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09/01/2003 | LUXEMBOURG | N°14786

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 janvier 2003, 14786


Tribunal administratif N° 14786 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 avril 2002 Audience publique du 9 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14786 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2002 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au table

au de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité tunésienne, deme...

Tribunal administratif N° 14786 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 avril 2002 Audience publique du 9 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur … contre une décision conjointe prise par les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 14786 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2002 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité tunésienne, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision datant du 14 janvier 2002, signée conjointement par les ministres de la Justice, d’une part, et du Travail et de l’Emploi, d’autre part, lui ayant refusé la délivrance d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juin 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, en remplacement de Maître Gilbert REUTER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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A la suite d’une demande afférente présentée en date du 7 juin 2001 par Monsieur …, les ministres de la Justice et du Travail et de l’Emploi prirent le 14 janvier 2002 une décision conjointe, portant refus de lui accorder une autorisation de séjour, au motif qu’il ne disposerait pas de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis lui permettant de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, « indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir » et que « le dossier tel qu’il a été soumis au service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse ne permet pas au Gouvernement de lui accorder la faveur d’une autorisation de séjour ».

Par requête déposée le 10 avril 2002, inscrite sous le numéro 14786 du rôle, Monsieur … a introduit un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 14 janvier 2002.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 2002, V° Recours en réformation, n° 4 et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande principale en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le délégué du gouvernement reproche encore au demandeur de ne pas avoir indiqué l’acte critiqué avec toute la précision requise, dans la mesure où dans sa requête il fait référence à une décision qui aurait été prise par le ministre du Travail et de l’Emploi, alors que ce ministre n’aurait aucune compétence en matière de délivrance d’autorisations de séjour.

Sur ce, le représentant étatique se remet à la sagesse du tribunal quant à la recevabilité du recours « quant à sa forme ».

En l’absence de prise de position sur cette question par le demandeur, il appartient néanmoins au tribunal de retenir qu’il ne saurait être reproché au demandeur d’avoir indiqué dans sa requête introductive d’instance le ministre du Travail et de l’Emploi comme étant l’auteur de la décision critiquée, étant donné qu’à part le fait qu’il a oublié de préciser que cette même décision a également été prise par le ministre de la Justice, la décision en question a été signée par un conseiller de direction première classe, en sa qualité de délégué du ministre du Travail et de l’Emploi et par ailleurs ladite décision est rédigée sur un papier à entête mentionnant, à part les ministères de la Famille et de la Justice, également le ministère du Travail et de l’Emploi. Eu égard aux considérations qui précèdent, le demandeur a valablement pu estimer que ladite décision avait également été prise par le ministre du Travail et de l’Emploi, et la seule considération que ce ministre n’est pas compétent pour prendre des décisions en matière d’autorisation de séjour, n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité du recours. Il s’ensuit que le moyen afférent est à écarter comme n’étant pas fondé.

Au fond, le demandeur expose être arrivé au Grand-Duché de Luxembourg au cours de l’année 1998, qu’il bénéficierait d’une promesse d’emploi qui lui aurait été donnée par un employeur résidant à Luxembourg-Ville, tel que cela ressortirait d’un contrat de travail à durée indéterminée signé entre parties en date du 1er février 2002, dont l’entrée en vigueur serait conditionnée par la réception d’un permis de travail dans son chef, de sorte que rien ne s’opposerait à ce qu’une autorisation de séjour soit émise en sa faveur, en ce qu’en raison des revenus qu’il serait susceptible de toucher en exécution de la relation de travail précitée, il serait en mesure de subvenir à ses besoins et de remplir ainsi les exigences légales. Enfin, il ajoute qu’il ne constituerait pas un danger pour l’ordre ou la sécurité publics.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement se réfère à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, qui dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, une autorisation de séjour peut dès lors être refusée notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, II. Autorisation de séjour – Expulsion, n° 121 et autres références y citées, p. 205).

En outre, la seule preuve de la perception de sommes, en principe suffisantes pour permettre à l’intéressé d’assurer ses frais de séjour au pays, est insuffisante ; il faut encore que les revenus soient légalement perçus (trib. adm. 15 avril 1998, n° 10376, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 125). Ne remplissent pas cette condition les revenus perçus par un étranger qui occupe un emploi alors qu’il n’est pas en possession d’un permis de travail et qu’il n’est dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et toucher des revenus provenant de cet emploi (trib. adm. 30 avril 1998, n° 10508 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Etrangers, n° 125 et autres références y citées).

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise, de même qu’il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels se fonde l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute, sans qu’il ne puisse se livrer, dans le cadre d’un recours en annulation, à une appréciation de l’opportunité de la décision litigieuse.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal, qu’au jour où la décision critiquée du 14 janvier 2002 a été prise, le demandeur disposait d’un permis de travail valable sur base duquel il aurait été autorisé à travailler au Grand-Duché du Luxembourg. Par ailleurs, il n’a pas établi qu’il disposait d’autres moyens personnels propres suffisants et légalement acquis au moment où la décision critiquée fut prise.

Plus particulièrement, eu égard aux considérations ci-avant faites, le demandeur a tort de soutenir que le fait de bénéficier d’une promesse d’engagement voire d’un contrat de travail signé sous condition suspensive de l’obtention d’un permis de travail, tel que cela ressort par ailleurs des pièces et éléments du dossier, établirait l’existence de moyens personnels suffisants dans son chef, étant donné qu’il reste en défaut d’établir l’existence d’un permis de travail, légalement requis en application de l’article 26 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose qu’aucun étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail. En effet, le défaut d’un permis de travail fait obstacle à l’exécution légale et régulière d’un contrat de travail et la rémunération touchée ne saurait être considérée, au jour de la prise de la décision litigieuse, comme ayant été légalement acquise par le demandeur.

A défaut pour le demandeur d’avoir rapporté la preuve de l’existence de moyens personnels légalement acquis, le ministre de la Justice, seule autorité compétente pour refuser la délivrance d’autorisations de séjour, a dès lors valablement pu refuser l’autorisation de séjour telle que sollicitée par le demandeur, sur base de ce seul motif.

Comme pour le surplus, le demandeur n’a ni déclaré ni justifié remplir les conditions fixées par la brochure intitulée « Régularisation du 15.3 au 13.7.2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », éditée par le service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, il n’y a pas lieu de prendre position par rapport à la légalité et à l’applicabilité des critères fixés par ladite brochure en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé et que le demandeur est à en débouter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond, le dit non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 9 janvier 2003, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 14786
Date de la décision : 09/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-09;14786 ?

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