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08/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15255

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 janvier 2003, 15255


Tribunal administratif N° 15255 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2002 Audience publique du 8 janvier 2003

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Recours formé par Madame …, … en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15255 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 août 2002 par Maître Louis TINTI, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L...

Tribunal administratif N° 15255 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2002 Audience publique du 8 janvier 2003

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Recours formé par Madame …, … en présence du ministre de la Justice en matière de relevé de déchéance

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 15255 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 août 2002 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-…, tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois imparti pour l’introduction d’un recours contentieux à l’encontre de la décision du ministre de la Justice du 30 mai 2002, lui notifiée le 17 juin suivant, portant refus du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 novembre 2002 ;

Vu les pièces versées en cause ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives en la chambre du conseil en date du 6 janvier 2003.

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Considérant qu’en date du 17 juin 2002, Madame … s’est vu notifier la décision du ministre de la Justice du 30 mai 2002 déclarant non fondée sa demande en obtention du statut de réfugié sur base des dispositions de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire ;

Considérant qu’en date du 16 août 2002, Madame … a fait déposer une demande tendant au relevé de la déchéance résultant de l’expiration du délai d’un mois ayant couru dans son chef depuis la notification de la décision de refus précitée ;

Qu’à l’appui de sa demande elle fait valoir qu’elle s’est adressée en temps utile à un membre du barreau afin de pouvoir introduire un recours contentieux contre la décision du ministre de la Justice, mais que pour des raisons étrangères à sa volonté ledit recours n’a pas été formé ;

Qu’elle estime avoir fait toutes les démarches et diligences nécessaires pour que son avocat fût en mesure d’introduire un recours au fond à l’encontre de la décision ministérielle du 30 mai 2002, de sorte que ni la moindre faute, ni aucune négligence ne puissent lui être imputées personnellement, de manière qu’elle estime pouvoir rentrer sous les prévisions légales lui permettant de pouvoir être utilement relevée de la déchéance encourue du fait du délai expiré ;

Considérant que la loi modifiée du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice dispose en son article 1er que « si une personne n’a pas agi en justice dans le délai imparti, elle peut, en toutes matières, être relevée de la forclusion résultant de l’expiration du délai si, sans qu’il y ait eu faute de sa part, elle n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai ou si elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir » ;

Considérant qu’il est constant en cause qu’à partir de la notification lui faite de la décision ministérielle du 30 mai 2002, Madame … a eu connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, étant entendu que ladite décision comprend l’indication complète des voies de recours ensemble l’indication de sa communication au demandeur ;

Que dès lors la demanderesse ne rentre pas sous les prévisions de ce premier cas d’ouverture d’un relevé de déchéance prévu par la loi ;

Considérant que l’article 1er de la loi du 22 décembre 1986 prévoit deux cas d’ouverture pouvant donner lieu au relevé de déchéance introduits chacun par le mot « si » ;

Considérant que force est de constater que seulement pour le premier cas d’ouverture, celui où la personne concernée n’a pas eu, en temps utile, connaissance de l’acte qui a fait courir le délai, le texte légal prérelaté exige que cette hypothèse soit vérifiée « sans qu’il y ait eu faute de sa part », alors que pour le deuxième cas d’ouverture, relatif à l’impossibilité d’agir, pareille condition n’est point prévue ;

Considérant que les auteurs du texte avaient à l’esprit que cette seconde hypothèse pouvait être celle « où une personne s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir pendant le délai imparti à la suite d’une signification ou notification régulière ayant fait courir le délai. Cette impossibilité d’agir pourra être due à un empêchement physique, résultant d’une maladie grave, d’un accident privant l’intéressé de l’usage de ses facultés mentales ou le mettant autrement hors d’état de pourvoir à ses intérêts » (doc. parl. n° 2879, commentaire des articles, p. 3, ad. art. 1er in fine) ;

Considérant que dans la mesure où Madame … avait donné mandat à un professionnel de la postulation de déposer un recours au fond pour son compte elle ne s’est point trouvée dans le cas d’ouverture classique de l’impossibilité d’agir ;

Considérant que les articles 540 et 541 du nouveau code de procédure civile français ont servi d’exemple au législateur ayant instauré la loi précitée du 22 décembre 1986 ;

Considérant qu’intervenant par rapport à des délais de recours ayant un caractère d’ordre public et un effet, en principe, automatique, le relevé de forclusion a été jugé en France constituer un incident toujours grave (cf. Vincent et Guinchard, Précis Dalloz, Procédure civile, 21ième édition, n° 845), partant exceptionnel ;

Considérant que traditionnellement la jurisprudence française interprète restrictivement la notion d’impossibilité d’agir (cf. Cour d’appel lux. 20 décembre 1991, Pasicrisie 28, p. 250) ;

Considérant que dans l’hypothèse où un mandataire a été chargé par une personne en vue de l’introduction d’un recours et plus particulièrement pour les catégories d’affaires où le droit de postulation d’un professionnel est la règle, comme celle sous rubrique réservant aux avocats à la Cour le monopole des recours à intenter au fond contre des décisions administratives individuelles, l’impossibilité d’agir n’est en principe pas donnée, lorsque le mandat pour agir a été conféré en temps utile au professionnel par le justiciable concerné ;

Considérant qu’en règle générale la négligence de l’intermédiaire chargé d’agir ne justifie pas un relevé de forclusion (cf. Encyclopédie Dalloz, Procédure Civile, V° Délais n° 45) ;

Considérant qu’admettre avec la partie demanderesse qu’une fois son mandat conféré et toute diligence faite auprès de son mandataire le relevé de déchéance devrait lui être conféré, quelle que soit la cause justificative de l’inaction du professionnel concerné, reviendrait à outrepasser sans cause légitime des délais par ailleurs fixés à titre obligatoire par le législateur, le relevé de déchéance étant à interpréter de façon restrictive, vu son caractère exceptionnel, également suivant la loi modifiée du 22 décembre 1986 (trib. adm. 2 octobre 2000, Mujkovic, n° 12174 du rôle, Pas. adm. 2002, V° Procédure contentieuse, n° 91, p. 462 et autres décisions y citées) ;

Considérant qu’en l’espèce aucune justification de l’inaction du professionnel chargé d’introduire le recours au fond contre la décision du 30 mai 2002 dont s’agit n’ayant été établie, le deuxième cas d’ouverture du relevé de déchéance ne se vérifie point non plus en l’occurrence ;

Considérant que par voie de conséquence la requête en relevé de forclusion n’est pas fondée ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare la demande en relevé de forclusion recevable ;

au fond la dit non justifiée et en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 janvier 2003 à laquelle le prononcé avait été fixé par :

M. Delaporte, premier vice-président, Mme Lenert, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15255
Date de la décision : 08/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-08;15255 ?

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