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08/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15391

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 janvier 2003, 15391


Tribunal administratif N° 15391 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 8 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur et Madame … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordr

e des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à Konice (Yougoslavie), et de son épouse...

Tribunal administratif N° 15391 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 septembre 2002 Audience publique du 8 janvier 2003

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Recours formé par Monsieur et Madame … contre une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2002 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à Konice (Yougoslavie), et de son épouse, Madame … …, née le … à Ramosevo/Tutin (Yougoslavie), agissant en leur nom personnel, ainsi qu’en celui de leurs enfants mineurs …, tous les cinq de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-8838 Wahl, 14, rue Principale, tendant à l’annulation d’une décision conjointe prise par le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi le 29 juillet 2002, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en obtention d’une autorisation de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 octobre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 28 mai 2001, Monsieur … … et son épouse, Madame … …, agissant tant en leur nom personnel, qu’en celui de leurs enfants mineurs …, introduisirent une demande en obtention d’une autorisation de séjour auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, dénommé ci-après le « service commun », en précisant appartenir à la « catégorie C », telle que décrite dans la brochure intitulée « régularisation du 15.3 au 13.7.2001 de certaines catégories d’étrangers séjournant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », éditée par le service commun, dénommé ci-après la « brochure », en ce qu’ils résideraient au Grand-

Duché de Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins.

Par lettre du 29 juillet 2002, le ministre de la Justice et le ministre du Travail et de l’Emploi informèrent les consorts … de ce qui suit :

« Suite à l’examen de la demande en obtention d’une autorisation de séjour que vous avez déposée en date du 28 mai 2001 auprès du service commun des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse, nous sommes au regret de vous informer que nous ne sommes pas en mesure de faire droit à votre demande.

En effet, selon l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1° l’entrée et le séjour des étrangers ; 2° le contrôle médical des étrangers ; 3° l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, la délivrance d’une autorisation de séjour est subordonnée à la possession de moyens d’existence personnels suffisants légalement acquis permettant à l’étranger de supporter ses frais de séjour au Luxembourg, indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient s’engager à lui faire parvenir.

Comme vous ne remplissez pas cette condition, une autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Par ailleurs, votre dossier tel qu’il a été soumis au Service Commun ne permet pas au Gouvernement de vous accorder la faveur d’une autorisation de séjour provisoire.

Vous êtes invité de quitter le Luxembourg ensemble avec votre famille endéans un délai d’un mois. A défaut de départ volontaire, la police sera chargée de vous éloigner du territoire luxembourgeois. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 septembre 2002, les consorts … ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 29 juillet 2002.

Le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs estiment que :

- la procédure de régularisation initiée par le gouvernement luxembourgeois, bien que ne reposant pas sur un texte légal, est source de droits et d’obligations et doit être respectée par les autorités luxembourgeoises en vertu des principes de l’égalité des citoyens et de confiance légitime ;

- la décision critiquée doit être annulée pour défaut de qualité dans le chef de ses auteurs, au motif qu’ils ont déposé leur demande auprès du service commun et que l’autorité de décision aurait dû être composée, collégialement, par le ministre de la Justice, le ministre du Travail et de l’Emploi, ainsi que le ministre de la Famille ;

- la procédure de régularisation étant une « régularisation par le travail », « en ce sens que le ministre du Travail est appelé dans ladite procédure à se prononcer sur ce point », la décision encourt l’annulation, au motif que la commission instituée par l’article 7 bis du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg n’a pas été entendue en son avis ;

- la décision attaquée n’est pas légalement motivée par la référence à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ;

2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, au motif qu’on ne saurait reprocher à un demandeur d’asile, souhaitant obtenir un titre de séjour dans le cadre d’une procédure de « régularisation », de ne pas disposer de revenus personnels, parce qu’en sa qualité de demandeur d’asile, il lui est défendu de s’adonner à une activité salariée et qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas disposer de revenus personnels « alors que l’autorité administrative avait déjà accordé une autorisation de séjour au requérant sous la condition suspensive que ces derniers délivrent un certain nombre des documents, lesquels ont été remis par les requérants dans son ensemble [sic]». Sur ce, ils concluent que la motivation, en ce qu’elle repose sur l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, serait illégale, sinon inappropriée.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours. A l’appui de sa conclusion, il soutient que le moyen basé sur une prétendue violation des principes généraux destinés à protéger les intérêts des administrés n’aurait pas été suffisamment explicité, que la décision ministérielle de refus ne serait ni viciée par la signature du ministre du Travail et de l’Emploi, ni par l’absence de signature du ministre de la Famille, que la commission instituée par l’article 7 bis du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 n’aurait pas dû être entendue en son avis, au motif que ni le ministre du Travail, ni l’administration de l’Emploi n’auraient été saisis d’une demande de permis de travail et que dans leur demande, les consorts … auraient « coché la case C qui ne correspond pas à l’hypothèse d’une régularisation par le travail » et, enfin, qu’ « il existe une seule base légale concernant le séjour de tout étranger au pays, à savoir la loi du 28 mars 1972 et qu’en vertu de l’article 2 de cette loi, une autorisation de séjour est subordonnée à la production d’un permis de travail », mais que cette pièce ferait défaut en l’espèce et « à titre subsidiaire et si l’on entend s’engager sur le terrain des critères de régularisation, il faut noter que tant au moment de l’introduction de la demande en obtention de séjour qu’au moment de la prise de décision, M. … était demandeur d’asile. Or les critères de la régularisation ne s’appliquent pas aux demandeurs d’asile en cours de procédure, un demandeur d’asile n’étant par définition pas un sans papier alors qu’il est toléré au pays et reçoit une aide de l’Etat ». Au cours de l’audience publique à laquelle l’affaire a été plaidée, concernant ce dernier point de son argumentation, le délégué s’est encore référé additionnellement, à deux motions votées par la Chambre des députés, qui se trouveraient à la base de la réglementation adoptée par le gouvernement en vue de la régularisation des étrangers se trouvant en situation irrégulière au Grand-Duché de Luxembourg, dont l’une viserait exclusivement les demandeurs d’asile et l’autre aurait été répercutée dans la brochure, énumérant sept catégories de personnes susceptibles d’obtenir « une autorisation de séjour et/ou un permis de travail », cette brochure excluant toutefois les demandeurs d’asile.

Il y a lieu d’examiner en premier lieu le deuxième moyen d’annulation soulevé par les demandeurs, qui est préalable.

Force est de constater qu’en l’état actuel de la législation, une décision relative à l’entrée et au séjour d’un étranger au Grand-Duché au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, relève de la seule compétence du ministre de la Justice, ceci conformément aux dispositions de l’article 11 de ladite loi et sous les restrictions y énoncées tenant notamment au fait que les décisions afférentes sont prises sur proposition du ministre de la Santé lorsqu’elles sont motivées par des raisons de santé publique.

Il s’ensuit qu’en dépit du fait que la demande en obtention d’une autorisation de séjour des demandeurs a été introduite auprès d’un service commun regroupant des représentants des ministères du Travail et de l’Emploi, de la Justice et de la Famille et que cette demande a par ailleurs été traitée dans le cadre de la régularisation des sans-papiers ainsi désignée, seul le ministre de la Justice est légalement investi de la compétence pour statuer en la matière.

Ainsi, le défaut de signature et d’intervention du ministre de la Famille, face à la compétence exclusive du ministre de la Justice en la présente matière, n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée, cette conclusion n’étant pas ébranlée par le fait que l’instruction du dossier a été faite, en tout ou partie, par un service commun regroupant des représentants de plusieurs ministères.

Il convient ensuite d’examiner le moyen basé sur l’obligation de saisine de la commission consultative instituée par l’article 7 bis du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972.

Or, ce moyen est également à écarter, étant donné que non seulement les demandeurs n’ont pas placé leur demande de régularisation dans un des deux cas de figure impliquant et requérant entre autres un travail au Luxembourg (cases A et B de la brochure), mais parce que la décision litigieuse ne se prononce pas sur un refus d’un permis de travail, alors qu’elle a exclusivement trait à un refus d’un permis de séjour et que la légalité de pareille décision n’est pas conditionnée par une saisine préalable de ladite commission.

Ceci étant, il convient ensuite d’examiner ensemble les premier et quatrième moyens d’annulation soulevés par les demandeurs et de retenir de prime abord que conformément à l’article 36 de la Constitution, c’est le Grand-Duc qui fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois et qu’il se dégage de cette disposition constitutionnelle que seules les lois, au sujet desquelles la Chambre des députés émet son assentiment conformément à l’article 46 de la Constitution, et qui sont par la suite sanctionnées et promulguées par le Grand-Duc, conformément à l’article 34 de la Constitution, peuvent donner lieu à des règlements grand-ducaux d’application en vue d’assurer leur exécution efficace.

Il s’ensuit qu’une motion adoptée par la Chambre des députés ou tout autre acte voté par celle-ci, à l’exception des propositions ou projets de loi, dûment sanctionnés et promulgués par la suite par le Grand-Duc, ne sauraient conférer au Grand-Duc ou au gouvernement une base valable pour adopter une réglementation dans un domaine déterminé.

Il s’ensuit encore qu’en tout état de cause, les motions adoptées par la Chambre des députés lors de ses séances des 14 et 22 mars 2001 portant, d’une part, sur la régularisation de personnes en situation administrative irrégulière et, d’autre part, sur les demandeurs d’asile en cours de procédure ou déboutés ainsi que sur des personnes susceptibles de bénéficier d’un statut humanitaire, ne sauraient constituer une base légale autorisant le Grand-Duc ou le gouvernement d’instituer un régime portant sur la régularisation d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en situation irrégulière ou en leur qualité de demandeurs d’asile.

Il est vrai que le gouvernement, pris dans son ensemble, ou chaque ministre pris individuellement, dans le cadre de son champ de compétence, tel qu’il est défini par la législation en vigueur, peuvent adopter des directives internes pour se donner des lignes de conduite en fixant notamment des procédures ou critères suivant lesquels certaines affaires qui leur sont soumises ou qui relèvent de leur domaine de compétence doivent être traitées notamment par les fonctionnaires qui se trouvent sous leurs ordres. Toutefois, de telles directives doivent obligatoirement se situer dans le cadre des dispositions légales et réglementaires applicables et elles ne peuvent en aucun cas comprendre des règles allant au-delà de ce qui est expressément prévu par la loi ou un règlement grand-ducal d’application de celle-ci, sous peine pour le gouvernement ou le ou les ministres ainsi visés, d’excéder leurs pouvoirs et d’empiéter sur une compétence réservée soit au pouvoir législatif soit au pouvoir réglementaire tel que déterminé par l’article 36 de la Constitution.

Il est vrai également que les droits français et belge, tel qu'interprétés par la jurisprudence, reconnaissent les directives qui y sont qualifiées de mécanisme d'autolimitation du pouvoir discrétionnaire de l'administration (v. M.-A. FLAMME, Droit administratif, tome 1er, n° 168, p. 396, Bruylant 1989). Selon le Conseil d'Etat belge, "une directive se distingue précisément d'une règle de droit en cela qu'elle se réfère à une règle de conduite générale par laquelle l'autorité se laissera guider ou du moins de laquelle elle s'inspirera, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, à l'occasion de cas concrets" (C.E. b. 20 juin 1964, cité in M.-A. FLAMME, op. cit., p. 397).

Dans un contexte constitutionnel identique à celui existant au Luxembourg, le droit belge reconnaît, à côté des directives qui constituent une sorte de "codification des motifs" en matière d'appréciation discrétionnaire, des directives de nature réglementaire ajoutant des règles nouvelles aux règles existantes (v. M.-A. FLAMME, op. cit., n° 168 bis, p. 398).

En l’espèce, force est de constater qu’à travers la brochure, le gouvernement a fixé d’une manière générale et abstraite des critères particuliers afin de permettre à certaines catégories d’étrangers d’obtenir « une autorisation de séjour et/ou un permis de travail » et la brochure, loin de tracer à l'administration un cadre pour guider ses décisions discrétionnaires en matière d'autorisation de séjour et de permis de travail à délivrer à des étrangers séjournant sur le territoire luxembourgeois, crée des règles nouvelles qui dérogent partiellement aux règles légales existantes. C'est ainsi que la brochure permet de considérer qu'un étranger dispose de moyens personnels suffisants au sens de l'article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dans des cas qui ne sont pas visés par cette disposition, de même qu'elle permet de régulariser par le travail des étrangers qui sont en infraction manifeste avec la législation sur le permis de travail et mettrait ainsi à néant les conditions posées par la loi pour l'octroi d'un tel permis.

Or, si le droit belge reconnaît un pouvoir réglementaire à d'autres organes que ceux constitutionnellement prévus, tel n'est pas le cas au Luxembourg où la Cour constitutionnelle dénie radicalement un tel droit à tout autre organe que celui prévu par l'article 36 de la Constitution (v. Cour const. 6 mars 1998 P. 30, p. 357, pour la différence avec la Belgique, v. note sous cet arrêt, n° 3, p. 362).

Il faut en conclure que toute directive qui va au-delà de la fixation de lignes de conduite à l'administration dans le cadre d'une législation existante et qui prétend fixer des règles nouvelles voire déroger à des règles existantes, est anti-constitutionnelle.

Il résulte des développements qui précèdent que contrairement à ce que semblent soutenir les demandeurs, la brochure ainsi élaborée par le service commun ne saurait ni déroger à l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 ni rendre celui-ci inapplicable à certaines catégories de personnes.

Par ailleurs, d’une manière générale, les critères ainsi fixés par le gouvernement, dans la mesure où ils doivent en tout état de cause se mouvoir dans le cadre des dispositions légales applicables en matière d’entrée et de séjour des étrangers, ne sauraient trouver application que dans la mesure où ils ne dérogent ni à une disposition légale ni à une disposition réglementaire applicable.

Il échet encore de relever dans ce contexte, afin de répondre à l’argumentation afférente du délégué du gouvernement, que contrairement à sa prise de position, les critères exposés dans la brochure s’appliquent à « toute personne qui tombe dans l’une des sept catégories y énumérées », suivant le libellé même de la brochure en question, sans qu’il ne se dégage de celle-ci ou d’un quelconque autre document que seuls pourraient bénéficier de la procédure de régularisation instituée par le gouvernement et matérialisée dans la brochure, les étrangers se trouvant en situation irrégulière au Grand-

Duché de Luxembourg, à l’exception des demandeurs d’asile en cours de procédure ou déboutés. Cette conclusion ne saurait en aucune manière être énervée par une référence faite par le représentant étatique aux motions votées par la Chambre des députés au cours de ses séances des 14 et 22 mars 2001, dont il a été question ci-avant, étant donné que non seulement ces motions ne sauraient constituer, comme il a été constaté ci-avant, une base légale suffisante autorisant le gouvernement à adopter une réglementation en matière de régularisation d’étrangers se trouvant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en situation irrégulière, mais qu’en outre, une telle distinction, même si elle avait été souhaitée par le gouvernement, ne se dégage pas des lettres et brochures d’information mises en circulation par le gouvernement ou adressées ou remises directement aux étrangers souhaitant présenter une demande sur base de l’une des catégories de critères figurant dans la brochure.

En l’espèce, les demandeurs, lors de l’introduction de leur demande de « régularisation » ont soutenu remplir les conditions posées par la catégorie C de la brochure suivant laquelle une personne qui réside de façon ininterrompue au Luxembourg depuis le 1er juillet 1998 au moins est susceptible de bénéficier d’« une autorisation de séjour et/ou [d’]un permis de travail ».

Etant donné que dans la brochure, il n’est pas exigé au sujet de ladite catégorie d’étrangers, que les personnes concernées doivent disposer en outre de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, tels qu’exigés par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, il appartient donc au tribunal d’analyser si la réglementation telle que décrite sous la catégorie C de la brochure fixe des lignes de conduite à appliquer par l’administration dans le cadre de la législation existante, sans créer des règles nouvelles ou dérogatoires à des règles existantes.

Dans la mesure où la réglementation ainsi posée par le gouvernement au sujet de la catégorie C, telle que décrite dans la brochure, n’a pas pu faire abstraction des conditions posées par l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, celles-ci restent d’application même en ce qui concerne les étrangers tombant sous le champ d’application de la catégorie C ainsi définie et c’est partant à bon droit que le ministre de la Justice a pu exiger des demandeurs de disposer de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, conformément à l’article 2 précité.

Pour le surplus, il échet de relever que pour le cas où, par son comportement, l’administration a trompé la confiance légitime des demandeurs, en les induisant en erreur à travers l’annonce d’une expectative dépourvue d’une base légale, ceux-ci pourraient certes se baser sur la législation en matière de responsabilité civile de l’Etat du fait du fonctionnement défectueux de ses services en vue d’obtenir réparation du dommage qui leur est accru le cas échéant, mais ils ne sauraient pas prétendre à se faire appliquer une « réglementation » qui s’est révélée anticonstitutionnelle.

Comme il est constant en cause que les demandeurs ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, c’est à bon droit que le ministre de la Justice a pu leur refuser la délivrance d’une autorisation de séjour et les premier et quatrième moyens d’annulation laissent également d’être fondés.

Enfin, à toutes fins utiles, il convient d’ajouter que même à admettre le raisonnement mené par les demandeurs, leur demande ne saurait être accueillie sur base du cas de figure posé par la catégorie C de la brochure, étant donné qu’ils restent en défaut d’établir à suffisance de droit la condition de résidence posée par la brochure, les attestations testimoniales produites en cause par les demandeurs, confrontées aux éléments d’informations contraires rassemblés par l’autorité administrative, étant insuffisantes pour ce faire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre la décision ministérielle litigieuse doit être déclaré non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, M. Spielmann, juge, et lu à l’audience publique du 8 janvier 2003, par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 15391
Date de la décision : 08/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-08;15391 ?

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