chef hiérarchique qu’une instruction disciplinaire aurait été engagée à son encontre.

Aucun recours au fond n’étant prévu à l’encontre d’une décision ayant prononcé la sanction disciplinaire de la réprimande, le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

Conformément aux articles 51, alinéa 1er et 56 (4) du statut général « aucune sanction ne peut être appliquée sans que le fonctionnaire ait été mis en mesure de présenter sa défense » et « le fonctionnaire a le droit de prendre inspection du dossier dès que l’instruction est terminée, conformément aux dispositions de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse et du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes. Dans les dix jours, le fonctionnaire peut présenter ses observations et demander un complément d’instruction. Le chef hiérarchique décide s’il y a lieu de donner suite à cette demande ».

En l’espèce, c’est à bon droit que Monsieur … fait valoir qu’il n’a pas été informé ni du déclenchement ni de l’achèvement de la procédure disciplinaire menée à son encontre en raison du refus d’obtempérer à un ordre reçu de la part de son supérieur hiérarchique et en raison du fait qu’il aurait mis à jour un comportement impertinent inacceptable et incompatible avec les devoirs de politesse cités au statut général.

En effet, il ne se dégage d’aucun élément du dossier administratif à disposition du tribunal administratif que Monsieur … fut informé – par voie orale ou par voie écrite – d’une part, du fait qu’une procédure disciplinaire allait être entamée à son encontre et, d’autre part, quels étaient les chefs d’accusation qui allaient être portés à son encontre.

S’il est vrai qu’en date du 13 avril 2001, une réunion a eu lieu entre Monsieur … et certains de ses supérieurs hiérarchiques, réunion qui fut convoquée suite au refus de Monsieur … en date du 11 avril 2001 d’enlever des barrières sur le CR 102 entre Mamer et Dippach, malgré l’ordre formel y afférent de son supérieur hiérarchique Monsieur M., que lors de cette entrevue Monsieur … avait été entendu en ses explications et que Monsieur L. l’a informé de ce qu’il n’avait pas le droit de passer outre un ordre reçu de la part de son supérieur hiérarchique et que s’il jugeait opportun de protester, il devrait le faire par écrit à son supérieur hiérarchique direct dans les formes prévues par l’article 4 du statut général et, en tout état de cause, il ne pouvait pas ignorer un ordre ou refuser de l’exécuter, néanmoins il ne ressort pas du procès-verbal établi en cause pour cette réunion ni d’un autre document que le but en aurait été d’entendre Monsieur … en vue de lui infliger le cas échéant une sanction disciplinaire en raison de son refus d’ordre. Force est encore de constater que ce n’est qu’en raison du prétendu comportement impertinent lors de cette réunion, qu’il a été décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre de Monsieur … (cf procès-verbal de la réunion du 13 avril 2001, p. 2).

Cependant, dans la suite, et jusqu’à la décision du directeur de l’administration des Ponts et Chaussées du 29 mai 2001 lui infligeant la peine disciplinaire de la réprimande, il n’y eut plus de contact entre Monsieur … et ses supérieurs hiérarchiques. En particulier, il n’a jamais été officiellement informé ni de ce qu’une procédure disciplinaire aurait été ouverte contre lui et, a fortiori, non plus des chefs d’accusation portés à son encontre ni de ce qu’il pourrait prendre inspection de son dossier pour présenter éventuellement des observations écrites et solliciter un complément d’instruction.

Il résulte des considérations qui précèdent que la procédure disciplinaire menée à son encontre n’était pas régulière dans la mesure où les dispositions ni de l’article 51 alinéa 1 ni celles de l’article 54 alinéa (3) et (4) n’ont été respectées.

Si certes toute inobservation de la procédure disciplinaire n’entraîne pas nécessairement son annulation, surtout si cette inobservation n’a pas eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense, il en est autrement de certaines formalités essentielles destinées à garantir un déroulement équitable de la procédure disciplinaire.

Or, l’information du fonctionnaire présumé fautif des faits qui lui sont reprochés avec indication si une procédure disciplinaire a été entamée est essentielle pour permettre au fonctionnaire de présenter sa défense. Cette formalité qui, en l’espèce, n’a pas été respectée, constitue une formalité essentielle dont l’inobservation vicie fondamentalement la procédure et doit entraîner l’annulation de la sanction disciplinaire prise dans son cadre.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

au fond le déclare justifié ;

partant annule la décision du Ministre des Travaux Publics 27 février 2002 et renvoie l’affaire devant le ministre des Travaux Publics ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 9 janvier 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14951
Date de la décision : 09/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-09;14951 ?

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