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06/01/2003 | LUXEMBOURG | N°15691

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 janvier 2003, 15691


Numéro 15691 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2002 Audience publique du 6 janvier 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15691 du rôle, déposée le 4 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Carine LECORVAISIER, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, de nationali...

Numéro 15691 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2002 Audience publique du 6 janvier 2003 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 15691 du rôle, déposée le 4 décembre 2002 au greffe du tribunal administratif par Maître Carine LECORVAISIER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 22 août 2002, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 30 octobre 2002 prise sur recours gracieux, les deux portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme étant manifestement infondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2002;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Carine LECORVAISIER et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 décembre 2002.

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Le 22 juillet 2002, Madame …, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Madame … fut entendue le 7 août 2002 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame … par décision du 22 août 2002, notifiée par courrier recommandé du 12 septembre 2002, de ce que sa demande avait été rejetée comme étant manifestement infondée au motif qu’elle n'alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Le recours gracieux formé par Madame … à travers un courrier de son mandataire du 11 octobre 2002 s’étant soldé par une décision confirmative du même ministre du 30 octobre 2002, elle a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de ces deux décisions ministérielles de rejet des 22 août et 30 octobre 2002 par requête déposée en date du 4 décembre 2002.

L’article 10 (3) de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant expressément un recours en annulation en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées, le recours en annulation est recevable pour avoir été déposé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la demanderesse, d’origine monténégrine, fait exposer que suite à la guerre s’étant déroulée au Kosovo, elle aurait perdu son emploi de serveuse dans un café dans cette province et qu’elle n’y aurait plus pu reprendre une quelconque activité alors que les Albanais du Kosovo auraient refusé de lui donner un nouvel emploi et accorderaient une préférence aux membres de leur propre ethnie. Au vu de ce refus des Albanais d’engager une ressortissante monténégrine et des heurts fréquents entre la minorité serbe et la majorité albanaise au Kosovo, la demanderesse déclare avoir fui dans un premier temps au Monténégro où elle aurait pourtant également vécu dans la misère à défaut de domicile et d’attaches familiales, sa mère étant décédée.

La demanderesse soutient sur pied de ces éléments qu’elle aurait certes quitté son pays d’origine en raison de problèmes d’ordre économique, mais que ces mêmes problèmes trouveraient leur source dans sa condition de femme et dans son appartenance à la communauté monténégrine face à la préférence accordée par la majorité albanaise du Kosovo à l’emploi des ressortissants de leur propre ethnie. Elle affirme que la motivation de la décision ministérielle déférée du 22 août 2002 sur pied de l’article 9 de la loi prévisée du 3 avril 1996 serait dès lors erronée en ce qu’elle lui reprocherait un recours abusif aux procédures en matière d’asile, étant donné que si la crise économique au Monténégro et le défaut de moyens de subsistance dans son chef ne constitueraient en principe pas un acte de persécution, sa situation actuelle serait néanmoins la conséquence de la situation politique au Kosovo et de son appartenance ethnique l’ayant privée de sa situation économique au Kosovo. Elle conclut que la Convention de Genève devrait lui être appliquée « ce sans épiloguer sur la possibilité de fuite interne vers un pays tiers qu’elle a effectué mais qui néanmoins l’a conduite à une situation de précarité issue d’une persécution d’origine ethnique ».

Le délégué du Gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de craintes de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motifs de sa demande.

Lorsque le demandeur invoque la crainte d’être persécuté dans son propre pays, mais qu’il résulte des éléments et des renseignements fournis que le demandeur n’a aucune raison objective de craindre des persécutions, sa demande peut être considérée comme manifestement infondée ».

Une demande d’asile basée exclusivement sur des motifs d’ordre personnel et familial et non sur un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève est à considérer comme manifestement infondée (trib. adm. 19 juin 1997, n° 10008 du rôle, Pas.

adm. 2002, v° Etrangers, n° 93 et autres références y citées).

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande d’asile amène le tribunal à conclure qu’elle n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

En effet, même à supposer que la demanderesse ait été amenée à quitter le Kosovo du fait de l’impossibilité de trouver un emploi rémunéré en raison de son appartenance ethnique et que cette attitude de la majorité albanaise du Kosovo puisse être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, la demanderesse a pu s’installer au Monténégro dont elle était originaire et profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne afin d’échapper aux persécutions dont elle faisait l’objet. Concernant sa situation au Monténégro, la demanderesse se prévaut exclusivement de problèmes économiques, vu qu’elle a déclaré lors de son audition qu’elle avait quitté le Monténégro « parce qu’on ne sait pas de quoi vivre, il n’y a pas de travail là-bas » et qu’elle n’y avait pas subi de persécution personnelle.

Or, la situation économique de la demanderesse au Monténégro ne peut pas être qualifiée de conséquence directe de son départ du Kosovo suite aux problèmes y rencontrés, la notion de fuite interne ne comportant pas la garantie d’un certain niveau de vie, mais étant essentiellement fonction de la possibilité d’échapper à une persécution. En outre, en l’état actuel de la législation l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève ne saurait en principe être étendu au point de couvrir une situation de pauvreté en l’absence de circonstances spécifiques permettant de raccrocher l’état de pauvreté allégué à la situation non pas générale dans le pays d’origine du demandeur d’asile, mais à sa situation personnelle en ce sens que cet état serait en relation directe avec une raison de persécution énoncée par la Convention de Genève.

Il se dégage des considérations qui précèdent que la demanderesse n’a pas fait état de persécutions ou de craintes de persécutions au sens de la Convention de Genève dont elle risquerait personnellement de faire l’objet, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a décidé que sa demande d’asile devait être déclarée manifestement infondée et que le recours sous analyse est à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 janvier 2003 par:

Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT LENERT 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 15691
Date de la décision : 06/01/2003

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2003-01-06;15691 ?

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