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09/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14832

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 janvier 2003, 14832


Tribunal administratif N° 14832 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 avril 2002 Audience publique du 9 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14832 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 avril 2002 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au n

om de Monsieur …, né le … à Vrbica/Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeur...

Tribunal administratif N° 14832 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 avril 2002 Audience publique du 9 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14832 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 avril 2002 par Maître Jean-Paul WILTZIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le … à Vrbica/Berane (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 février 2002, ainsi que d’une décision confirmative rendue sur recours gracieux du 11 avril 2002, par lesquelles il n’a pas été fait droit à sa demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Jean-Paul WILTZIUS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 28 avril 1999, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 7 novembre 2001, le ministre de la Justice l’informa que sa demande était rejetée, étant donné qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays d’origine, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie.

A la suite de l’introduction en date du 13 juillet 2001 d’une demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, les ministres du Travail et de l’Emploi et de la Justice ont refusé de faire droit à cette demande par décision du 2 août 2001, au motif que Monsieur … ne serait pas en possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg.

Par une lettre du 10 janvier 2002, Monsieur … fit introduire, par le biais de son mandataire, d’une part, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 7 novembre 2001 par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance du statut de réfugié politique et, d’autre part, une demande subsidiaire tendant à se voir délivrer une autorisation de séjour « pour des considérations strictement humanitaires ».

Sur ce, le ministre de la Justice prit une décision en date du 26 février 2002 par laquelle, d’une part, il déclara irrecevable le recours gracieux précité dirigé contre la décision ministérielle du 7 novembre 2001, au motif qu’il aurait été introduit en dehors du délai légal et, d’autre part, il refusa de faire droit à la demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, au motif que le demandeur n’aurait fait état « d’aucune circonstance de fait susceptible de motiver la délivrance d’une telle autorisation », en précisant par ailleurs qu’il ne serait pas en possession de moyens d’existence personnels suffisants pour subvenir à ses besoins au sens de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Un recours gracieux formulé par lettre du 28 mars 2002 à l’encontre de la décision précitée du 26 février 2002, dans la mesure où celle-ci a refusé de faire droit à la demande tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour, ayant été rejeté par une décision du ministre de la Justice du 11 avril 2002, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux le 24 avril 2002 à l’encontre de la décision précitée du 11 avril 2002 et de celle également précitée du 26 février 2002, dans la mesure où cette dernière a trait à la délivrance d’une autorisation de séjour.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation des décisions critiquées.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Au fond, le demandeur reproche au ministre de la Justice d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation des faits qui lui ont été soumis, en soutenant qu’il avait sollicité la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, au motif qu’il n’aurait plus aucun lien familial dans son pays d’origine, à savoir le Monténégro, qu’il n’y serait pas propriétaire de biens meubles ou immeubles et qu’il risquerait dans son pays d’origine une incarcération d’une durée de quatre mois en raison de sa désertion de l’armée fédérale yougoslave.

Il échet tout d’abord de relever que dans la mesure où le demandeur n’a pas critiqué le motif de refus de délivrance de l’autorisation de séjour sollicitée par lui et basé sur l’absence de moyens d’existence personnels suffisants dans son chef, il n’y a pas lieu d’analyser la légalité de ce motif de refus et d’analyser les développements faits par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse au sujet de ce motif.

En ce qui concerne le refus de délivrance de l’autorisation de séjour sollicitée pour des raisons humanitaires, le représentant étatique expose que la loi précitée du 28 mars 1972 ne prévoirait aucun critère d’octroi d’une autorisation de séjour pour de tels motifs. Par ailleurs, il estime que le risque de persécution en raison de la désertion du demandeur dans son pays d’origine aurait été examiné dans le cadre de la demande d’asile de celui-ci.

En application de l’article 14 in fine de la loi précitée du 28 mars 1972 et de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il incombe aux autorités luxembourgeoises de prémunir un étranger résidant au Luxembourg contre une situation irrémédiable de danger objectif de mauvais traitement ou d’atteinte grave à sa vie ou à sa liberté en cas de retour dans son pays d’origine et cette obligation ne souffre pas de possibilités dérogatoires découlant du droit national, notamment de l’article 2 de la loi précitée de 1972 et tirées d’un prétendu risque qu’il compromette la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics ou du défaut de moyens d’existence personnels suffisants.

L’article 14 in fine en question, dans la mesure où il se réfère en outre de manière expresse à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue partant une base légale suffisante permettant à un étranger souhaitant s’établir au Luxembourg d’obtenir une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, à condition de remplir les conditions ci-avant y énumérées. S’il est vrai que le ministre de la Justice, en tant qu’autorité compétente, peut refuser la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires au motif que l’étranger ne remplit pas les conditions ainsi énoncées, il n’en reste pas moins que les juridictions administratives, dans le cadre d’un recours en annulation dont elles peuvent être saisies à l’encontre d’une telle décision sont amenées à contrôler la légalité d’une telle décision ministérielle, en examinant notamment si le ministre n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation des faits.

En ce qui concerne tout d’abord sa peur d’être incarcéré pour une durée de quatre mois en raison de sa désertion de l’armée fédérale yougoslave, il échet de relever que cet argument se rapporte pour l’essentiel à un motif qui, à le supposer établi, justifierait éventuellement l’octroi du statut de réfugié, un tel statut impliquant nécessairement l’autorisation de séjourner sur le territoire luxembourgeois. Or, il se dégage des renseignements fournis que le demandeur avait introduit une telle demande et que celle-ci a été rejetée par une décision ministérielle du 7 novembre 2001 par laquelle le ministre de la Justice a expressément pris position relativement aux craintes exposées par le demandeur quant à son « insoumission » de l’armée yougoslave, pour la déclarer non fondée notamment en considération de ce qu’une loi d’amnistie a été adoptée par le parlement de la République fédérale yougoslave au mois de février 2001.

En ce qui concerne pour le surplus le fait que le demandeur ne possède plus de parents au Monténégro et qu’il n’y possède ni biens mobiliers ni biens immobiliers, il échet de constater qu’une telle situation de fait ne saurait justifier la délivrance d’une autorisation de séjour pour raisons humanitaires, en ce qu’elle n’est pas de nature à mettre en danger ni la vie ni la liberté du demandeur dans son pays d’origine.

A défaut par le demandeur d’avoir exposé d’autres motifs qui justifieraient le cas échéant la délivrance d’une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires, il échet de déclarer le présent recours en annulation non fondé et de le rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 9 janvier 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14832
Date de la décision : 09/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-09;14832 ?

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